L'idée du Conseil est d'allonger la vie active des travailleurs. (Photo: Ravi Patel pour Unsplash)
Une étude du Conseil du patronat du Québec (CPQ) montre que l’économie québécoise va droit dans le mur pour une raison purement démographique. Elle indique que le nombre d’aînés va exploser dans les prochaines années alors que celui de ceux qui sont en âge de travailler (les 15-64 ans) va chuter. Par conséquent, le Québec n’a plus d’autres choix que de «vite s’organiser pour faire davantage travailler les aînés à l’avenir», notamment en les incitant à repousser le moment où ils partent à la retraite.
Ainsi, le Québec vieillit à grands pas. En 2011, un Québécois sur six était âgé de 65 ans et plus, selon les données de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ). Aujourd’hui, la proportion est d’un sur cinq. Et en 2031, elle devrait être d’un sur quatre.
En parallèle, le marché du travail ne cesse de s’anémier. Les dernières projections de Statistique Canada révèlent qu’il y aura au Québec en 2030 quelque 102 000 personnes de moins en âge de travailler qu’en 2019. En guise de comparaison, la tendance devrait être inverse en Ontario, avec une progression de 434 000 personnes en âge de travailler entre 2019 et 2030.
L’impact socioéconomique promet d’être «majeur», avertit l’étude du Conseil. Cette dernière présente ainsi des projections «inquiétantes» de la Chaire en fiscalité et en finances publiques concernant le poids financier que les aînés vont faire peser sur le réseau de la santé dans les prochaines décennies. Étant donné que le nombre de personnes de plus de 75 ans devrait doubler d’ici 2040 et que celui des plus de 85 ans devrait tripler, la facture en santé devrait passer de 52 G$ en 2022 à 127 G$ en 2041.
L’heure est grave, affirme Karl Blackburn, le président et chef de la direction du CPQ, qui représente les intérêts de quelque 70 000 employeurs. «Déjà réduite, la disponibilité des travailleurs va bientôt aller en chute libre, dit-il. D’où la nécessité de s’outiller pour faire face à ce changement de donne majeur.»
S’outiller? L’étude avance que la solution «la plus naturelle» est d’«encourager le prolongement de la vie active chez les travailleurs à l’aube de la retraite». Certes, elle reconnaît que le taux d’activité des travailleurs âgés a augmenté de façon «considérable», ces derniers temps. Par exemple, le taux d’activité des 60-64 ans est passé, au Québec, de 42% à 52% au cours des dix dernières années. Mais elle note que d’autres sociétés «font mieux», à l’image du Japon (71%), de la Suède (74%) et de l’Islande (80%).
Dans l’étude, le CPQ présente 29 recommandations visant à contrer les impacts socioéconomiques négatifs liés au vieillissement de la population québécoise. La moitié d’entre elles concernent directement l’allongement de la vie active des travailleurs. Parmi celles-ci figurent les quatre suivantes:
– Améliorer le crédit d’impôt pour prolongation de carrière, notamment en le rendant remboursable ou en haussant le niveau de revenus admissibles.
– Poursuivre la révision des dispositions d’exemption pour le supplément de revenu garanti (SRG), afin de s’assurer qu’elles ne découragent pas la poursuite de la vie active des travailleurs à faible revenu.
– Permettre l’arrêt des cotisations au Régime des rentes du Québec (RRQ) pour les gens qui travaillent après 65 ans, comme c’est le cas au Régime de pensions du Canada (RPC).
– Augmenter de 70 à 75 ans l’âge maximal de la retraite différée au RRQ (avec une rente qui serait bonifiée de 8,4% par an), de même que pour la Sécurité de la vieillesse, les REER et les régimes de pension agréés.
Qu’en pensent les principaux intéressés? L’étude dévoile les résultats d’un sondage Léger exclusif qui montre que:
– Un aîné sur quatre (âgé de 55 ans et plus) croit que le maintien d’un lien d’emploi est une priorité afin de rester actif et vieillir en santé.
– Une même proportion d’aînés (23%) est d’avis que recevoir de la formation est alors un élément à prioriser.
– Les hommes (29%) sont plus nombreux que les femmes (17%) à voir le maintien d’un lien d’emploi comme une façon de rester actifs et de vieillir en santé.
Pour Norma Kozhaya, vice-présidente à la recherche, économiste en chef du CPQ et autrice de l’étude, il convient d’agir sans traîner. Car «la crise de la main-d’œuvre ne fait que commencer», avec un taux de chômage actuel de 4,5% qui est sous la barre du plein-emploi et un nombre de 280 000 postes vacants qui risque de paraître dérisoire dans les prochaines années.