Québec alloue 200M$ sur cinq ans pour soutenir les petites RPA
La Presse Canadienne|Publié le 30 janvier 2024Sonia Bélanger, la ministre responsable des Aînés (Photo: La Presse Canadienne/Jacques Boissinot)
Québec ajoute une mesure de soutien de l’offre de soins aux aînés dans les RPA. La ministre responsable des Aînés, Sonia Bélanger, a annoncé mardi qu’une somme de 200 millions de dollars (M$) sur cinq ans serait octroyée aux petites résidences pour aînés de 30 logements et moins pour déployer ce que l’on appelle une allocation personnalisée à celles qui offrent des services aux résidants qui ne sont pas complètement autonomes.
Cette mesure viendra soutenir directement les aînés eux-mêmes, puisque les soins offerts en RPA leur sont facturés selon leurs besoins, en sus du loyer et des repas. «Un des grands avantages sera que les résidants n’auront plus à payer pour une partie des services, ce qui réduira leur fardeau financier», a fait valoir la ministre en conférence de presse à Québec.
L’ajout de soins, a-t-elle fait valoir, représente une hausse des dépenses qui peut s’avérer insoutenable pour de nombreux aînés «qui se retrouveraient, si on ne le fait pas, dans des CHSLD publics».
Baisse de contribution des aînés
L’objectif ultime est de permettre aux aînés de demeurer dans leur milieu de vie. «Des gens entrent en RPA, ils sont capables de payer le gîte, le couvert, mais lorsqu’arrive un épisode de maladie ou de perte d’autonomie, ils veulent demeurer là, mais malheureusement, ce n’est pas tout le monde qui a les moyens de se payer des soins.»
Le déploiement progressif du programme, qui sera confié aux CISSS et CIUSSS, se traduira donc par une baisse de la contribution financière des résidants, le gouvernement se trouvant à payer pour une partie des services qui répondent à leurs besoins.
Des tarifs normés
Cette nouvelle mesure, mise en place en collaboration avec le Regroupement québécois des résidences pour aînés (RQRA) et le Réseau québécois des organismes sans but lucratif d’habitation (RQOH), permettra aux RPA qui offrent des services, comme donner un bain ou administrer de la médication, de recevoir une allocation mensuelle fixe, en fonction des besoins des résidants.
L’allocation, qui sera calculée selon un taux horaire, sera disponible à terme pour plus de 650 RPA, dont plusieurs ont vu leur situation financière fragilisée dans le contexte économique actuel. Cette mise en œuvre fait suite à un projet-pilote qui a permis de définir les normes du programme.
«Dorénavant, les services tels que le soutien à l’hygiène, l’aide à l’habillement, l’administration des médicaments feront l’objet d’un même traitement, que l’aîné qui les reçoit habite à Granby ou à Rouyn. Les différents actes ainsi que le taux horaire payé pour accomplir ces actes seront dorénavant uniformisés et nationalisés sur l’ensemble du territoire du Québec», s’est réjoui le président et directeur général du RQRA, Marc Fortin, qui se trouvait aux côtés de la ministre.
Des fleurs du milieu
Il s’est également réjoui du fait que cette mesure prévoit également la possibilité, pour les professionnels des RPA, de faire elles-mêmes les évaluations de besoins de service, «évitant ainsi les délais et la complexité des exécutions régionales». Il a rappelé qu’au cours de la dernière décennie, «une série d’obligations réglementaires, une explosion des coûts et une inflation galopante, une pénurie de main-d’œuvre, le tout jumelé à la pandémie et à une hausse importante des taux d’intérêt ont forcé la fermeture de plus de 1000 RPA».
De son côté, André Castonguay, directeur du Réseau québécois des OSBL d’habitation, a aussi applaudi la décision de Québec, qu’il a qualifiée de «bon premier pas qui, nous ne pouvons que l’espérer, sera étendu à l’ensemble des RPA communautaires qui donnent des services et à tous leurs résidents».
«Cette mesure est d’autant plus bienvenue pour les personnes aînés à faible et modeste revenu qui n’ont pas les moyens de payer pour des services additionnels devenus nécessaires à leur conditions. Ces dernières constituent la grande majorité des résidants des RPA à but non lucratif», a-t-il fait valoir alors qu’il participait également à l’annonce.
Réagissant par voie de communiqué, le Réseau FADOQ n’avait que de bons mots face à cette annonce, soulignant qu’il réclamait de telles mesures depuis longtemps et que celles-ci seront bénéfiques tant pour les aînés que pour les RPA.
Sa présidente, Gisèle Tassé-Goodman, a dit croire que ces mesures «aideront à stopper l’hémorragie des fermetures de RPA, particulièrement en dehors des grands centres et en région éloignée».
La ministre Bélanger a d’ailleurs dit elle-même espérer que cette mesure aiderait à «éviter les fermetures, qui sont très déstabilisantes pour les personnes aînées». Elle soutient que cette mesure «évitera le déménagement de nombreuses personnes aînées, de les déraciner de leur milieu de vie et bien souvent de leur communauté et réduira leur fardeau financier».
Réactions négatives
Un tout autre son de cloche est venu de Québec solidaire, dont la porte-parole en la matière, Christine Labrie, s’est dite d’avis que «ce programme devrait être réservé aux résidences à but non lucratif, et la ministre devrait mettre sur pied un programme de conversion des RPA privées en OBNL. […] Ce que je vois aujourd’hui, c’est un vœu pieux de la part de la ministre, qui continue d’investir dans le mauvais modèle d’affaires.»
Le temps n’était pas aux réjouissances du côté du Syndicat québécois des employées et employés de service (SQEES-FTQ) non plus, celui-ci disant accueillir «avec scepticisme» ce nouveau programme. Le syndicat déplore qu’aucun élément de l’annonce ne s’attaque au problème de pénurie de main-d’œuvre.
Le syndicat s’interroge également sur la nouvelle grille de tarifs pour les soins offerts aux personnes aînées, se demandant si «cette grille tarifaire maintiendra les bas salaires qu’on connaît en RPA». Le SQEES-FTQ, qui est le plus important syndicat dans les RPA, «déplore de ne pas avoir été consulté en amont de l’annonce faite aujourd’hui».
Pour le moment, la première phase vise les RPA de 30 logements et moins de catégories 3 et 4. Les RPA de catégorie 3 sont celles dont l’offre de service comporte au moins un service d’assistance personnelle ou de soins infirmiers. Celles de catégorie 4 ont une offre de services destinée à des personnes âgées en perte d’autonomie fonctionnelle, physique ou cognitive, de modérée à sévère.