RioCan coupe son dividende du tiers, d’autres pourraient suivre
Dominique Beauchamp|Publié le 09 Décembre 2020Il ne faut pas se laisser éblouir par un rendement de dividende généreux. (Photo: 123RF)
ANALYSE. Contre toute attente, l’un des principaux propriétaires de centres d’achat au pays RioCan REIT (REI.UN, 17,80 $) a coupé son dividende du tiers malgré les signaux envoyés par les dirigeants indiquant que la société résistait bien à la pandémie.
Quelle leçon les investisseurs devraient-ils en tirer ? Il ne faut pas se laisser éblouir par un rendement de dividende généreux, en particulier lorsque le versement est élevé en proportion des fonds générés par l’exploitation, répond Andrew Moffs, gestionnaire de Vision Capital, spécialisé en immobilier.
Le dividende de RioCan offrait un rendement de 8 %, un niveau nettement plus élevé que celui des autres fonds de placement immobiliers à capital fermé. Le dividende annuel de 1,44 $ représentait aussi la totalité des fonds générés par les immeubles en 2021, selon certaines estimations.
« Le fonds a réalisé que le marché ne lui accordait aucun crédit pour ce dividende élevé. Étant donné les incertitudes persistantes du commerce de détail, le conseil a jugé qu’il valait mieux réallouer une partie du dividende où il serait plus rentable », explique Andrew Moffs.
Comme l’indique Tal Woolley, de la Financière Banque Nationale, dans les circonstances il était nettement préférable pour le fonds de réduire ses versements que d’émettre de nouvelles unités à un cours déprimé ou encore de vendre des actifs pour financer ses nouveaux projets résidentiels.
Surtout que l’agence Dominion Bonds Ratings Services venait d’apposer des perspectives négatives à la cote de crédit de certaines de ses dettes le 30 novembre, en citant une hausse des risques financiers, le déclin du bénéfice d’exploitation et la dette élevée.
« La coupe a fait mal », admet Pammi Bir de RBC Marchés des capitaux, mais la décision devrait servir de point d’appui au fonds en Bourse à plus long terme.
Le marché a donné raison aux dirigeants puisqu’après avoir initialement chuté de 9,8 % à l’ouverture le 4 décembre, le titre a récupéré la moitié de cette perte à la clôture.
Maintenant que le rendement du dividende (5,3 %) est revenu dans la moyenne de son secteur et que la proportion (66 %) des fonds générés versés en dividendes est la plus basse de ses semblables, l’abcès est en quelque sorte crevé, indique Jenny Ma, de BMO Marchés des capitaux, qui ne cache sa grande surprise.
Le changement dans la stratégie du fonds suggère que l’occupation des centres d’achats restera problématique l’an prochain. « Dans le passé, le fonds a maintes fois résisté à réduire son dividende, même lorsqu’il semblait en danger. Une croissance interne et des achats avaient alors réduit ce risque », dit Mark Rothschild de Canaccord Genuity. Pas cette fois.
Le gestionnaire à contre-courant Andrew Moffs avait déjà racheté des unités de Riocan au début de novembre, au cours de 15 à 16 %, après avoir passé en revue la capacité des locataires à payer leur loyer, en fonction de divers scénarios. « L’évaluation était redevenue attrayante en fonction du rendement total prévu, même en considérant la possibilité que le dividende soit réduit », dit-il en entrevue.
Au cours actuel, le titre recèle encore du potentiel à court terme, croit le gestionnaire.
Le prochain: First Capital
Étant donné le précédent établi par RioCan, Andrew Moffs ne serait pas surpris que d’autres propriétaires de centres d’achat ou même des fonds immobiliers plus généralistes suivent son exemple.
Les fonds immobiliers tels que RioCan, avec d’importants projets à financer sont plus susceptibles, d’envisager cette avenue. RioCan a engagé des capitaux de 416 M$ en 2021 pour ériger des immeubles locatifs résidentiels haut de gamme, dans un effort de diversification.
« Non seulement, RioCan a-t-elle tracé le chemin, mais la résilience de son titre signale que les investisseurs n’y voient pas nécessairement une catastrophe, mais plutôt une mesure prudente », évoque Andrew Moffs.
En fin de compte, la coupe préserve 152 M$ de capitaux par année et évite au fonds d’avoir à émettre des unités pour financer ses 21 projets actifs de développement, dont le coût total est estimé à 2,1 milliards de dollars, renchérit Mark Rothschild, de Canaccord Genuity.
First Capital REIT (FCR.UN, 14,65 $) est le prochain en lice, croit cet analyste, parce que la pandémie nuit à sa stratégie qui consiste à réduire sa dette, à relever la qualité de ses propriétés et à acquérir des immeubles urbains.
Le fonds a une dette élevée, de 11,8 fois le bénéfice d’exploitation, après avoir racheté en 2019 13,3 % de ses unités d’un investisseur. Ce ratio se compare à la moyenne de 9,8 fois pour ses semblables.
« Le bilan est devenu une préoccupation des investisseurs. L’endettement est un handicap que les dirigeants aimeraient résoudre », écrit-il.
Une coupe de 30 % du dividende préserverait des capitaux de 57 millions par année et diminuerait la proportion des fonds autogérés versés en dividendes de 87 à 61 %, donne-t-il en exemple.
Si ce fonds décidait de réduire son dividende, son titre baisserait à court terme, mais la valeur d’actif net en serait peu affectée à long terme étant donné la localisation recherchée de ses immeubles, fait-il valoir.
First Capital pourrait aussi envisager la vente partielle de certains projets de densification de propriétés existantes pour réduire sa dette, mais ce n’est pas l’avenue que préfère l’analyste.