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Une loi sur le travail forcé est une priorité pour Ottawa

La Presse Canadienne|Publié le 20 avril 2022

Une loi sur le travail forcé est une priorité pour Ottawa

Dans une entrevue, le ministre du Travail a déclaré qu’il préparait un projet de loi «complet» qui obligerait les entreprises et les ministères canadiens à examiner les chaînes d’approvisionnement dans le but de protéger les travailleurs. (Photo: 123RF)

Ottawa — Le ministre du Travail, Seamus O’Regan, affirme que le gouvernement libéral envisage de légiférer pour obliger les entreprises canadiennes à s’assurer qu’elles n’utilisent pas de travail forcé et n’exploitent pas d’enfants à l’étranger.

Dans une entrevue, M. O’Regan a déclaré qu’il préparait un projet de loi «complet» qui obligerait les entreprises et les ministères canadiens à examiner les chaînes d’approvisionnement dans le but de protéger les travailleurs.

Il y a un large soutien au Parlement, y compris parmi les députés libéraux et néo-démocrates, pour une telle loi, a-t-il dit.

Le projet de loi obligerait les entreprises canadiennes à faire preuve de diligence raisonnable pour s’assurer qu’aucun de leurs produits ou composants n’est fabriqué dans des ateliers clandestins qui emploient des enfants ou obligent des gens à travailler des heures excessives pour un salaire dérisoire.

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M. O’Regan a déclaré que l’enjeu était une question «urgente» et qu’il cherchait comment formuler la législation le plus efficacement possible.

«Nous examinons deux choses: il devrait y avoir des exigences de transparence pour que les entreprises rendent compte des chaînes d’approvisionnement. L’autre est d’exiger plus de diligence raisonnable, exiger qu’ils vérifient.»

Le ministre examine de près les textes de quatre projets de loi d’initiative parlementaire actuellement devant le Parlement avec des objectifs similaires. Ils incluent un projet de loi initialement présenté par le député libéral John McKay, qui est maintenant présenté par son collègue Marcus Powlowski.

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Le NPD a présenté deux projets de loi similaires, et un projet de loi d’initiative parlementaire de la sénatrice Julie Miville-Dechene contre le travail forcé progresse actuellement au Parlement.

M. O’Regan a affirmé qu’il n’avait pas décidé de présenter un projet de loi gouvernemental autonome ou d’adapter l’un des efforts existants.

«Nous avons quatre projets de loi d’initiative parlementaire. C’est l’embarras du choix, a-t-il déclaré. Nous devons donc les examiner de près.»

M. McKay a indiqué qu’il serait ouvert à ce que le gouvernement adopte ou modifie le texte de son projet de loi.

M. O’Regan a dit que tous les partis étaient favorables à une loi visant à nettoyer les chaînes d’approvisionnement.

«Les membres de la Chambre sont saisis de la question et j’en suis très heureux», a-t-il ajouté. «C’est quelque chose qui intéresse vraiment notre caucus.»

La loi envisagée, qui fait suite à une consultation gouvernementale, garantirait que les entreprises canadiennes opérant à l’étranger regardent comment leurs biens sont produits et ne contribuent pas aux violations des droits de la personne.

Le premier ministre Justin Trudeau a demandé à M. O’Regan de prendre la tête du dossier après l’avoir nommé ministre du Travail après les dernières élections.

Un rapport du sous-comité des droits internationaux de la personne de la Chambre des communes a appelé le gouvernement à inciter les entreprises à surveiller attentivement leurs chaînes d’approvisionnement pour l’utilisation du travail des enfants et du travail forcé.

Le rapport indique qu’en 2016, 4,3 millions d’enfants ont été impliqués dans du travail forcé, un chiffre que l’Organisation internationale du travail a qualifié de sous-estimation.

Le rapport du comité a noté que le travail des enfants se produit le plus souvent aux niveaux les plus bas de la chaîne d’approvisionnement, hors de la vue des acheteurs, des inspecteurs et des consommateurs. En Asie du Sud et du Sud-Est, des enfants fabriquent des vêtements, pêchent et transforment des fruits de mer.

Le rapport a constaté que le travail des enfants interfère avec leur éducation et peut impliquer du travail dans des conditions dangereuses, notamment avec des substances toxiques ou à des températures extrêmes.

Cela peut également inclure le confinement sur les chantiers et le travail sous contrat, en vertu duquel des familles entières sont obligées de travailler pour rembourser leurs dettes.

Rocio Domingo Ramos, responsable de la politique et de la recherche sur les entreprises et les droits de l’homme chez Anti-Slavery International, a déclaré que le Canada accusait un retard par rapport à des pays comme la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne et la Norvège, qui ont déjà adopté des lois obligeant les entreprises à s’assurer que leurs produits ne sont pas fabriqués à l’aide de travail forcé.

Le groupe a vu l’émergence de lois qui non seulement empêcheraient l’exploitation, mais «essentiellement, permettraient aux victimes de ces abus d’accéder à la justice», a-t-elle déclaré.

En 2020, le gouvernement canadien a interdit l’importation de biens produits par le travail forcé en vertu du tarif douanier.

La nouvelle loi devrait obliger les entreprises canadiennes et les ministères fédéraux à rendre compte chaque année des mesures prises pour prévenir et réduire le risque que le travail forcé ou le travail des enfants soit utilisé par elles ou dans leurs chaînes d’approvisionnement.

Elle comprendrait aussi probablement un régime d’inspection et donnerait au ministre le pouvoir d’exiger des preuves.

En février, un groupe de parlementaires et d’anciens parlementaires ont écrit à la ministre des Finances Chrystia Freeland pour demander le dépôt d’une loi sur l’esclavage moderne qui pourrait réglementer les investissements des fonds de pension.

Cela fait suite à un rapport de Hong Kong Watch alléguant qu’un certain nombre de fonds de pension ont des investissements dans des entreprises impliquées dans la région chinoise du Xinjiang, où le peuple ouïghour a été détenu dans des camps.

Le député néo-démocrate Peter Julian, qui a présenté l’un des projets de loi d’initiative parlementaire, a déclaré qu’une loi gouvernementale est «plus qu’attendue».

«La réalité est que si les Canadiens savaient ce que certaines sociétés canadiennes font à l’étranger, ils seraient absolument consternés par leur violation systématique des droits de la personne.»