La Russie a de nouveau affirmé vendredi procéder au retrait d'unités militaires des abords de l'Ukraine. (Photo: Getty Images)
Stanitsa Louganska — Les tensions sont à leur comble vendredi dans l’est de l’Ukraine, les heurts se multipliant et les séparatistes prorusses ordonnant l’évacuation de civils vers la Russie tandis que les États-Unis dénoncent un «scénario» de provocations pour permettre une intervention militaire russe.
Le dialogue de sourds se poursuit entre Washington, qui redoute l’invasion de l’Ukraine «dans les prochains jours», et Moscou qui balaye ces accusations.
Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a ainsi dénoncé la mise en œuvre d’«un scénario» de «provocations» conçu par les Russes en vue de justifier une attaque de l’Ukraine.
Son homologue de la Défense, Lloyd Austin, a affirmé qu’au lieu du retrait russe annoncé des abords de l’Ukraine, les États-Unis voient encore «davantage de forces entrer dans cette région frontalière» et «continuer à se préparer», notamment «en se rapprochant de la frontière, en positionnant des troupes, en augmentant leurs capacités logistiques».
Le président russe Vladimir Poutine, recevant au Kremlin son homologue bélarusse Alexandre Loukachenko dont le pays accueille lui aussi des troupes russes, a en retour accusé l’Ukraine de refuser le dialogue avec les séparatistes et constaté une «aggravation de la situation dans le Donbass», région où l’armée ukrainienne affronte depuis huit ans des forces sécessionnistes soutenues par Moscou.
Dans l’après-midi, des bombardements se faisaient encore entendre à Stanitsa Louganska, une ville sous le contrôle des forces gouvernementales sur la ligne de front dans l’Est, selon des journalistes de l’AFP. Elle avait déjà été touchée la veille par des tirs qui ont endommagé une école maternelle.
Le dirigeant de la république séparatiste autoproclamée de Donetsk, Denis Pouchiline, a annoncé dans une vidéo «le départ massif et centralisé de la population» vers la Russie, «en premier lieu les femmes, les enfants et les personnes âgées».
Son homologue de la «république» voisine Lougansk, Léonid Passetchnik, a annoncé peu après la même décision «afin d’éviter des victimes parmi les civils».
Escalade des tirs
La Russie a de nouveau affirmé vendredi procéder au retrait d’unités militaires des abords de l’Ukraine.
«Cela n’a pas lieu», a cependant déclaré le ministre ukrainien de la Défense Oleksiï Reznikov vendredi devant les députés.
Selon Washington, la Russie cherche un prétexte pour attaquer l’Ukraine et un regain de violences dans le Donbass pourrait en être un, Moscou se voyant comme le défenseur des populations russophones de la région, d’autant qu’elle y a distribué des passeports russes à la population.
Selon l’armée ukrainienne, 45 violations du cessez-le-feu ont encore été observées depuis le début du jour vendredi, tout au long de la ligne de front de plusieurs centaines de kilomètres.
Les rebelles prorusses ont rapporté de leur côté 27 tirs de l’armée ukrainienne, notamment sur Gorlivka, dans la région de Donetsk, publiant les photos d’un poste électrique alimentant une mine endommagé.
Le conflit a fait plus de 14 000 morts depuis 2014.
Les observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ont eux rapporté une hausse significative des tirs, avec 189 violations du cessez-le-feu dans la région de Donetsk jeudi, contre 24 mercredi. Dans la région de Lougansk, autre bastion séparatiste, 402 violations ont été rapportées contre 129.
Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a accusé l’OSCE de partialité, lui reprochant «d’atténuer les points qui montrent la culpabilité des forces armées ukrainiennes».
Des accords de paix signés en 2015 à Minsk avaient permis l’instauration d’un cessez-le-feu et une baisse considérable des affrontements, mais des violences sporadiques éclatent encore régulièrement.
Sur le plan diplomatique, le président américain Joe Biden a réuni les dirigeants de plusieurs pays européens, de l’OTAN et de l’Union européenne pour une réunion virtuelle vendredi.
Précédent géorgien
Le président français Emmanuel Macron a appelé vendredi à Bruxelles à la «cessation des actes militaires» dans l’Est de l’Ukraine, soulignant n’avoir toujours «pas la preuve des désengagements militaires russes à ce stade».
La ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock a elle dénoncé le «déploiement sans précédent de troupes à la frontière avec l’Ukraine» et estimé que la Russie voulait remettre en «cause les principes fondamentaux de l’ordre de paix européen».
La Russie, qui dément tout projet d’invasion, mais réclame des garanties pour sa sécurité comme le retrait de l’OTAN d’Europe de l’Est, est considérée comme le parrain militaire et financier des séparatistes de l’Est de l’Ukraine.
L’augmentation des bombardements le long de la ligne de front ukrainienne rappelle la situation en Géorgie en 2008, lorsque les forces géorgiennes ont lancé un assaut sur la région séparatiste d’Ossétie du Sud après des jours d’échanges de tirs de mortier et d’artillerie.
Accusant Tbilissi d’agression contre les Casques bleus russes et les résidents sud-ossètes de nationalité russe, Moscou avait lancé une offensive dévastatrice.
Le court conflit avait fait plusieurs centaines de morts et Moscou avait fini par reconnaître l’Ossétie du Sud et une autre région géorgienne séparatiste, l’Abkhazie, en tant qu’États indépendants.