Québec: plusieurs endroits sont sans services essentiels la nuit
La Presse Canadienne|Publié le 29 septembre 2021«On essaye tellement fort, mais on n'est juste pas capable», laisse tomber au téléphone la gérante d'un Petro-Canada désigné «24 heures» de l'Est-du-Québec.
Si la pénurie de main-d’œuvre se fait sentir partout, son impact est d’autant plus grand dans les villages du Québec. Le manque de personnel met même en péril la sécurité des usagers de la route, alors que des services essentiels tels que l’essence et la restauration deviennent inaccessibles sur des centaines de kilomètres la nuit.
«On essaye tellement fort, mais on n’est juste pas capable», laisse tomber au téléphone la gérante d’un Petro-Canada désigné «24 heures» de l’Est-du-Québec. Pour les prochaines semaines, tous les vendredi et samedi, la station-service ne le sera pas. Il n’y a pas d’employés pour travailler la nuit.
Depuis quelques semaines, et probablement pour les mois à venir, la route qui sépare Mont-Joli de Gaspé sera sans services. Dans les neuf villages-relais de la Gaspésie touristique, pas de restaurants après 21 heures, et surtout, pas de stations services où se ravitailler en essence pendant des centaines de kilomètres après 23 heures. La seule solution: traverser à Campbellton, au Nouveau-Brunswick.
Vers la fin de l’été, le manque de service la nuit en Gaspésie a donné toute une frousse à Julien Bouffard. Le voyageur de la région de Québec s’est retrouvé sans essence, en pleine nuit, entre Bonaventure et Chandler. «Pourtant j’avais mis de l’essence plus tôt, à Rimouski. J’étais certain de pouvoir en remettre une fois en Gaspésie pour me rendre à destination», explique Julien. Il a dû attendre le lever du jour, en bordure de la route 132, pour qu’une connaissance vienne lui porter du carburant.
La situation ne semble pas en voie de s’améliorer. Contactées par Le Soleil, presque toutes les stations-service de la Gaspésie qui sont affichées «24 heures» ont affirmé devoir fermer leurs portes à certains moments, faute de personnel.
Des villages relais qui ne répondent pas aux exigences
Même si l’accessibilité à de l’essence la nuit ne fait pas partie des conditions pour devenir un village-relais, la directrice générale de la Fédération des villages-relais du Québec, Sylvie Bellerose, convient que la pénurie de main-d’œuvre apporte son lot de problèmes au réseau.
Pour être désignée village-relais, une communauté doit offrir certains services minimums à toutes heures, comme des stationnements et des toilettes publiques. En haute saison, les villages doivent également offrir de la restauration entre sept heures et vingt-et-une heures, ainsi que de l’essence entre sept heures et vingt-trois heures. Ces heures sont revues à la baisse hors des saisons touristiques.
«En ce moment, on a un croisement avec la pandémie et la pénurie de main-d’œuvre», explique-t-elle. «Les mesures sanitaires ont bouleversé les horaires, et les entreprises n’ont pas assez d’employés pour retrouver leurs horaires», se désole Mme Bellerose. «On voit de plus en plus de nos villages-relais qui ne peuvent combler les plages horaires minimum».
Dans l’Est-du-Québec, plusieurs villages-relais ne réussissent plus à atteindre leurs objectifs. La Pocatière, le commerce qui offrait des toilettes publiques aux voyageurs a dû fermer la nuit, faute de personnel. Cap-Chat, en Gaspésie, les critères de restauration et d’alimentation ne sont pas respectés. Sans surprise, les villages-relais des régions rurales, comme la Gaspésie, la Côte-Nord et le Saguenay_Lac-Saint-Jean, sont les plus touchés par la rareté des services.
Revoir les critères et automatiser les services
Afin de bien répondre à sa mission «de réduire les effets de la fatigue au volant et ainsi améliorer la sécurité des usagers de la route, en plus d’offrir des services de base qui permettent de faire une pause sécuritaire», la Fédération des villages-relais du Québec prévoit revoir, à la baisse, les exigences pour faire partie du programme.
«C’est un programme mis en place il y a 14 ans. Il est question de le revoir avec le ministère des Transports pour assurer une sécurité aux usagers de la route, tout en étant réalistes et cohérent», explique Mme Bellerose.
Cette dernière croit que le réseau doit mettre en place des mesures afin de s’assurer qu’un service minimum soit offert en termes d’alimentation et d’essence. «Les pompes à essence libre service sont disponibles pour les camions. La même technologie existe pour les voitures. Ça pourrait être une piste de solution», suggère la directrice générale de la Fédération des villages-relais.
Cette dernière croit aussi que des machines distributrices pourraient être mises à contribution dans les espaces publics pour les voyageurs. «Ce n’est pas l’idéal, mais c’est toujours mieux que rien. Le réseau est là pour rester. Il va évoluer, mais il ne faut pas oublier l’impact économique de ce programme. Depuis 10 ans, on voit des petits commerces pousser dans ces villages. Des boulangeries, des cafés, on voit vraiment des attraits touristiques et locaux qui se développent», rappelle Sylvie Bellerose.
«Mais à l’impossible, nul n’est tenu», conclut-elle.
Un article produit par le programme Initiative de journalisme local de La Presse Canadienne.