Tenté par l’énergie solaire? Faites-le pour la bonne raison!
Claudine Hébert|Édition de la mi‑octobre 2020GROSSE DÉPENSE. Depuis 30 ans, les coûts liés à l'installation d'un système d'énergie solaire ont considérablement...
GROSSE DÉPENSE. Depuis 30 ans, les coûts liés à l’installation d’un système d’énergie solaire ont considérablement chuté. À tel point que l’électricité produite par les rayons de soleil atteint maintenant la parité avec l’offre d’Hydro-Québec. Lumière sur l’investissement photovoltaïque (PV).
Dans les années 1980, il fallait être bien nanti pour adopter l’énergie solaire comme source d’électricité. L’installation d’un système coûtait aisément 100 $ le watt (W). Autrement dit, pour bénéficier d’un seul kilowatt (kW) de puissance, soit assez d’énergie pour faire fonctionner un appareil électrique tels un grille-pain ou un four micro-ondes, la facture pouvait frôler les 100 000 $.
«Aujourd’hui, ce même système coûte moins de 3 000 $ à installer. Et ça continue de diminuer», rassure Yves Poissant, gestionnaire de recherche et spécialiste en technologies solaires photovoltaïques à CanmetÉnergie, à Varennes.
Comment expliquer cette chute de prix ? Remercions la Chine, dit-il, dont la production massive de panneaux solaires depuis dix ans a contribué à faire fondre les coûts des systèmes photovoltaïques comme neige au soleil. «Maintenant que la technologie est plus abordable, il ne reste plus qu’aux installateurs à prendre de l’expérience et à réduire, eux aussi, les coûts liés à la main-d’oeuvre», ajoute cet expert qui figure parmi les dix premiers Québécois ayant opté pour un système PV interrelié à celui du réseau d’Hydro-Québec dans les années 2000.
Selon les derniers relevés, près de 800 foyers québécois qui détiennent un système solaire bénéficient d’une formule de mesurage net avec Hydro-Québec. Cette formule permet notamment d’éviter l’achat des batteries de stockage. Les surplus d’énergie, dit-il, sont exportés aux voisins et crédités. «En revanche, s’il y a une panne de courant, le système solaire ne fonctionne pas, à moins d’avoir des batteries», concède Yves Poissant.
Combien ça coûte ?
Au Canada, un panneau solaire de 250 W (1,6 mètres carrés) coûte en moyenne un peu plus de 150 $ avant taxes. «Le prix d’un module de 250 W varie généralement entre 115 $ et 200 $ en fonction de la qualité des cellules PV et de ses propriétés. Le panneau sera, par exemple, un peu plus cher s’il est équipé de capteurs bifaciaux qui interceptent l’énergie solaire à la fois du ciel et du sol», explique l’expert. Pour obtenir un kilowatt de puissance, soit 1 000 W, il faut prévoir de trois à quatre panneaux.
Ces modules, prévient Yves Poissant, ne constituent toutefois que la pointe de l’iceberg de la facture. Un système PV relié au réseau d’Hydro-Québec nécessite également un onduleur (environ 45 cents le watt), du filage, une boîte à fusibles, des supports à module sur le toit (environ 33 cents le watt pour l’ensemble de ces éléments) sans oublier les frais d’installation. «Ces derniers peuvent représenter, à eux seuls, la moitié du coût total du système», explique le physicien de Ressources naturelles Canada.
Plus la puissance du système est élevée, plus le coût du watt diminue. Actuellement, la facture d’une installation d’un système de 3 kW de puissance relié au réseau hydroélectrique revient en moyenne à près de 3,10 $ le watt, soutient l’expert. Ce qui équivaut à un total d’un peu moins de 9 500 $. Pour un système de 10 kW, le physicien estime le coût de revient à moins de 2,30 $ par watt, soit une facture totale d’un peu plus de 23 000 $.
La parité atteinte
Actuellement, l’installation d’un système PV d’au moins 6 kW de puissance relié au réseau d’Hydro-Québec équivaut à environ 9,12 cents le kilowattheure (kWh). «C’est moins élevé que le tarif que facture actuellement Hydro-Québec sur une consommation domestique quotidienne qui dépasse les 40 premiers kWh (9,38 cents/kWh)», souligne Yves Poissant. Et plus votre système PV détient une puissance élevée, précise-t-il, plus le coût du kWh solaire diminue pouvant atteindre moins de 8,10 cents pour un système de 10 kW.
