Ce dépassement est une première depuis 2020, mais pourrait se reproduire selon les analystes. (Photo: 123RF)
Londres — Phénomène rare sur le marché pétrolier, le prix de référence du baril de pétrole américain a dépassé l’européen cette semaine.
Une première depuis 2020, qui pourrait cependant se reproduire selon les analystes, dans un marché complètement bousculé par la guerre en Ukraine.
Quelle différence entre le WTI et le Brent?
«Brent» est à l’origine le nom d’un gisement pétrolifère situé au large de l’archipel écossais des Shetland, en mer du Nord. Il caractérise désormais un pétrole toujours principalement extrait en mer du Nord.
Vu le déclin des champs de cette zone, il inclut également aujourd’hui «des bruts d’Afrique de l’Ouest, de Méditerranée et d’Asie du Sud-Est», énumère Ipek Ozkardeskaya, analyste pour la banque Swissquote.
Il est donc «considéré comme une meilleure référence pour le brut mondial» et est par exemple utilisé par l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole). Son prix détermine celui de deux tiers du pétrole mondial.
Le West Texas Intermediate ou WTI provient quant à lui de champs pétrolifères américains et reste principalement consommé aux États-Unis, le pays étant le premier producteur mondial de pétrole comme le premier consommateur.
Il fixe ainsi les prix de l’or noir contenu dans les gigantesques cuves de Cushing, petite ville d’Oklahoma située entre Oklahoma City et Tulsa et principal point de stockage du WTI.
Ce type de brut est plus «léger» que le Brent, plus concentré en souffre. En d’autres termes, le WTI est plus facile à raffiner et donc plus utilisé pour produire de «l’essence, tandis que le brut Brent est utilisé pour davantage de produits pétroliers», ajoute Edward Moya, analyste chez Oanda.
Pourquoi le Brent coûte-t-il d’ordinaire plus cher?
Avant 2008, le WTI était généralement plus cher que le Brent. Mais le déclin des champs de mer du Nord, en voie d’épuisement, combiné à l’explosion de la production de pétrole de schiste aux États-Unis après 2008 a inversé la vapeur, poussant le Brent à la hausse et son homologue américain à la baisse.
Il n’y a généralement que quelques dollars de différence entre les deux prix, qui évoluent en parallèle, affectés par des facteurs très similaires.
Le cours du Brent a toutefois tendance à être légèrement plus cher que le WTI «car il couvre une zone géographique beaucoup plus étendue», souligne Victoria Scholar, d’Interactive Investor. Cela implique des coûts de transport plus élevés et des risques d’approvisionnement plus important comparé au WTI.
Les approvisionnements en brut de la mer du Nord ont d’ailleurs «diminué de façon assez spectaculaire depuis les années 1990 jusqu’à aujourd’hui», fait remarquer à l’AFP Andrew Lebow, de Commodity Research Group.
Pourquoi le baril américain a dépassé l’européen?
Le prix du baril américain a brièvement dépassé celui de l’européen dans la semaine, une première depuis 2020.
«Nous assistons actuellement à un grand changement sur le marché mondial du pétrole à la suite des sanctions [infligées à la Russie] et de la décision des pays occidentaux d’abandonner complètement l’énergie» livrée par Moscou, estime Craig Erlam d’Oanda.
«Les gens achètent du WTI, car les approvisionnements russes ne sont pas disponibles», résume Michael Lynch, président du cabinet Strategic Energy & Economic Research (SEER). De quoi faire grimper les prix du WTI américain jusqu’à dépasser le Brent.
Actuellement, les stocks de Cushing sont proches de leur plus bas niveau depuis trois ans, inférieurs de plus de 40% par rapport à l’an dernier à la même époque. Et les réserves «continuent de s’épuiser en raison d’une demande d’exportation plus élevée», souligne Andrew Lebow.
D’autant que «les producteurs de schiste américains cherchent à tirer profit de l’exploitation actuelle et ne sont pas intéressés par de nouvelles licences, tandis que les banques hésitent à financer la production de combustibles fossiles américains en raison de la mauvaise presse que cela créerait», assure à l’AFP Stephen Innes, analyste chez SPI AM.
S’ajoutent à cela des confinements en Chine, qui, entre autres facteurs, laissent craindre un effritement de la demande du deuxième pays consommateur de pétrole, pesant sur le Brent.
Pour Tamas Varga, analyste chez PVM Energy, le WTI devrait rester «relativement cher par rapport au Brent, jusqu’à ce que la crise russe soit résolue et que la pénurie actuelle de produits pétroliers qui touche l’Europe s’atténue».