Le Centre de recherche industriel du Québec a développé une technologie de biofiltration des émissions atmosphériques à partir de résidus de béton. (Photo: courtoisie)
Le Québec s’est donné pour objectif de réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 37,5 % sous leur niveau de 1990 d’ici 2030. Pour atteindre cette cible, il ne faut pas négliger le rôle du secteur industriel, qui compte pour près de 24 % des émissions totales ; une proportion de 10 % plus élevée que dans le reste du Canada, selon une étude réalisée par la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal et ses partenaires en avril 2021.
Bien que réduites d’environ 20 % depuis 1990, les émissions du secteur industriel continuent de peser lourd dans la balance. « Si on inclut les industries de l’agriculture et des déchets, les émissions provenant de ce secteur sont équivalentes à celles du transport au Québec », explique Pierre-Olivier Pineau, professeur et titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal.
« La difficulté, avec le secteur industriel, c’est que les solutions sont extrêmement diversifiées selon les domaines. De plus, la majorité des GES qui sont émis ne provient pas de l’énergie utilisée ; c’est plutôt le procédé de fabrication qui émet du dioxyde de carbone (CO2) », précise le chercheur qui a cosigné le rapport de recherche collaborative « Stratégies de circularité pour la réduction des émissions de GES par les émetteurs industriels québécois », dont le dernier volet a été publié au printemps.
Certes, des efforts peuvent être faits pour améliorer l’efficacité énergétique ou remplacer les énergies fossiles, mais pour atteindre les objectifs de réduction, les entreprises devront se tourner vers des technologies innovantes, dites de « rupture », comme l’utilisation d’anodes inertes dans le domaine de l’aluminerie, cite en exemple Pierre-Olivier Pineau. D’ailleurs, Élysis, entreprise technologique née de l’union de Rio Tinto et d’Alcoa, teste actuellement cette technologie qui permet de réduire les émissions dans ses laboratoires.
Miser sur l’économie circulaire
Le rapport cité plus haut pointe aussi du côté de l’économie circulaire appliquée aux industries. Certaines entreprises tentent par exemple de séquestrer leurs émissions de GES et de les réutiliser. C’est le cas de CarbiCrete, qui a mis au point du béton fabriqué à l’aide de CO2 et qui s’est associée à Patio Drummond pour tester sa recette.
De plus en plus d’entreprises s’intéressent à cette notion, constate Nicolas Turgeon, directeur de la performance environnementale industrielle à Investissement Québec — Centre de recherche industriel du Québec (CRIQ). « On n’a jamais autant parlé de faire mieux avec moins dans l’industrie manufacturière », constate celui qui travaille en innovation durable depuis 25 ans.
Chaque année, le CRIQ accompagne quelque 130 entreprises québécoises, surtout des PME, dans leur bilan de performance environnementale industrielle. L’équipe aide les entreprises à réduire les contaminants et les nuisances, comme les odeurs, les poussières et les bruits, précise le directeur. « Nous avons des équipements à la fine pointe, comme des laboratoires d’extraction d’ingrédients actifs, indique Nicolas Turgeon. C’est un outil incroyable pour ne plus voir les rejets comme des déchets, mais comme des produits à valeur ajoutée. » Le CRIQ permet aux entreprises de trouver des solutions de valorisation. « Les déchets de l’un peuvent devenir ainsi la matière première de l’autre. »
Le CRIQ a lui-même mis en application ce principe, ses laboratoires ayant développé une technologie de biofiltration des émissions atmosphériques à partir de résidus de béton. Le Centre a aussi aidé plusieurs entreprises dans leurs efforts pour donner une deuxième vie à leurs déchets, par exemple en réutilisant leurs découpes de caoutchouc, un matériau issu du pétrole. Des initiatives entre autres soutenues par le fonds Compétivert, lancé par Investissement Québec au printemps dernier.
Le «Tinder» de l’économie verte
La clé de la transition écologique consiste aussi à proposer les meilleures solutions aux industries, mais le maillage n’est pas toujours simple. C’est pourquoi l’équipe d’Écotech Québec, la grappe provinciale des technologies propres, a profité de la pause pandémique pour mettre sur pied les Grands Rendez-vous, qui visent à créer des ponts entre l’industrie et les entreprises ayant développé des solutions innovantes, explique Denis Leclerc, président et chef de la direction. « On nous surnommait le Tinder de l’économie verte », lance Denis Leclerc, son président et chef de la direction.
Écotech a ainsi relevé 24 défis environnementaux auxquels font face les entreprises, comme le recyclage de la fibre optique ou le remplacement des combustibles fossiles. Pendant un événement virtuel, qui a réuni plus de 325 personnes en novembre 2020, les participants devaient proposer leurs idées pour surmonter ces défis. « Cette activité a permis de générer plus de 125 présentations de solutions innovantes, en plus de faire connaître les enjeux et les technologies existantes, rapporte Denis Leclerc. Certains participants nous ont dit qu’on leur avait sauvé un an de travail. » Depuis, d’autres événements du genre ciblant différents secteurs, comme l’agriculture, sont à l’horaire de l’organisme.
Ces exemples signifient que des solutions s’offrent au secteur industriel pour améliorer son bilan environnemental. Toutefois, rappelle le rapport de recherche cosigné par Pierre-Olivier Pineau, « pour continuer à réduire les émissions industrielles sans nuire à l’économie, il est impératif de bien saisir les options qui s’offrent à l’industrie. »