Il y a toutefois une condition importante à respecter pour atteindre cette fameuse parité avec l’hydroélectricité. Le soleil doit être au rendez-vous. La maison (ou l’installation des panneaux) doit être orientée plein sud (l’axe peut varier de 30 degrés à l’est ou à l’ouest) avec des panneaux inclinés de 30 à 60 degrés. Ces derniers ne doivent pas être ombragés par des végétaux ou des structures. «C’est entre 9 h et 15 h que plus de 80 % de l’électricité solaire est produite. Plus particulièrement entre 10 h et 14 h, cette période de la journée génère plus des deux tiers de l’électricité solaire», indique Yves Poissant.
Selon des estimations de Ressources naturelles Canada, un système PV utilisé pour une résidence située dans le sud-ouest du Québec peut produire environ 1 200 kWh par année par kW de puissance. «En général, un système de 6 kW de puissance, qui peut générer 7 200 kWh, sera suffisant pour alimenter la plupart des appareils électriques les plus courants, excluant le chauffage de l’eau et de l’espace, maintient Yves Poissant. Il faut savoir qu’une maison unifamiliale moyenne utilise 25 000 kWh par année.
100 % autonome
Dans le cas où le consommateur souhaite installer un système 100 % autonome, il faudra prévoir l’achat de batteries à décharge profonde pour stocker l’énergie.
La pleine autonomie est plus abordable quand on ne se raccorde pas au réseau d’Hydro-Québec, explique Yves Poissant. Les frais de raccordement au réseau s’élèvent à plusieurs dizaines de milliers de dollars. L’achat de batteries (entre 5 000 $ et 15 000 $, selon les capacités de stockage) fait grimper de 10 $ à 20 $ le coût moyen du watt. De plus, ces batteries doivent être renouvelées après 5 à 10 ans. Cette option ne permet donc pas d’être rentable si vous êtes relié au réseau, prévient-il.
Quelles motivations?
Est-ce que ça vaut le coup ? «Tout dépend de vos réelles motivations», prévient d’emblée Emmanuel Cosgrove, directeur d’Écohabitation, un organisme indépendant qui accompagne les professionnels et les particuliers dans la réalisation de leurs projets d’habitation durable. «Si c’est pour réduire votre facture de consommation énergétique, d’autres avenues beaucoup plus abordables vont vous permettre des économies substantielles avant l’énergie solaire», avertit-il.
Une meilleure isolation, des fenêtres à triple verre et des appareils de chauffage et de climatisation plus efficaces offriront à un moindre coût un régime minceur à votre facture énergétique. «Même de simples gestes quotidiens (réduction du chauffage la nuit, utilisation d’une pomme de douche à faible débit, séchage du linge à l’extérieur…) vont faire une différence appréciable sur le montant de la facture énergétique», dit Emmanuel Cosgrove.
Les motivations dites écoresponsables font également sourciller cet intervenant. Sur le plan sociétal, l’énergie produite par Hydro-Québec arrive au premier rang, signale-t-il. Bien que des entreprises, comme Prosolaire, aient commencé à recycler des batteries Tesla, plusieurs questions se posent sur la gestion du cycle de vie des batteries qui durent en moyenne cinq ans. «Certes, l’énergie solaire n’a pas d’incidence sur les rivières, mais la fabrication de ses diverses composantes se traduit tout de même par des émissions de gaz à effet de serre. Ce n’est donc pas encore la solution la plus durable», dit-il.
En fait, conclut Emmanuel Cosgrove, le souci d’autonomie demeure, pour le moment, la seule raison valable pour justifier un tel investissement.
***
Comment trouver un expert ?
Les avantages de l’énergie solaire ont ouvert la porte à certaines entreprises qui font de fausses promesses. Ceux qui promettent une rentabilité en moins de dix ans tentent de vous faire croire au père Noël, soutient Yves Poissant. Comment y voir plus clair ? André Fauteux, éditeur et rédacteur en chef du magazine La Maison du 21e siècle, suggère fortement de bien faire ses devoirs. Il conseille entre autres de sélectionner un fournisseur qui figure notamment parmi le réseau des membres d’Énergie solaire Québec ou qui se trouve parmi la liste d’Écohabitation. CAA-Québec dispose également d’une telle liste, dit-il. Quoi acheter ? Ce n’est pas tant le choix des fabricants que les certifications qui doivent attirer l’attention des consommateurs, avertit Yves Poissant. « Il faut s’assurer que les panneaux solaires sont certifiés CSA ou ULC. On s’assure également que les panneaux sont homologués IEC 61 215, une certification qui garantit la performance et IEC 61 730, une certification qui assure la sécurité.