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Un manque à gagner de plusieurs millions de pieds carrés

Charles Poulin|Édition de la mi‑novembre 2022

Un manque à gagner de plusieurs millions de pieds carrés

Il faudrait bâtir des millions de pieds carrés d’entrepôts pour pallier la crise actuelle en entreposage, disent les experts. (Photo: 123RF)

IMMOBILIER COMMERCIAL. Les entreprises du Québec peinent à trouver de l’espace industriel pour y accueillir leurs activités. La demande est telle qu’il faudrait plusieurs millions de pieds carrés pour simplement rétablir l’équilibre dans la grande région montréalaise.

À la fin d’octobre, le taux d’inoccupation s’y trouvait sous la barre des 2%. Le taux d’équilibre se situe entre 7% et 8%, mentionne Maxime Florio, courtier immobilier commercial chez Avison Young. «Je vous confirme qu’il est très difficile de trouver des espaces industriels dans le marché, que ce soit à Montréal ou dans le reste de la province, précise-t-il. Pour passer de 1,9% à 7%, cela prendrait des millions de pieds carrés supplémentaires.»Malgré les nouveaux projets en construction, l’absorption nette demeure positive tous les ans depuis 2016, ajoute-t-il. «Il y a eu de la construction, mais elle ne suit pas du tout le rythme de la demande, surtout depuis le début de la pandémie», indique Marie-France Benoit, directrice de l’intelligence de marché pour le Canada chez Avison Young.

 

Nouvelles habitudes à suivre

Le marché a beaucoup évolué depuis le début de 2020, explique Marie-France Benoit. Tout d’abord, le «juste-à-temps»est disparu du vocabulaire des entreprises en raison des perturbations de la chaîne d’approvisionnement pendant la pandémie. Ce renversement de tendance a fait grimper la demande en raison des stocks plus élevés des entreprises.

Le déplacement des habitudes des consommateurs vers le commerce en ligne a aussi modifié les habitudes des entreprises relativement à leur stock. Les objets commandés sur les sites transactionnels, notamment, doivent être entreposés dans ces centres de distribution, ce qui a imposé une pression supplémentaire sur la disponibilité des espaces industriels.

«Il y a également l’obsolescence d’une partie du parc, souligne Marie-France Benoit. Les besoins en matière de hauteur libre ont changé, tout comme ceux pour les entrepôts réfrigérés.» Loyers en forte hausse Ces diverses pressions sur l’espace industriel au Québec ont fait exploser les loyers moyens au cours des dernières années.

«Il y a vraiment une pénurie d’espaces industriels disponibles à travers le Canada, expose Georges Semine, vice-président aux conseils financiers, aux services-conseils et au courtage immobilier chez Deloitte. Depuis trois ou quatre ans, les loyers sont passés de 6 $ou 7$ le pied carré à 12$ et 15 $. À certains endroits, ça dépasse les 15$, comme à Toronto, où le loyer moyen est de 20$.»

Marie-France Benoit dresse le même constat. Après une longue période d’accalmie de 20 ans qui s’est terminée en 2016, les loyers sont passés de 6$ à 12$ le pied carré à Montréal et de 7$ à 13$ à Québec. «C’était impensable avant la pandémie d’avoir un loyer aussi élevé», rappelle-t-elle.

 

La tendance va se poursuivre

Ce manque d’espaces industriels n’est pas près de se résorber, affirment les trois intervenants. Plusieurs facteurs ralentiront la cadence des mises en chantier au cours des prochaines années.

«Les développeurs sont prêts à payer un bon prix pour des terrains, avance Georges Semine. Le défi est de trouver des terrains à développer. Plusieurs villes n’ont même plus de terrains industriels disponibles en ce moment.»Maxime Florio indique qu’il y a eu une ruée sur les terrains industriels avant et pendant la pandémie. Les promoteurs, mais aussi les entreprises, ont ainsi sécurisé beaucoup de terrains.

«Sur l’île de Montréal, les terrains industriels sont pratiquement inexistants, laisse-t-il tomber. Sur la Rive-Sud, à Laval et partout dans la première couronne, c’est très limité.»Même pour les constructions qui ont déjà été annoncées, l’incertitude persiste. Maxime Florio mentionne des projets totalisant de 2,5 à 3 millions de pieds carrés dans le Grand Montréal au cours des 12 à 18 prochains mois. Si ces projets iront fort probablement de l’avant ou ont déjà démarré, un autre neuf millions de pieds carrés avec un horizon de deux à cinq ans sont loin d’être coulés dans le béton en raison des hausses des taux d’intérêt, des coûts de construction et de main-d’oeuvre ainsi que des risques de récession en 2023.