Une faible croissance sera nécessaire pour contrer l’inflation
La Presse Canadienne|Publié le 08 septembre 2022La première sous-gouverneure de la Banque du Canada, Carolyn Rogers, a tenu jeudi un discours devant l’organisme Calgary Economic Development. (Photo: La Presse Canadienne)
Ottawa — Le retour à une inflation de 2% prendra du temps et une période de croissance économique plus faible sera nécessaire pour réduire la hausse des prix à la consommation, a indiqué jeudi la première sous-gouverneure de la Banque du Canada, en ajoutant que la banque centrale s’attendait toujours à atteindre cet objectif sans déclencher de récession.
Carolyn Rogers s’exprimait au lendemain de l’annonce d’une nouvelle hausse de trois quarts de point du taux d’intérêt directeur de la Banque du Canada, dans un discours destiné à l’organisme Calgary Economic Development. La banque centrale a en outre prévenu mercredi que le taux directeur devrait grimper encore davantage pour que l’inflation puisse renouer avec son objectif.
Dans le texte de son discours, Mme Rogers a expliqué que le risque de voir l’inflation s’enraciner avait été évalué dans les discussions qui ont mené à la hausse des taux d’intérêt de mercredi.
L’inflation annuelle au Canada s’est établie à 7,6% en juillet, contre 8,1% en juin, en raison de la baisse des prix de l’essence.
Cependant, l’inquiétude du conseil de direction découle des principales mesures de l’inflation de base de la banque, qui ont tendance à être moins volatiles, a fait valoir Mme Rogers. Cet indicateur a augmenté en juillet, ce qui «montre à quel point l’inflation sous-jacente demeure forte au Canada», a-t-elle affirmé dans son discours.
Les banques centrales ont tendance à s’inquiéter lorsque les particuliers et les entreprises s’attendent à ce que l’inflation reste élevée, car cela peut conduire à une prophétie autoréalisatrice: les entreprises fixent les prix futurs à la hausse, tandis que les travailleurs négocient les augmentations de salaire futures pour qu’elles correspondent à leurs attentes d’inflation.
«Nous voulons empêcher ce scénario de se matérialiser, sans quoi le coût économique à payer pour restaurer la stabilité des prix serait beaucoup plus élevé», a affirmé Mme Rogers.
Lors d’une conférence de presse avec des journalistes, après son discours, Mme Rogers a indiqué que la banque estimait toujours qu’un «atterrissage en douceur» était possible. Dans un tel scénario, les taux d’intérêt plus élevés font baisser l’inflation sans déclencher de grave ralentissement économique.
«Nous pensons qu’il y a de la place dans l’économie pour la calmer et rester en territoire de croissance positive», a affirmé Mme Rogers.
Mme Rogers a également répondu à une question sur le risque d’une spirale salaires-prix, dans laquelle des hausses de prix se traduiraient par des salaires plus élevés et vice versa, et a noté que la pression à la hausse sur les prix, dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre et d’augmentation du coût de la vie, était compréhensible.
Le gouverneur Tiff Macklem a essuyé des critiques négatives de dirigeants syndicaux après avoir suggéré, lors d’un événement organisé par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, que les entreprises n’intègrent pas la forte inflation dans les contrats salariaux.
«Les travailleurs regardent l’inflation et ce qu’elle fait à leur pouvoir d’achat, à leurs budgets, et ils regardent les mêmes marchés du travail resserrés et ils pensent, vous savez, j’ai besoin d’une augmentation. C’est aussi complètement compréhensible», a observé Mme Rogers.
«Ce n’est pas notre travail de fournir des conseils sur la fixation des salaires ou des prix.»
Selon elle, l’intention de la banque est plutôt de souligner le risque que des Canadiens qui observent l’inflation d’aujourd’hui l’intègrent dans leurs processus de décisions à long terme, ce qui pourrait faire en sorte que l’inflation reste plus élevée pendant une plus grande période.
«Ramener la demande au même niveau que l’offre»
Dans son discours, Mme Rogers a rappelé que les défis des chaînes d’approvisionnement mondiales et les prix élevés des produits de base, ainsi qu’une économie canadienne en surchauffe, continuaient d’exercer une pression à la hausse sur les prix.
«Puisque l’économie est en situation de demande excédentaire, il nous faut une période de croissance plus faible pour rééquilibrer le tout et ramener la demande au même niveau que l’offre», a-t-elle expliqué.
La première sous-gouverneure a précisé que la banque surveillerait la réaction de l’économie à la hausse des taux d’intérêt ainsi qu’aux développements économiques mondiaux, et qu’elle évaluerait dans quelle mesure les taux d’intérêt doivent encore augmenter.
Selon Mme Rogers, une inflation et des taux d’intérêt plus élevés devraient réduire les dépenses de consommation, mais les économies supplémentaires accumulées pendant la pandémie pourraient gonfler les budgets des ménages.
«Nous savons que les Canadiens ont accumulé un surplus d’épargne durant la pandémie. Il y a donc un risque que les dépenses de consommation affichent plus de dynamisme que prévu, rendant l’inflation plus persistante», a-t-elle expliqué.
Les décisions prises par la banque dans les derniers mois devraient prendre jusqu’à deux ans avant d’avoir leur plein effet sur l’inflation, a calculé Mme Rogers.
«Ramener l’inflation à 2% prendra un certain temps. Nous savons aussi qu’il pourrait y avoir des obstacles en cours de route», a-t-elle affirmé.
Dans son discours, Mme Rogers a également reconnu l’effet de la forte inflation sur les personnes et les entreprises. Pour les Canadiens, le coût des nécessités quotidiennes augmente, tandis que pour les entreprises, l’incertitude causée par une inflation plus élevée peut affecter les décisions d’investissement, a-t-elle précisé.
«Il est impossible d’échapper au stress et à la frustration que cause l’inflation, surtout pour les ménages à faible revenu ou à revenu fixe.»
Mme Rogers a conclu son discours en réitérant l’engagement de la banque à réduire l’inflation.
«Nous sommes déterminés à y arriver», a-t-elle déclaré.