L’addition d’un système réglementé et diversifié, selon les experts consultés, fait en sorte que les Canadiennes et Canadiens ont un niveau de confiance élevé envers le système bancaire. (Photo: Getty Images)
Même si le président américain Joe Biden a voulu être rassurant lundi en soulignant que les clients de la Silicon Valley Bank (SVB), et d’autres banques en difficulté, ne perdraient pas leurs dépôts, la faillite de la banque californienne met une fois de plus en lumière les différences importantes entre les systèmes bancaires américain et canadien.
Moins volatil et plus résilient, le système canadien n’est peut-être pas totalement à l’abri d’une crise, mais il demeure traditionnellement plus stable en raison de sa structure et de ses mécanismes. Voici en trois thèmes, pourquoi la saga SVB ne risque pas de se propager ici.
Réglementation
C’est le premier terme qui vient à l’esprit de deux experts consultés par Les Affaires. «La culture bancaire canadienne est plus conservatrice et moins “cow-boy” que celle aux États-Unis», lance Norma Kozhaya, vice-présidente à la recherche et économiste en chef au Conseil du patronat du Québec. «Les conditions de capitalisation sont plus sévères et importantes au Canada qu’aux États-Unis», poursuit-elle.
«Mieux capitalisées, les banques canadiennes sont aussi soumises à des “stress tests”. C’est comme des analyses de scénarios. Qu’arrive-t-il si les taux d’intérêt montent? Si le marché immobilier a des difficultés? Ces scénarios sont mis à contribution pour déterminer par où le système pourrait couler, pour trouver où sont les failles potentielles. De cette façon, on va essayer de colmater les brèches avant que ça arrive», explique de son côté Simon Brière, stratège de marchés chez R. J. O’Brien et associés.
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Diversification
Dans l’analyse comparative entre les systèmes canadien et américain, la diversification est un terme important. Certainement pas en raison du nombre, puisqu’avec ses six grandes banques, le Canada est bien loin des États-Unis où l’on peut faire des affaires avec pas moins de 4550 banques régionales. Sans compter les grandes joueuses comme Bank of America, JP Morgan, Goldman Sachs et autres.
C’est donc ailleurs qu’il faut regarder pour bien comprendre la différence. «Au Canada, on est diversifié à travers le pays en entier. Régionalement, mais aussi dans les activités économiques. Bien sûr, il y a une orientation vers les produits et ressources que nous avons, mais cela n’est pas aussi pointu que dans une banque déréglementée comme SVB à forte saveur technologique», souligne Simon Brière.
«D’ailleurs, poursuit M. Brière, pour revenir au premier élément, ces 4550 banques, depuis l’ère de Donald Trump, ont été déréglementées. Cela a permis de faire des affaires parfois de manière discutable.»
Confiance
L’addition d’un système réglementé et diversifié, selon les experts consultés, fait en sorte que les Canadiennes et Canadiens ont un niveau de confiance élevé envers le système bancaire. Cette confiance constitue l’un des fondements de sa stabilité. Autrement dit, le risque de voir une ruée vers les guichets automatiques pour retirer ses fonds d’une banque est plutôt faible.
«Au Canada, comme nous savons que les banques sont réglementées et surveillées et qu’il y a la Société d’assurance-dépôts, je crois que nous n’avons pas de problème de confiance. C’est certain qu’il peut y avoir des crises, mais on a vu qu’en général, notre système bancaire tient bien», rappelle Norma Kozhaya.
«Aujourd’hui, les déposants de SVB vont être dédommagés, ce qui est bien. Mais ce qui l’est moins, c’est que c’est un peu un symptôme du Far West. Au Canada, je n’ai pas vu personne se ruer vers la banque pour y retirer d’un coup tous ses fonds. La confiance des déposants au Canada fait en sorte que l’on regarde ça de haut et de loin», observe Simon Brière.
«Un élément qui pourrait démontrer que la confiance est ébranlée du côté américain, c’est le regain de popularité des cryptos, poursuit-il. Le Bitcoin par exemple. Il a augmenté de 25 à 30% depuis la faillite de SVB. C’est un point qui montre que la confiance est ébranlée. Ça va revenir. Je ne pense pas que c’est grand-chose, mais cela s’inscrit dans d’autres éléments de cette économie qui surchauffe. Il ne faut peut-être pas s’y attarder, mais pas non plus l’ignorer.»