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Des experts appellent Ottawa à faire plus d’efforts commerciaux auprès des États-Unis

La Presse Canadienne|Mis à jour le 26 juillet 2024

Des experts appellent Ottawa à faire plus d’efforts commerciaux auprès des États-Unis

Comme Donald Trump pourrait retourner à la Maison-Blanche en janvier, le Canada a préféré ne pas se mettre à dos l’ex-président républicain en alignant ses tarifs sur le taux américain. (Photo: La Presse Canadienne)

Un groupe d’experts sonne l’alarme: Ottawa doit rapidement se rapprocher des États-Unis, sans quoi le Canada sera profondément désavantagé lors de la révision imminente d’un accord commercial crucial. 

«Le temps va nous manquer très rapidement», a lancé Perrin Beatty, coprésident du Groupe d’experts sur les relations entre le Canada et les États-Unis.

Le groupe indépendant, qui comprend d’anciens diplomates, conseillers politiques et chefs d’entreprise, a été créé dans les derniers mois dans un contexte d’inquiétude de «somnambulisme» de la part Ottawa à l’approche de l’examen de 2026 de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), a indiqué M. Beatty. 

Un nouveau rapport du groupe d’experts indique que le Canada doit mettre de l’ordre dans ses affaires avant le début des négociations formelles. Il demande à Ottawa de préciser ses objectifs et de lancer une stratégie claire, de nommer un négociateur en chef et de collaborer avec le monde des affaires du Canada.  

«Le train sort rapidement de la gare», a prévenu M. Beatty, également président-directeur général de la Chambre de commerce du Canada. 

Souvenirs de l’ALENA

La négociation de l’ACEUM, communément surnommé «le nouvel ALENA» au Canada, a été un test clé pour Ottawa après la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle de 2016. 

«Le nouvel ALENA représente une victoire pour les Canadiens de toute allégeance politique et de toutes les régions du pays, a déclaré la vice-première ministre Chrystia Freeland en janvier 2020. Ce fut un véritable effort de l’Équipe Canada».

Malgré tout, Robert Lighthizer, le représentant au Commerce de l’ancien gouvernement de Donald Trump, a critiqué dans son livre la façon dont le Canada a géré la renégociation. Il y affirme qu’à un certain moment, les deux pays ne parlaient pas et que «l’ALENA ne tenait qu’à un fil».

Le nouveau rapport décrit la relation actuelle de M. Trump avec le gouvernement libéral comme «au mieux froide». Si l’ancien président revient à la Maison-Blanche, il visera probablement à perturber le commerce mondial et a déjà annoncé son intention d’imposer des droits de douane de 10% sur les importations.

Cela ne signifie pas nécessairement que le Canada peut relâcher ses efforts sous un président démocrate. Joe Biden a largement maintenu les tarifs douaniers de son prédécesseur, malgré la promesse de les annuler. Il y avait également des tensions autour des dispositions privilégiant l’achat américain de l’administration de Joe Biden. 

Beaucoup s’attendent à ce que Kamala Harris, qui s’efforce d’obtenir l’investiture démocrate maintenant que M. Biden a mis fin à sa course, suive la voie de son prédécesseur en matière de relations canado-américaines. Mme Harris était cependant l’un des dix sénateurs américains à voter contre l’accord trilatéral de Donald Trump, affirmant que celui-ci n’en faisait pas assez pour protéger les travailleurs américains et l’environnement.

Le gouvernement fédéral suit les opinions sur l’accord au Canada, aux États-Unis et au Mexique, affirme le porte-parole d’Affaires mondiales Canada, Jean-Pierre Godbout. Ottawa envisage une série de scénarios potentiels à examiner, a-t-il déclaré. 

«Le moment venu, le gouvernement sera prêt à avancer et à défendre les intérêts canadiens», a rassuré M. Godbout dans un courriel.

Détérioration des relations

M. Beatty explique que le problème est que le rapport entre les deux pays est «passé d’une relation stratégique à une relation transactionnelle». De plus, le Canada est devenu un partenaire commercial moins important pour les États-Unis que d’autres pays dans le monde.

Ottawa devra faire valoir l’importance du Canada pour d’autres choses comme la sécurité, a déclaré Fen Hampson, coprésident du groupe d’experts.

«Cela ne va pas être facile», a prévenu le professeur d’affaires internationales à l’Université Carleton. «Nous devons vraiment améliorer notre jeu».

Le ministre de l’Industrie, François-Philippe Champagne, effectue des visites régulières au sud de la frontière dans le cadre de la stratégie d’engagement d’Équipe Canada. L’ambassadrice du Canada aux États-Unis, Kirsten Hillman, a travaillé d’arrache-pied d’un État à l’autre et a assisté récemment à la Convention nationale républicaine à Milwaukee, où elle a défendu la cause d’Ottawa. 

Le rapport indique cependant qu’il y a des limites à l’offensive de charme du Canada. Les Américains regardent le Canada près, mais pas dans le bon sens. 

Justin Trudeau a fait face à des pressions importantes concernant les dépenses de défense du Canada alors qu’il était à Washington pour le sommet des dirigeants de l’OTAN plus tôt ce mois-ci. 

Le premier ministre a promis d’atteindre l’objectif de dépense de l’OTAN, l’équivalent de 2% du produit intérieur brut, d’ici 2032. Il a tout de même été critiqué pour la longueur de son échéancier et le manque de détails sur la manière dont Ottawa y parviendra.

Les Américains de tous bords politiques ont également été extrêmement critiques à l’égard de la nouvelle taxe canadienne sur les services numériques, qui touche les grandes entreprises étrangères. Le Bureau du représentant commercial des États-Unis a déclaré qu’il ferait le nécessaire pour mettre fin à cette taxe.

Le Canada doit cesser de «tirer sur les plumes de la queue de l’aigle américain», en se positionnant comme une partie de la solution plutôt que du problème, a pressé M. Beatty.

Cela signifie que le gouvernement fédéral devrait élaborer un serment d’Hippocrate, comme celui prêté par les médecins, a-t-il soutenu. 

«D’abord, ne pas nuire».