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Payés pour se former

Simon Lord|Publié le 24 avril 2020

Offrir un salaire aux étudiants qui viennent faire un stage en entreprise. Une solution qui marche?

Affectés par la pénurie, des entreprises estriennes du domaine de la mécanique automobile et de l’aménagement paysager ont décidé l’été dernier, en collaboration avec leur centre de formation, d’offrir un salaire aux étudiants qui viennent faire un stage chez eux. Une solution qui marche?

Pierre Rémillard est responsable des ressources humaines à titre de consultant chez Paysage Lambert, une entreprise d’entretien et d’aménagement paysager basée à Sherbrooke. À son avis, ce genre d’initiative est, dans ses propres mots, une vraie mine d’or. «Notre secteur connaît une pénurie, et Paysage Lambert se spécialise dans le créneau haut de gamme, alors de trouver une façon d’attirer des gens qui ont une formation technique, c’est intéressant pour l’entreprise.»

Mais d’en arriver là a demandé un certain effort de concertation entre les parties. «Le Centre de formation professionnelle de Coaticook, le CRIFA, nous a consulté pour connaître nos besoins. On leur a dit « Faites la formation durant la saison morte, et nous, on s’engagera à accueillir des étudiants et à les rémunérer durant la saison de travail. »»

L’an dernier, Paysage Lambert a donc accueilli deux stagiaires – il en avait demandé quatre mais il y a toujours trop peu d’étudiants – qu’il a rémunérés à un taux horaire de 15 $ de l’heure. Un projet qui est un pas dans la bonne direction en vue d’atténuer le manque de main d’œuvre. «Exceptionnellement, cette année, nous avons fait une demande auprès du gouvernement fédéral pour pouvoir engager deux travailleurs étrangers, dit M. Rémillard. Mais si on avait eu deux étudiants de plus, on n’aurait pas fait de demande.»

 

Vif succès

Au total, ce sont neuf paysagistes qui ont participé au projet l’an dernier. Tina Desmarais, la directrice du CRIFA, considère que l’initiative a été un franc succès: «Chaque paysagiste était prêt à accueillir quatre ou cinq élèves», dit-elle. Sauf qu’avant la mise en place du projet, le programme d’aménagement paysager n’avait que deux inscriptions, ce qui signifie que le cours n’aurait pas été donné.

Mais après avoir fait la promotion de cette initiative, selon laquelle les paysagistes acceptaient de rémunérer les étudiants durant leur stage, les inscriptions se sont vites multipliées. «On a fini par remplir une classe complète», dit Tina Desmarais, qui compte redéposer le projet cette année en vue de le poursuivre.

Également en raison de la pénurie, une initiative similaire a aussi été mise sur pied, toujours au CRIFA, dans le domaine de la mécanique automobile. Dans le cadre de celui-ci, les entreprises étaient appelées à payer la moitié du salaire horaire de 14$ des stagiaires, alors que le Comité des partenaires de la main-d’œuvre payait l’autre moitié.

Et dans ce cas-ci comme dans l’autre, l’initiative devrait revenir cette année, explique Tina Desmarais. «On redépose aussi ce projet parce que la moyenne d’âge des travailleurs dans les garages est assez élevée. Plusieurs d’entre eux ont 56, 57 ans, et la relève est rare. Les entreprises sont inquiètes. Comme la demande est forte, on anticipe qu’il soit accepté.»

 

Étendre l’initiative

On ne change pas une recette gagnante.

Comme l’idée semble bien fonctionner jusqu’à présent, le CRIFA aimerait maintenant développer des ententes similaires pour d’autres programmes. Le centre de formation est donc en train d’étudier la possibilité de mettre en œuvre un projet similaire dans le programme d’Assistance à la personne en établissement et à domicile, soit le programme qui permet de devenir préposé aux bénéficiaires.

Dans ce cas-ci, les étudiants travailleraient plutôt à temps partiel. «Il y a tout plein de façons de développer des ententes, selon le secteur, qui sont gagnant-gagnant et qui permettent à l’étudiant d’être qualifié au bout de la ligne», dit Mme Desmarais. D’autres projets du genre ont d’ailleurs été aussi mis en œuvre ailleurs dans la province, comme au Centre de formation agricole de Mirabel (CFAM), dans leur programme Réalisation d’aménagements paysagers, ou au Centre de formation professionnelle Qualitech à Trois-Rivières, en mécanique automobile.

«Je pense que c’est la voie de l’avenir, dit Mme Desmarais. Il s’agit de vouloir, de faire autrement, et de travailler de concert avec les employeurs.»

 

Son message pour les entreprises?

«Si vous avez des projets, les commissions scolaires sont toutes ouvertes, dit-elle. Elles ont un service aux entreprises. C’est notre mandat de faire de la formation, et il y a plein de possibilités.»

Il n’en tient qu’à vous de les appeler.

 

Portes d’entrée

6 000$: Montant payé par chacun des neuf paysagistes à leur stagiaire

25 000$: Montant payé aux stagiaires en mécanique durant leurs 1800 heures de formation, la moitié ayant été payée par l’entreprise les accueillant