«Jusqu'à présent, le marché supposait» que l'OPEP+ resterait sur la même ligne, avec une hausse marginale du volume de production de 432 000 barils par jour en juillet. (Photo: 123RF)
Vienne — Les pays de l’OPEP+ ont débuté jeudi les discussions pour ajuster leur production de pétrole, avec dans toutes les têtes l’annonce par l’UE d’un embargo sur le brut russe, qui place Moscou dans une position délicate au sein de l’alliance.
Les analystes tablaient encore unanimement il y a deux jours sur un statu quo, malgré les appels des Occidentaux à ouvrir davantage les vannes pour freiner l’envolée des cours qui s’est accélérée après la décision des Vingt-Sept.
Et tous d’insister sur la volonté du cartel de 23 membres, piloté de facto par Ryad, de ménager la Russie et de préserver la cohésion du groupe.
Les discussions techniques ont démarré au sein du Comité ministériel conjoint de suivi (JMMC) peu après 08h25, heure du Québec, (14h25 à Vienne, siège du cartel), avant la rencontre plénière par visioconférence, selon une source proche de l’organisation.
«Jusqu’à présent, le marché supposait» que l’OPEP+ resterait sur la même ligne, avec une hausse marginale du volume de production de 432 000 barils par jour en juillet, «Russie incluse», résume Carsten Fritsch, analyste pour Commerzbank.
Cette stratégie entamée au printemps 2021 vise à retrouver graduellement les niveaux d’avant la pandémie de Covid-19, après les coupes drastiques décidées face à l’effondrement de la demande lié aux restrictions sanitaires et confinements dans le monde.
Un article du Wall Street Journal publié mardi a cependant semé le doute. Selon le quotidien américain, des membres de l’Organisation des pays producteurs de pétrole (OPEP) étudient la possibilité d’écarter la Russie de l’accord fixant les quotas de production.
Un tel scénario permettrait à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis de puiser dans leurs capacités inutilisées pour compenser en partie le manque à gagner, et ainsi d’apaiser le marché.
Isolement croissant
Cette éventualité, également évoquée par un article du Financial Times jeudi, semblait redonner de l’espoir aux investisseurs: les cours du brut fléchissaient légèrement à la mi-journée, le WTI américain évoluant autour des 114 dollars et le Brent de la mer du Nord à 115 dollars le baril.
Les spéculations vont bon train, des experts comme Stephen Brennock, de PMV Energy, s’inquiétant qu’une mise à l’écart temporaire de la Russie «aboutisse de fait à la fin de l’entente» formée en 2016 pour réguler le marché.
«La Russie s’est transformée en paria», assène Bjarne Schieldrop, analyste de Seb, qui voit «dans l’apparente intensification de la navette diplomatique entre les Etats-Unis et l’Arabie saoudite» le signe «qu’un changement est peut-être proche» alors que les sanctions s’accumulent sur le Kremlin.
Après des décisions similaires des Etats-Unis et du Royaume-Uni, les dirigeants de l’UE ont trouvé un accord lundi qui devrait permettre de réduire de quelque 90% leurs importations de pétrole russe d’ici la fin de l’année.
La Hongrie a toutefois bloqué mercredi le paquet de sanctions, réclamant le retrait du chef de l’Église orthodoxe russe, le patriarche Kirill, de la liste noire de l’UE.
Signaux d’immobilisme
Pour l’heure, «l’OPEP+ va sans doute s’en tenir à ses plans et ne fera pas de miracles à cette réunion», juge Ipek Ozkardeskaya, de Swissquote Bank, misant plutôt sur des évolutions «d’ici fin septembre».
Le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Faisal bin Farhan, a réaffirmé lors du récent Forum économique mondial de Davos que «le royaume avait fait ce qu’il pouvait», selon la presse économique.
«La situation est plus complexe que simplement ajouter des barils au marché», a-t-il insisté, tandis que les membres du G7 pointaient le «rôle clé» de l’OPEP+ face au «resserrement des marchés internationaux».
Si les économies du Golfe restent sourdes aux appels, c’est aussi parce qu’elles tirent des bénéfices juteux d’un baril bien au-delà de 100 dollars: l’Arabie saoudite a ainsi enregistré au premier trimestre sa croissance la plus forte en dix ans.
Dans ce contexte, pas sûr que se dissipent rapidement «les réticences envers une large ouverture des robinets», fait valoir Susannah Streeter, chez Hargreaves Lansdown.
Et même si elle le voulait, l’OPEP+ ne pourrait pas remplacer tous les volumes perdus de la Russie du fait des difficultés de certains de ses membres à atteindre leurs quotas, rappelle l’analyste.