Une entreprise évite le port de Montréal par crainte d’une grève
La Presse Canadienne|Publié le 27 mars 2024Plus tôt ce mois−ci, le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) a rejeté une demande des employeurs du port de Montréal visant à obliger les employés à travailler pendant une grève, ouvrant ainsi la porte à un éventuel moyen de pression ou à un lock−out. (Photo: La Presse Canadienne)
Une importante entreprise de transport a décidé de rediriger ses marchandises destinées au port de Montréal par crainte d’une grève potentielle, ce qui fait craindre que d’autres entreprises ne suivent son exemple.
Delmar International, une entreprise de logistique basée au Québec qui compte 1500 employés dans 17 pays, a indiqué que tout le fret à destination de Montréal passera désormais par le port d’Halifax dans le cadre d’une mesure préventive visant à limiter les retombées d’un éventuel moyen de pression imminent.
«Alors que les incertitudes persistent au port de Montréal, Delmar International réacheminera toutes les cargaisons de la côte Est à destination de Montréal via Halifax afin de limiter l’impact négatif d’un éventuel arrêt de travail jusqu’à nouvel ordre», a déclaré l’entreprise à ses clients dans un avis la semaine dernière.
Plus tôt ce mois−ci, le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) a rejeté une demande des employeurs du port de Montréal visant à obliger les employés à travailler pendant une grève, ouvrant ainsi la porte à un éventuel moyen de pression ou à un lock−out après une période de gel de six mois pendant que la demande était à l’étude.
Vendredi, l’Association des employeurs maritimes a déposé une plainte auprès de la CCRI, l’appelant à relancer les négociations en raison de la «mauvaise foi» du syndicat, qui, selon elle, aurait refusé de reprendre les négociations.
«Les parties sont dans une impasse causée par le refus du syndicat de négocier», peut−on lire dans le texte de la plainte.
«L’association s’adresse au CCRI afin d’obtenir d’urgence une audience et des remèdes pour forcer le Syndicat à se conformer à ses obligations et ainsi permettre la reprise des négociations», ajoute−t−on.
La dernière rencontre entre les deux parties a eu lieu le 16 janvier, selon le dossier.
Des «signaux forts»
La porte−parole de l’association, Isabelle Pelletier, a déclaré que les employeurs sont «très inquiets» des conséquences des craintes croissantes d’une grève.
«Nous avons des signaux forts selon lesquels les marchandises seront réacheminées en raison de l’incertitude au port de Montréal», a−t−elle affirmé dans un courriel.
Les employeurs, qui, dans leur plainte, accusent les travailleurs de «faire fuir» les marchandises, notent qu’ils continuent à payer les employés, y compris ceux qui ne sont pas au travail, alors que les volumes de fret sont en baisse, une «situation intenable» puisque les revenus diminuent par le fait même, selon l’association.
Les expéditions de conteneurs ont chuté de près de 9% l’année dernière, selon les données de tonnage du port.
Le Syndicat des débardeurs, qui représente environ 1200 travailleurs du port de Montréal affiliés au Syndicat canadien de la fonction publique, a refusé de commenter. La convention collective a expiré le 31 décembre.
La chaîne d’approvisionnement maritime du Canada a été confrontée à plusieurs interruptions de travail au cours des quatre dernières années, en plus des arriérés et des goulots d’étranglement dus à la pandémie de COVID−19.
L’été dernier, une grève des 7400 débardeurs des ports de la Colombie−Britannique a duré 13 jours, fermant le plus grand port du pays et coûtant des milliards de dollars à l’économie.
En octobre, une grève de huit jours des travailleurs de la Voie maritime du Saint−Laurent a interrompu les expéditions de céréales, de minerai de fer et d’essence.
Et à Montréal, les débardeurs ont fait grève pour la dernière fois en août 2020 dans le cadre d’un mouvement de grève de 12 jours qui a bloqué 11 500 conteneurs sur les quais.
Une «situation critique»
La suspicion mutuelle persiste encore aujourd’hui après cette grève, de l’avis d’observateurs.
Le ministre fédéral des Transports, Pablo Rodriguez, a souligné l’apparent «climat de méfiance» entre les débardeurs et l’Association des employeurs maritimes.
«La situation devient critique», a commenté la porte−parole de l’Association canadienne des transitaires internationaux, Julia Kuzeljevich.
«On craint fortement qu’ils ne déposent un préavis de grève de 72 heures à tout moment. Nombreux sont ceux qui choisissent de détourner leur cargaison. (…) C’est un grand point d’interrogation qui plane sur la situation», a−t−elle ajouté.
Avant d’entamer les piquets de grève, le syndicat devra organiser un vote sur un mandat de grève, ce qu’il peut faire à tout moment. Si le vote est positif, le mouvement de grève pourrait débuter trois jours après que les dirigeants syndicaux en auront donné l’ordre.
Christopher Reynolds, La Presse Canadienne