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Un registre des loyers pour maintenir l’abordabilité à Montréal

La Presse Canadienne|Publié le 11 mai 2023

Un registre des loyers pour maintenir l’abordabilité à Montréal

L’initiative bénéficiera d’un soutien de Centraide du Grand Montréal, qui s’engage sur trois ans et qui déboursera 104 000 $ pour la première année d’existence du registre. (Photo: La Presse Canadienne)

C’est par la transparence et le partage de données sur le marché locatif que la flambée des prix des loyers au Québec pourra être freinée, estime l’organisme Vivre en ville, qui a présenté jeudi un tout nouveau Registre des loyers.

Accessible au registredesloyers.quebec et comptant déjà plus de 15 000 entrées, l’outil invite les locataires à inscrire le montant de leur loyer actuel pour permettre aux personnes susceptibles de louer leur logement par la suite de voir si l’augmentation réclamée par le propriétaire est raisonnable ou excessive. Les propriétaires sont aussi bienvenus pour alimenter la plateforme.

Le registre joue essentiellement le même rôle que la clause G des baux de location et dans laquelle les propriétaires peuvent inscrire le coût le plus bas du loyer demandé dans la dernière année, une clause dont seulement 20 % des locataires ont connaissance, parce qu’elle n’est pas toujours remplie.

«Nous croyons que le Registre des loyers peut être un outil précieux pour les gouvernements dans leur mission de protéger les locataires contre les hausses de loyer abusives et freiner l’inflation immobilière. Riche d’informations pertinentes comme le prix d’un loyer, un tel registre contribuerait à rétablir l’équilibre dans le rapport de force entre le propriétaire et le locataire, en plus d’offrir un tableau de bord fiable, exact et à jour sur la situation du marché locatif», a déclaré le directeur général de Vivre en ville, Christian Savard, dans un communiqué.

Un tel outil, que pourraient s’approprier le gouvernement provincial et les municipalités, est essentiel pour maintenir le coût des loyers à un niveau raisonnable, estime Adam Mongrain, directeur du service Habitation chez Vivre en ville.

«Contrairement aux registres mis sur pied par les citoyens, le nôtre a une capacité administrative, a−t−il indiqué. On propose une solution clé en main et entièrement financée. […] C’est un outil extrêmement performant et précis, dans lequel il serait facile d’intégrer les informations du relevé 31», en référence au relevé remis aux locataires par leur propriétaire à des fins d’impôt.

L’initiative bénéficiera d’un soutien de Centraide du Grand Montréal, qui s’engage sur trois ans et qui déboursera 104 000 $ pour la première année d’existence du registre.

«On veut que ça fonctionne, a indiqué son directeur général, Claude Pinard. Le registre va non seulement permettre l’accès à tous de suivre l’évolution des coûts des loyers d’une année à l’autre, mais on pourra aussi faire des croisements sociodémographiques. Grâce à ces données, nous pourrons cerner certains enjeux plus spécifiques.»

Parmi les autres appuis à la plateforme, on retrouve la Direction de la Santé publique de Laval, dont l’adjoint au directeur − volet promotion, prévention et développement des communautés, Sivlio Manfredi, a parlé du registre comme d’une «façon facile pour les citoyens de participer au changement social».

Un rythme «insoutenable»

Pour justifier la nécessité d’un tel registre, Vivre en ville a également publié le résultat d’un sondage mené par la firme Léger Marketing et dans lequel on apprend que lors d’un déménagement, le coût du loyer bondit en moyenne de 19 %. 

«C’est un rythme insoutenable, causé en partie par le manque d’information sur les loyers précédents», a déploré Adam Mongrain. 

Pas moins de 32 % des répondants n’auraient pas d’autre choix que d’accepter vu la pénurie de logements, nous apprend aussi l’enquête menée en ligne du 1er au 18 mars auprès de 5550 locataires et dont les résultats ont été pondérés en fonction de différents facteurs pour qu’ils soient représentatifs de la population québécoise. Selon Cynthia Darisse, vice−présidente Québec pour Léger, il s’agit de «la plus large étude sur le logement locatif dans l’histoire du Québec».

On y apprend aussi que 83 % des locataires sondés seraient favorables à publier anonymement les renseignements relatifs à leur logement dans le registre de Vivre en ville. Un coup de sonde du côté des propriétaires a permis d’apprendre qu’ils seraient 53 % en faveur de remplacer la clause G par le registre. 

Le montant moyen payé pour se loger est de 926 $, indique le sondage; il était de 807 $ au moment de la signature du bail, ont précisé les répondants, qui payaient en moyenne 781 $ par mois pour leur logement précédent.

Le registre des loyers sera accompagné d’une Foire aux questions portant sur les droits des locataires, dont le contenu a été rédigé en collaboration avec Éducaloi.

«Pour pouvoir reconnaître et faire valoir ses droits, il faut d’abord les connaître», a indiqué Alana La Rosa−Dancoste, coordonnatrice − Habitation chez Vivre en ville.

Une bien mauvaise idée, selon la CORPIQ

En réaction à l’annonce de jeudi matin, la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ) a communiqué avec La Presse Canadienne pour partager sa désapprobation du projet de registre des loyers. 

Selon son directeur des affaires publiques et des relations gouvernementales, Marc−André Plante, le fait de publier le prix des loyers n’aura aucun effet positif sur la crise du logement, car cela ne fera pas augmenter l’offre.

Au contraire, indique-t-il, la publicisation des loyers pourrait avoir un effet facilitateur pour les propriétaires tentés par la rénoviction et, incidemment, sur la spéculation immobilière.

«De rendre les loyers publics fera en sorte qu’il sera beaucoup plus facile et rapide d’identifier les bâtiments qui ont un potentiel de rénovation et donc, de retour rapide sur investissement, indique M. Plante. Dans ce cas, ce sont les locataires qui seront les premiers perdants.»

La CORPIQ, qui a présenté cette semaine sa propre étude portant sur le marché locatif, affirme avoir elle aussi sondé des locataires, pour réaliser que ceux qui paient leur loyer le moins cher s’opposent au registre. 

«Ces locataires ne veulent pas nécessairement que tout le monde sache combien ils paient pour se loger, explique M. Plante. Ça peut aussi créer de la discordance entre voisins lorsqu’ils vont réaliser qu’un paie plus cher que l’autre pour des logements somme toute similaires.»

Enfin, la CORPIQ a souligné plusieurs enjeux juridiques qu’implique la création d’un registre public des loyers, à savoir d’abord si les informations y étant consignées seraient reconnues par le Tribunal administratif du logement (TAL). 

Elle plaide ensuite que la divulgation des loyers permet d’évaluer plus précisément la valeur marchande de chaque immeuble et que cela constitue un désavantage pour leurs propriétaires, qui perdent alors de leur pouvoir de négociation dans le cadre d’une transaction.

«Il faudrait se demander si ce registre ne viendrait pas contrevenir à des lois actuelles en matière de libre−marché et de compétitivité des entreprises privées», souligne M. Plante.