Les syndiqués rejettent de plus en plus les ententes de principe, selon des experts

Publié le 07/05/2024 à 15:10

Les syndiqués rejettent de plus en plus les ententes de principe, selon des experts

Publié le 07/05/2024 à 15:10

Par La Presse Canadienne

Des travailleurs et des membres d'Unifor débrayent devant l'usine Nestlé de Toronto après avoir débrayé le dimanche 5 mai 2024. (Photo: La Presse Canadienne)

Les travailleurs syndiqués se sentent de plus en plus encouragés à rejeter les ententes de principe alors qu'ils luttent pour rejoindre les rangs de ceux qui bénéficient de la récente vague de hausses salariales, de l'avis d'experts.

«Il est assez clair pour moi qu'il y a une augmentation du nombre de travailleurs qui rejettent les accords recommandés par leurs comités de négociation», soutient Barry Eidlin, professeur agrégé de sociologie à l'Université McGill.

C’est le signe que leurs attentes ont considérablement augmenté au cours des dernières années, évoque-t-il, et le symptôme d’une attitude plus militante de la part des travailleurs syndiqués.

Au cours du week-end, les travailleurs d'une usine de chocolat Nestlé à Toronto ont déclenché une grève après avoir refusé une entente de principe avec le chocolatier.

Le président de la section locale d'Unifor qui les représente, Eamonn Clarke, a remarqué qu'il est plus difficile de nos jours de faire adopter un accord de principe par les travailleurs.

«Nous avons ramené de bons contrats aux membres, et ils les ont refusés ou à peine adoptés», dit-il. 

Le coût de la vie a considérablement augmenté, tout comme les attentes des travailleurs, mentionne M. Clarke.

Au cours d'une négociation contractuelle typique, une équipe de négociation syndicale rencontre des représentants de l'entreprise pour parvenir à une entente. Une fois que les deux parties ont accepté les conditions, le syndicat ramène cet accord de principe à ses membres, qui doivent voter pour l'accepter avant qu'il ne soit finalisé.

 

Plusieurs facteurs

Les refus étaient peu nombreux au cours des années précédentes, indique Larry Savage, professeur au département d'études sociales de l'Université Brock, en Ontario. 

«Ils semblent tout simplement beaucoup plus courants de nos jours, alors que les travailleurs se battent pour progresser dans le contexte de la crise du coût de la vie», affirme-t-il, tout en soulignant que le gouvernement ne dispose pas de données sur les votes sur les ententes de principe. 

L’inflation est bien sûr un facteur majeur de cette volonté accrue de riposte, alors que les Canadiens sont aux prises avec une inflation à deux chiffres par rapport à il y a quelques années. 

Mais il y a aussi le resserrement du marché du travail qui donne plus de poids aux travailleurs, la pandémie qui met en lumière des «inégalités dramatiques» et une tendance de plusieurs décennies de la domination des employeurs, ce qui a conduit à une érosion des salaires et de bons emplois, analyse M. Eidlin.

«Ces choses ont toutes contribué à une augmentation du militantisme syndical, admet M. Savage. Et je pense que vous voyez ce militantisme se manifester à travers des grèves, mais aussi à travers des accords de principe rejetés.»

Il y a aussi ce que M. Eidlin appelle «l’effet de démonstration». Voir d’autres refus et grèves très médiatisés porter leurs fruits — comme chez Metro en Ontario, les travailleurs portuaires en Colombie-Britannique et ceux du secteur public au Québec l’année dernière — montre aux travailleurs que dire «non» à un accord jugé insatisfaisant est une option réaliste, fait-il valoir. 

«Je pense que ces éléments réunis ont créé la situation actuelle et ont accru les attentes des travailleurs, mais les ont également rendus plus disposés à se battre pour répondre à ces attentes accrues», expose M. Eidlin.

 

Employeurs et syndicats surpris

Dans le passé, si les travailleurs rejetaient un accord, c'était généralement parce qu'ils s'opposaient à un mauvais accord, mentionne M. Eidlin. Cependant, de nos jours, les travailleurs rejettent des ententes nettement meilleures que les précédentes, les jugeant insuffisantes.

Les employeurs ne semblent pas vraiment comprendre à quel point les attentes des travailleurs sont élevées, affirme M. Clarke. Ils proposent de meilleures offres qu’auparavant et sont surpris lorsque ces offres sont toujours rejetées.

«Certaines entreprises sous-payaient considérablement leurs employés, vous savez, et il est temps de rattraper leur retard maintenant», relate le président syndical.

Mais il ne s’agit pas seulement de salaires, précise M. Clarke. Les travailleurs de Nestlé se battent pour une meilleure sécurité d’emploi et des avantages sociaux plus équitables, souligne-t-il.

Un autre exemple récent est celui des travailleurs d'Airbus Canada à Mirabel, dans les Laurentides, qui ont rejeté trois offres avant de finalement accepter une entente.

Les travailleurs qui rejettent ce qui semble être un bon accord peuvent surprendre non seulement l'employeur, mais aussi le syndicat, indique M. Savage. 

Selon lui, un vote écrasant pour rejeter un accord peut encourager un syndicat à se battre pour obtenir davantage, tandis qu'un rejet plus restreint peut affaiblir sa position de négociation. 

«Je pense que les syndicats tentent stratégiquement de gérer les échecs de ratification en les transformant en opportunités pour rassembler les membres, les mobiliser et accroître la pression sur l'employeur par le biais d'une grève», estime M. Savage.

Bien qu’il n’existe aucune donnée gouvernementale sur les votes sur les accords de principe, les données disponibles indiquent un niveau accru de militantisme syndical en 2023, avance M. Eidlin.

En 2023, le nombre de jours-personnes non travaillés — déterminé en fonction du nombre de travailleurs en grève ainsi que de la durée des grèves — s’élevait à plus de 6,5 millions. Cela représente une augmentation par rapport à moins de deux millions par an, et dans certains cas à moins d’un million, au cours des neuf années précédant 2023.

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