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Québec: l’économie subira un choc si elle ne se décarbone pas

La Presse Canadienne|Publié le 21 octobre 2021

Québec: l’économie subira un choc si elle ne se décarbone pas

Tandis que certaines industries auront le vent dans les voiles, les régions où les activités intenses en carbone sont plus importantes pourraient connaître des jours difficiles. (Photo: La Presse Canadienne)

Ottawa — L’économie du Québec risque de subir un choc important si les gouvernements et les entreprises ne s’attaquent pas énergiquement à la transition vers une économie sobre en carbone, selon un rapport de l’Institut canadien pour des choix climatiques, dévoilé jeudi.

Si l’Alberta demeure la province plus exposée à ce risque en raison de l’importance de son secteur pétrolier, on aurait tort de penser que le Québec est à l’abri, selon le document de 120 pages intitulé «Ça passe ou ça casse: Transformer l’économie canadienne pour un monde sobre en carbone». Près de 150 000 emplois sont «vulnérables» au Québec si rien n’est fait pour planifier la transition, estime Renaud Gignac, associé de recherche principal de l’institut.

«Environ 7% de l’économie québécoise est dans des secteurs à haute intensité carbone, on pense au secteur du raffinage, au secteur pétrochimique, aux plastiques, aux minéraux non métalliques», explique-t-il.

M. Gignac reconnaît que le secteur des mines devrait profiter d’une forte demande tandis que certains métaux seront essentiels à la transition énergétique. Par contre, les minières devront réduire leur intensité carbone, car elles pourraient voir leurs clients préférer les concurrentes, dont l’empreinte carbone est moins élevée, prévient-il.

Tandis que certaines industries auront le vent dans les voiles, les régions où les activités intenses en carbone sont plus importantes pourraient connaître des jours difficiles. M. Gignac donne l’exemple de l’Abitibi-Témiscamingue en raison de son secteur minier, de Sorel-Tracy où le secteur de la transformation des métaux est important. L’importance des raffineries à Lévis et à l’est de Montréal représente aussi un risque.

De manière plus générale, les groupes moins favorisés risquent de porter une plus grande part des conséquences négatives de la transition. C’est notamment le cas des travailleurs moins scolarisés, des personnes racisées et des autochtones. «Il faut prévoir des plans de transitions qui incluent tout le monde», plaide M. Gignac.

 

Une planification à long terme

Les gouvernements et les entreprises canadiennes devront faire des investissements majeurs pour assurer la transition, «qui se fera ailleurs qu’on le veuille ou non».

Le rapport craint une cassure si on lésine à faire les gestes nécessaires. À travers le pays, 70% des exportations et 800 000 emplois seraient liés à des industries «vulnérables».

Cette vulnérabilité se reflète également dans les hypothèses boursières soulevées dans le document. Dans un scénario de transition «rapide» où l’objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré Celsius ferait l’objet d’un consensus international, la capitalisation boursière du S&P/TSX 60 serait 13% inférieure en 2050, si le statu quo était maintenu par les sociétés canadiennes.

La dépréciation ne serait que de 3% pour le S&P 500, l’indice boursier américain qui comprend les 500 plus grandes entreprises cotées à la Bourse de New York, selon le même scénario.

Le rapport ne s’est pas penché sur le risque de la transition sur l’épargne-retraite des Canadiens, mais le chercheur considère qu’il s’agit d’une «question intéressante». Si les sociétés cotées en Bourse ne sont pas bien armées pour brasser des affaires dans une économie sobre en carbone, l’épargne-retraite de nombreux Canadiens pourrait aussi être à risque, selon lui.

Les épargnants peuvent toujours se tourner vers l’investissement durable, mais les critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) manquent d’uniformité à travers l’industrie, constate le rapport. «Il y a une mosaïque de pratiques différentes, affirme M. Gignac. Du point de vue de l’investisseur, ça devient difficile de faire un choix éclairé sur des investissements réellement prometteurs dans le cadre de la transition.»

«On a tous avantage à utiliser les autorités de réglementation pour s’assurer que nos indicateurs ESG représentent la même quantification des GES et la même méthodologie d’impacts environnementaux.»

Une opinion que ne partage pas l’industrie financière. Lors d’une table ronde virtuelle organisée par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) à la fin septembre, plusieurs représentants ont affirmé qu’il était encore trop tôt pour imposer une réglementation uniforme, car le secteur évolue trop rapidement, et que cela entraînerait «le risque d’être soumise à une réglementation qui n’évolue pas assez rapidement».

Si le rapport présente les risques économiques d’ignorer l’urgence de la transition énergétique, bien des entreprises craignent d’être désavantagées par rapport à leurs concurrents internationaux sujets à des règles moins sévères.

Le risque économique de l’inaction est encore «plus grand», répond M. Gignac. «On oublie le risque que nos entreprises ne soient pas prêtes à jouer leur rôle dans une économie sobre en carbone et actuellement, il y a plus de risque à faire la transition trop lentement que trop rapidement.»