La Maison-Blanche a publié une note de blogue qui rejette la définition classique constituant une récession. (Photo: 123RF)
Washington — Les États-Unis sont-ils entrés ou non en récession? Le débat fait rage avant même la publication des statistiques sur le produit intérieur brut jeudi… avec une coloration parfois très politique.
La Maison-Blanche a anticipé l’annonce des chiffres du PIB pour le deuxième trimestre avec une note de blogue intitulée «Comment les économistes déterminent si l’économie est en récession?». La présidence américaine y rejette d’emblée la définition souvent considérée comme «classique» d’une récession: deux trimestres consécutifs de contraction de l’économie.
«Alors que certains soulignent que la chute du PIB réel lors de deux trimestres consécutifs constitue une récession, ce n’est ni la définition officielle ni la manière dont les économistes évaluent l’état du cycle économique», avance la Maison-Blanche.
Le sujet est sensible, car le PIB américain s’est replié au premier trimestre et que celui du deuxième pourrait évoluer autour de l’équilibre, voire afficher un nouveau recul. L’opposition n’a donc pas tardé à répliquer.
«Scoop pour Joe Biden: tu ne peux pas changer la réalité en argumentant sur des définitions», a réagi le Parti républicain.
Mais, au-delà des arguties politiciennes, se pose la question économique de la définition d’une récession.
«Un seul juge»
«Il y a eu une croissance négative au premier trimestre cette année (…) Si les chiffres du deuxième trimestre sont négatifs, cela pourrait potentiellement être une récession au sens technique», explique le chef économiste du FMI, Pierre-Olivier Gourinchas.
Le Fonds monétaire international souligne dans une note qu’il n’existe «pas de définition officielle de la récession», mais que «la plupart des commentateurs et analystes utilisent comme définition pratique de la récession deux trimestres consécutifs de baisse du PIB réel (ajusté à l’inflation) d’un pays».
Cependant, «l’estimation générale pour déterminer si une économie est globalement en récession est un tout petit peu plus complexe», nuance M. Gourinchas.
Pour David Wilcox, économiste au Peterson Institute for International Economics et à Bloomberg Economics, considérer que l’économie est en récession après deux trimestres consécutifs de croissance négative du PIB est tout simplement «erroné».
Le chercheur confie «grimacer» chaque fois qu’il l’entend dans les médias, jugeant cette «règle approximative bien pratique», mais sans fondement.
«Il existe un seul juge de la datation d’une récession aux États-Unis, et c’est le Bureau national de recherche économique» (NBER), ajoute M. Wilcox auprès de l’AFP.
Après la bataille
Cet institut indépendant a été créé en 1920 pour affiner l’étude de l’économie américaine. C’est son comité de datation des cycles économiques qui, en observant l’économie américaine à travers plusieurs mesures, détermine quand celle-ci est en expansion et quand elle est en récession.
«Une récession est la période entre un pic d’activité économique et son nadir, son point le plus bas», écrit le NBER sur son site, qui souligne: «une récession implique un déclin significatif de l’activité économique, répandu à travers l’économie et qui dure plus longtemps que quelques mois».
Mais parce qu’il préfère se reposer sur des données consolidées et publier ses avis plusieurs mois après leur publication, le NBER peut sembler arriver après la bataille.
Économiste au cercle de réflexion classé au centre gauche Third Way, Ellen Hughes-Cromwick considère que ce délai n’est pas un «problème», mais simplement une «méthodologie» pour éviter toute révision postérieure.
«Il est de notoriété publique parmi les économistes que les estimations préliminaires se fondent seulement sur 50% de statistiques concrètes pour mesurer le PIB du second trimestre», met en exergue cette ancienne cheffe économiste au département du Commerce sous Barack Obama.
De quoi justifier que le NBER, véritable juge de paix en la matière, prenne un peu son temps.