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Ottawa ordonne aux télécoms de conclure un accord d’assistance

La Presse Canadienne|Publié le 25 juillet 2022

Ottawa ordonne aux télécoms de conclure un accord d’assistance

À la suite de la panne, des observateurs du milieu ont appelé à une concurrence accrue dans l’industrie des télécommunications pour atténuer l’impact de futures pannes sur les Canadiens. (Photo: La Presse Canadienne)

Ottawa — Le gouvernement fédéral a «exigé» que les compagnies de télécommunications concluent un accord d’assistance mutuelle afin d’éviter qu’une autre panne, comme celle qu’a vécue Rogers pendant 15 heures au début du mois, n’empêche les appels au 911.

Lors d’une comparution lundi devant le Comité permanent de l’industrie et de la technologie de la Chambre des communes, le ministre de l’Innovation, François-Philippe Champagne, a indiqué avoir présenté cette exigence lors d’une rencontre avec leurs grands patrons à la suite de la panne de Rogers.

«Je veux que ce soit codifié dans un contrat écrit qui sera formel entre les compagnies. Je veux aussi que l’itinérance en matière d’urgence soit codifiée dans un contrat écrit et je veux aussi qu’il y ait un protocole de communication avec le gouvernement, mais aussi avec les clients, qui soit codifié», a-t-il énuméré.

Sur ce dernier élément, François-Philippe Champagne a précisé que «ça ne devrait pas être au ministre de courir après le patron d’un géant des télécoms lorsqu’une telle situation se produit», mais bien l’inverse.

Il reste aux compagnies 45 jours pour s’y conformer. Elles ont fourni l’«engagement formel» qu’elles le feront et «ce n’est qu’un début», a précisé François-Philippe Champagne.

Questionné sur ce qui oblige les compagnies à se conformer à ses ordres, le ministre a répondu que «croyez-moi», elles le feront.

Le député néo-démocrate Brian Masse a alors plaidé que dans le cadre d’un service essentiel, les élus ne devraient pas compter que «sur l’influence personnelle, la bonne volonté ou s’ils font du golf avec quelqu’un» pour régler un problème et plutôt légiférer.

Les conservateurs ont pour leur part reproché au ministre d’être resté les bras croisés après une panne précédente chez Rogers en 2021.

«Aujourd’hui, vous êtes bien fier de dire: “J’ai été très directif. J’ai parlé directement au CEO et c’est des ordres que je leur donnais”. Pourquoi vous n’avez pas fait ça il y a 15 mois quand il y a eu le premier problème?», a envoyé le député Gérard Deltell.

François-Philippe Champagne lui a répondu que la panne de cette année n’avait aucune commune mesure avec celle de l’an dernier. «Je ne me vante pas. Je représente les Canadiens. C’est très différent, a-t-il dit. Mais si vous voulez parler de manquements, si vous voulez parler de faute, si vous voulez parler de négligence, vous aurez le président de Rogers.»

Justement, quelques minutes plus tard, le président et chef de la direction de Rogers, Tony Staffieri, a indiqué aux élus, qui l’attendaient de pied ferme, que «des progrès significatifs» ont été réalisés dans les démarches pour conclure un accord afin que les appels au 911 puissent être faits lors d’une panne d’un réseau.

La panne du 8 juillet a touché les utilisateurs mobiles et internet de Rogers, a mis hors service des guichets automatiques, fermé le système de paiement Interac et empêché les appels aux services 911 dans certaines villes canadiennes.

Cinq simulations sans problèmes

La panne était le résultat d’une «défaillance du système suite à une mise à jour de notre réseau principal», a expliqué le grand patron.

Autrement dit, elle a touché l’équivalent du «cerveau» du réseau, a renchéri Ron McKenzie, le nouveau chef de la direction de la technologie _ l’ancien ayant été remercié peu après les événements.

Pourtant, la mise à jour a été simulée «cinq fois» par des ingénieurs et «rien ne laissait présager» qu’elle causerait un problème lorsqu’elle serait réellement effectuée, mais il est «très difficile» de tester une réaction sur l’ensemble du réseau, a-t-on expliqué.

Les appels au 911 n’ont pas été acheminés en raison d’«enjeux techniques», a soutenu le grand patron. L’affirmation n’a pas convaincu le député Masse qui lui a répliqué qu’au contraire, c’est pour des raisons d’affaires.

Bell et Telus ont proposé de l’aide, mais Rogers était incapable de rediriger les appels, a ajouté le chef des technologies.

Rogers prévoit séparer ses réseaux sans-fil et internet, une «couche de protection supplémentaire» qui coûtera au moins un quart de milliards de dollars, selon l’entreprise. Ce sont des «correctifs urgents» afin d’améliorer la redondance et la résilience du réseau.

Et Rogers entend profiter de la prise de contrôle de Shaw Communications pour 26 milliards de dollars, une opération qui nécessite notamment l’approbation du Bureau de a concurrence, afin de réaliser l’opération «deux fois plus rapidement» que cela se ferait autrement, a indiqué son PDG dans une réponse à Sébastien Lemire, le vice-président bloquiste du comité.

Tony Staffieri a évité en tout à trois reprises de dire s’il croit que son entreprise fournit «un service essentiel». Il a également contourné une question visant à savoir s’il croit que la loi devrait prévoir des dédommagements en cas de panne au lieu de laisser cela au bon vouloir du fournisseur. Dans le cas actuel, Rogers remboursera automatiquement cinq jours de service à ses clients.

À la suite de la panne, des observateurs du milieu ont appelé à une concurrence accrue dans l’industrie des télécommunications pour atténuer l’impact de futures pannes sur les Canadiens.

Les consommateurs canadiens ont «des alternatives, des choix», a insisté le PDG de Rogers qui a été immédiatement interrompu par le député libéral Nathaniel Erskine-Smith qui lui a demandé s’il «dit ça sérieusement».