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Trans Mountain pourrait ne pas être terminé dans les délais

La Presse Canadienne|Publié le 30 août 2023

Trans Mountain pourrait ne pas être terminé dans les délais

Le projet de pipeline Trans Mountain est en proie à des difficultés. (Photo: La Presse Canadienne)

La société d’État à l’origine de l’agrandissement de l’oléoduc Trans Mountain craint de ne pas terminer le projet dans les délais, malgré les pressions internes et externes en ce sens, indiquent des documents obtenus par La Presse Canadienne.

 

L’oléoduc Trans Mountain est le seul réseau de pipelines au Canada transportant du pétrole de l’Alberta jusqu’à la côte ouest. Son expansion, actuellement en cours, portera la capacité du pipeline à 890 000 barils par jour (b/j), contre 300 000 b/j actuellement.

 

Trans Mountain Corp. a depuis longtemps fait savoir que sa date cible pour l’achèvement mécanique du projet se situe au cours du troisième trimestre de cette année (qui se termine le 30 septembre), la date de mise en service du pipeline étant prévue au début de 2024.

 

Mais la semaine dernière, la société a déposé une demande d’approbation réglementaire pour modifier le tracé de l’un des tronçons de canalisation restant à terminer, affirmant qu’elle s’est heurtée à un obstacle lié à la construction qui pourrait retarder l’avancement du projet.

 

Désormais, de nouveaux dépôts réglementaires par une Première Nation de la Colombie−Britannique révèlent l’ampleur de la pression des délais à laquelle est confrontée la société pipelinière.

 

Dans une lettre adressée à la Régie de l’énergie du Canada, datée du 28 août, un avocat de Stk’emlupsemc te Secwepemc détaille une réunion que les dirigeants de la Première Nation ont eue avec les dirigeants de Trans Mountain au sujet du changement de tracé proposé.

 

Selon le dossier, la présidente−directrice générale de Trans Mountain, Dawn Farrell, a déclaré que les difficultés techniques liées au forage d’un tunnel en Colombie−Britannique seraient problématiques. Cela signifie que la société ne peut plus terminer le tronçon de pipeline en question en utilisant une méthode de construction sans tranchée, comme promis.

 

«Je sais que des délais supplémentaires ne vous concernent pas, mais cela nous cause des problèmes avec le calendrier. Des problèmes significatifs, a fait valoir Mme Farrell, citée par l’avocat. Nous sommes contraints de nous tourner vers des options qui sont économiques et réalisables dans le délai restant.»

 

 

Opposition

La lettre de Stk’emlupsemc te Secwepemc indique également que Trans Mountain n’a jamais déclaré que la méthode de construction initialement proposée était impossible, mais simplement qu’elle ne pouvait pas être réalisée à temps pour respecter la date de mise en service du pipeline, le 1er janvier 2024.

 

«Nous sommes arrivés à la conclusion que nous n’allons pas réussir à achever ce tunnel à temps pour répondre aux exigences et mettre ce projet en ligne, a révélé la Première Nation, citant Trans Mountain. À ce stade, terminer le projet et le mettre en opération est nécessaire. L’exécutif l’a dit clairement, le conseil d’administration l’a dit clairement. C’est une attente des contrats que nous avons en place.»

 

Le tronçon de pipeline en cause en est un de 1,3 kilomètre qui n’a pas encore été construit dans la région de Jacko Lake, près de Kamloops.

 

Les Stk’emlupsemc te Secwepemc déclarent dans leur dossier réglementaire que la zone a «une profonde importance spirituelle et culturelle» pour leur communauté et qu’ils n’ont consenti à la construction du pipeline qu’en sachant que Trans Mountain minimiserait les perturbations de surface en mettant en œuvre une construction spécifique sans tranchée.

 

«Trans Mountain n’a pas réussi à démontrer que les méthodes de construction sans tranchée dans le corridor Pipsell (Jacko Lake), approuvées dans le cadre de la demande de déviation précédente, ne constituent plus une méthode de construction viable», a soutenu la Première Nation.

 

«Trans Mountain a clairement indiqué que les considérations financières et la préférence de Trans Mountain pour une date de mise en service le 1er janvier 2024 constituent la justification de la présentation de la demande de dérogation», ajoute−t−on.

 

 

Difficultés 

Le projet de pipeline Trans Mountain est en proie à des difficultés. Le pipeline a été acheté par le gouvernement fédéral pour 4,5 milliards de dollars (G$) en 2018 après que l’ancien propriétaire, Kinder Morgan Canada, a menacé d’abandonner le projet d’agrandissement prévu en raison de l’opposition des écologistes et des obstacles réglementaires.

 

Son prix projeté a depuis grimpé en flèche, d’abord pour atteindre 12,6 G$, puis pour atteindre 21,4 G$ et plus récemment pour atteindre 30,9 G$ (l’estimation la plus récente du coût en capital date de mars de cette année).

 

Le gouvernement fédéral a déjà approuvé un total de 13 G$ en garanties de prêt pour aider Trans Mountain à obtenir le financement nécessaire pour couvrir les dépassements de coûts.

 

Trans Mountain Corp. a imputé ses problèmes budgétaires à divers facteurs, notamment l’inflation, la COVID−19, la pénurie de main−d’œuvre, les difficultés de la chaîne d’approvisionnement, les inondations en Colombie−Britannique et des découvertes archéologiques majeures inattendues tout au long du parcours.

 

Ce plus récent obstacle en matière de construction n’augure rien de bon pour le calendrier ou le budget de la société, a déclaré Richard Masson, cadre associé à l’École de politique publique de l’Université de Calgary.

 

«Il est peu probable, à mon avis, que l’entreprise obtienne une approbation rapide de déviation sur quelque chose pour lequel elle a pris un engagement envers une Première Nation», a−t−il expliqué en entrevue.

 

Il a ajouté que pendant que Trans Mountain attend que l’organisme de réglementation prenne une décision concernant sa demande de déplacer le tracé du pipeline, ses coûts de main−d’œuvre continueront d’augmenter.

 

Le gouvernement fédéral, qui cherche à céder le pipeline et a entamé des négociations avec plusieurs acheteurs intéressés, ne sera pas en mesure de le vendre jusqu’à ce qu’un coût de construction final et une date de mise en service soient déterminés.

 

Entre−temps, Trans Mountain a déposé une demande d’approbation réglementaire pour les droits qu’elle souhaite facturer aux expéditeurs de pétrole lorsque le pipeline entre en exploitation. Mais les compagnies pétrolières, frustrées par les péages plus élevés que Trans Mountain juge nécessaires en raison du prix exorbitant du pipeline, réagissent.

 

La Régie de l’énergie du Canada n’a pas encore pris de décision sur la question des droits et a accepté de donner aux expéditeurs jusqu’au 30 août pour déposer des déclarations écrites.

 

Amanda Stephenson, La Presse Canadienne