Le ministre des Finances, Eric Girard (Photo: La Presse Canadienne)
EXPERT INVITÉ. Le budget 2024 restera dans la mémoire collective comme étant le plus déficitaire de l’histoire du Québec.
Les déficits ont atteint un sommet historique de 11 milliards de dollars (G$), plutôt que les 4 G$ anticipés lors de la mise à jour économique et budgétaire de novembre dernier.
La question est de savoir comment, en quatre mois à peine, les projections du déficit ont pu presque tripler.
Du côté du gouvernement, le ministre des Finances pointe vers les résultats des négociations avec le secteur public, le manque d’eau dans les réservoirs d’Hydro-Québec ayant plombé les exportations et la situation économique moins rose que prévu.
Bien que chacun de ces éléments a contribué à creuser le déficit, il faut néanmoins reconnaître que la gestion des finances publiques par le gouvernement caquiste n’a pas aidé.
Les membres du gouvernement auront beau répéter à qui veut l’entendre que la responsabilité revient à leur gestion du portefeuille des Québécois et Québécoises, les chiffres montrent plutôt qu’il s’agit d’un gouvernement particulièrement dépensier.
Il y a six ans de cela, le dernier budget déposé par le gouvernement Couillard s’était soldé des dépenses de l’ordre de 106,5 G$.
Cette année, le gouvernement du Québec prévoit dépenser un total de 157,6 G$.
Pas responsable
En six ans de gouvernance caquiste, les dépenses gouvernementales annuelles ont explosé de 48%. Ce rythme de croissance n’a rien de soutenable ou de particulièrement responsable, tel que l’illustre très bien le déficit gigantesque que nous avons cette année.
Bien que la pandémie soit responsable d’une partie de la hausse des dépenses, le ministère des Finances estime l’impact récurrent à 3G$.
Cela représente une hausse négligeable par rapport aux 51 G$ d’augmentation des dépenses sous le gouvernement Legault.
Alors que les dépenses ont crû de 48%, il importe de se questionner sur l’effet que cette hausse des dépenses a eu sur l’amélioration des services.
Après tout, les Québécois et Québécoises n’attendent pas 48% moins longtemps lorsqu’ils se présentent aux urgences. Il n’est pas non plus 48% plus rapide d’obtenir une place en CPE. Et le système d’éducation n’est pas 48% meilleur qu’il ne l’était il y a six ans.
On pourrait continuer cette liste longtemps, mais le constat est déjà clair: bien que les dépenses aient augmenté à la vitesse grand «V», les services, eux, n’ont pas suivi. En réalité, c’est tout le contraire qui se produit. On a l’impression de payer de plus en plus cher afin de rafistoler un édifice qui craque de partout.
Il n’en faudra pas beaucoup plus pour imaginer que notre argent s’est perdu quelque part dans les dédales et les organigrammes des ministères et autres structures aux noms-fleuves, au lieu de s’être rendu sur le terrain.
Mais les coûts, eux, sont bien réels. Malgré la position peu enviable du Québec en tant que lieu le plus imposé en Amérique du Nord, tous ces revenus de taxes et impôts n’arrivent pas à assouvir l’appétit de la machine gouvernementale et à fournir la qualité de services à laquelle on s’attendrait en échange de cette ponction sur nos chèques de paye.
Au régime!
Il devient donc évident qu’il est temps de mettre l’État au régime et de revoir le fonctionnement de la machine, pour éviter que nous n’engloutissions davantage de milliards de dollars de l’argent des contribuables pour bien peu de résultats.
À cet effet, l’annonce d’un examen des dépenses à compter du printemps représente une timide lueur d’espoir.
En passant les dépenses des ministères et autres organes gouvernementaux au peigne fin, cet exercice pourrait — s’il est bien exécuté — permettre au gouvernement d’identifier et d’éliminer les dépenses avec le plus faible ratio coût-bénéfice.
Il permettrait aussi de se pencher sur les nombreuses subventions que le Québec verse à certains secteurs de l’économie et qui, selon ce qu’indique la recherche en économie, sont généralement peu efficaces par rapport à des mesures au niveau de l’impôt ou d’assouplissement de la réglementation.
Et il permettrait de se pencher sur la croissance du nombre de fonctionnaires sous un gouvernement qui, il y a six ans à peine, promettait aux Québécois et Québécoises d’en réduire les effectifs.
Ce genre d’exercice, bien que trop rare, n’est pas inédit. Et il a déjà fait ses preuves.
Au fédéral, après la crise financière de 2008-2009, le gouvernement de l’époque avait mis sur pieds un tel comité de révision des dépenses. Grâce à ses efforts, il avait été possible d’identifier cinq milliards de dollars en économie récurrente, aidant au retour progressif vers l’équilibre budgétaire.
Au provincial, le gouvernement Legault nous indique que nous devrions commencer à en voir les résultats dans le prochain budget.
Bien que l’on souhaite laisser la chance au coureur, nous ne pouvons pas nous empêcher de nous poser la question suivante: où est passée la responsabilité fiscale à Québec?