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Restrictions frontalières: des travailleurs s’inquiètent

La Presse Canadienne|Publié le 27 septembre 2022

Restrictions frontalières: des travailleurs s’inquiètent

À mesure que le risque d’infection répétée et de COVID longue est mieux compris, certains travailleurs s’inquiètent de l’exposition lors de leurs déplacements quotidiens, de voyages pour des conférences ou de travail dans des espaces partagés. (Photo: La Presse Canadienne)

Certains travailleurs canadiens s’inquiètent d’un retour complet au bureau et des voyages professionnels, alors qu’Ottawa lève toutes les restrictions frontalières restantes et que des experts mettent en garde contre une vague possiblement importante de nouveaux cas de COVID-19 cet automne. 

Le gouvernement fédéral a indiqué que les restrictions frontalières liées à la COVID-19 seraient supprimées à partir de samedi, y compris la vaccination obligatoire, les tests et la mise en quarantaine des voyageurs internationaux, ainsi que l’exigence de porter un masque dans les avions et les trains. 

Pour plusieurs, c’est une décision bienvenue et tardive. Mais d’autres se méfient de cette nouvelle phase de la pandémie. 

L’idée de «vivre avec la COVID» a vu l’abandon de la plupart des obligations de porter le masque, l’annulation des règles d’auto-isolement et celle des politiques de vaccination obligatoire sur les lieux de travail. 

Pourtant, à mesure que le risque d’infection répétée et de COVID longue est mieux compris, certains travailleurs s’inquiètent de l’exposition lors de leurs déplacements quotidiens, de voyages pour des conférences ou de travail dans des espaces partagés. 

Certains quittent même leur emploi parce que leur présence physique au bureau ou d’importants déplacements sont requis. 

Ben MacLeod a abandonné son emploi de rêve pour des raisons de santé. 

Plus tôt cette année, il a quitté l’Asie pour retourner vivre dans sa ville natale de Halifax, à la recherche d’une expérience professionnelle et d’un refuge sûr pendant la pandémie. 

La réponse de la Nouvelle-Écosse à la pandémie du coronavirus était parmi les plus prudentes au monde et il croyait que c’était une valeur sûre. 

Au lieu de cela, il s’est fait imposer un retour au travail en personne alors que le variant Omicron balayait la province. La plupart de ses collègues évitaient les masques, même lorsque les cas de COVID-19 se propageaient dans le bureau. Il a discrètement déplacé son ordinateur portable dans une salle de réunion inutilisée, mais on lui a signifié qu’il devait travailler depuis le bureau à aire ouverte, avec tout le monde. 

La goutte d’eau qui a fait déborder le vase est venue lorsqu’il a été réprimandé pour ne pas avoir assisté à une réunion de travail, a-t-il dit. Il n’y avait pas d’option virtuelle et pas d’ordre du jour autre que de noter que de la nourriture serait servie — bref, il était mal à l’aise d’assister à un tel événement, au cours duquel la COVID pouvait potentiellement se propager. 

«Ils ont refusé de m’accommoder et je me suis adapté à ces nouveaux niveaux de risque, a expliqué M. MacLeod. Mais ils ont continué à insister et je ne pensais pas que je devrais avoir à mettre en danger ma santé pour le travail. Alors j’ai démissionné.» 

 

Plusieurs bureaux s’inspirent du gouvernement

Pour les travailleurs ayant de graves inquiétudes quant à la COVID-19, démissionner peut être l’une des rares options qui restent. 

Des experts estiment que l’assouplissement des restrictions gouvernementales en cas de pandémie laisse peu de marge de manœuvre aux travailleurs pour s’opposer aux obligations de retour au bureau. 

«De nombreux lieux de travail s’inspirent du gouvernement, a observé l’avocate du travail Hermie Abraham. Tant que l’employeur respecte les directives de santé publique, je ne le vois pas légalement avoir des problèmes avec le rappel des travailleurs au bureau.» 

Des exceptions pourraient être possibles pour les travailleurs ayant un handicap ou un problème de santé sous-jacent qui nécessiterait un aménagement, a-t-elle estimé. 

«Sinon, tant qu’un employeur respecte les règles de santé et de sécurité au travail et les directives de santé publique, il n’y a vraiment aucune raison pour qu’un employé s’oppose à travailler à partir d’un bureau», a noté Mme Abraham. 

Bien que les employeurs ne soient peut-être pas légalement tenus d’accommoder les travailleurs qui hésitent toujours relativement à la pandémie, cela pourrait tout de même être une bonne idée. 

Le taux de chômage au Canada reste faible tandis que le nombre de postes vacants a atteint un sommet record de près d’un million au deuxième trimestre, a rapporté Statistique Canada. 

La situation pourrait faire en sorte que les entreprises qui appliquent des politiques strictes de retour au travail ou qui exigent de nombreux déplacements se retrouvent à court de personnel dans un marché du travail difficile. 

«Les employeurs qui ne sont pas flexibles et qui imposent aux employés de retourner au bureau pourraient se retrouver avec des employés mécontents», a rappelé Richard Powers, professeur à la Rotman School of Management de l’Université de Toronto. 

«Ils auront également plus de mal à recruter des employés en cette période où il y a vraiment une guerre pour les talents.» 

Les entreprises qui mettent à pied des travailleurs pour avoir refusé de retourner au bureau pourraient également faire l’objet de poursuites pour licenciement déguisé, a-t-il noté. 

«La plupart des employeurs adoptent une approche gérée du retour au bureau, a observé M. Powers. Ils reconnaissent que les choses ont changé pendant la pandémie et ils négocient avec les employés sur la façon dont ils vont gérer la nouvelle normalité.» 

L’experte en santé et sécurité au travail, Marianne Levitsky, a estimé que les employeurs pouvaient faire des efforts pour soutenir les personnes ayant des problèmes persistants avec la COVID-19 sans nécessairement imposer de restrictions strictes à l’ensemble du personnel. 

Assurer une bonne ventilation et une bonne purification de l’air au bureau, soutenir le port du masque, encourager les rappels de vaccins, réduire la densité de population au bureau grâce à un horaire hybride et offrir des congés de maladie adéquats avec une flexibilité permettant aux personnes présentant des symptômes de travailler à domicile pourraient tous faire partie d’un plan de retour au travail sécuritaire, a-t-elle expliqué. 

«Il n’y a pas de solution miracle», a indiqué Mme Levitsky, qui est professeur à la Dalla Lana School of Public Health de l’Université de Toronto. «Mais ces multiples stratégies peuvent fonctionner ensemble pour prévenir les infections et assurer la sécurité des personnes.»