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La formation en architecture, tout un débat

Emilie Laperrière|Édition de la mi‑octobre 2024

La formation en architecture, tout un débat

« ­La formation contribue à la pratique professionnelle et à la découverte de solutions », dit ­Izabel ­Amaral, directrice de l’École d’architecture à l’Université de ­Montréal. (Photo: courtoisie)

ARCHITECTURE. Les programmes d’architecture attirent plus d’étudiants qu’avant. La formation les prépare-t-elle bien au marché du travail ? S’ajuste-t-elle aux nouvelles réalités de la profession ? La réponse à ces questions varie selon l’interlocuteur, mais une chose est sûre : les architectes apprennent tout au long de leur carrière.

En entrant sur le marché du travail, l’architecte Maude Desjardins, qui travaille chez Archi-, se sentait un peu perdue. « Je me suis rendu compte de tout ce que je ne savais pas sur l’architecture », avoue-t-elle.

La formation, bien que pertinente, est axée sur la conception et le développement de l’esprit critique. « La gestion de projet, l’efficacité énergétique, le développement durable ou l’estimation ne sont presque pas abordés dans les cours. Il y a un décalage entre la formation scolaire et le milieu du travail. »

Cédric Boulet, architecte associé de la firme Archi-, est professeur invité à l’Université de Montréal. Il comprend pourquoi les cours sont ainsi montés. « On essaie surtout de pousser la réflexion sur l’architecture, d’enseigner à penser nos espaces. »

Il raconte qu’il a demandé, il y a quelques sessions, à ses étudiants s’ils avaient des questions sur la profession. « Toutes les mains se sont levées. Les questions étaient tellement de base (qu’est-ce qu’on fait quand on est architecte ?) que je trouvais ça inquiétant. »

Il reconnaît que c’est un choc d’arriver dans une firme pour la première fois. « Être candidat à la profession pendant quelques années, ça permet d’apprendre tout ce qu’on n’a pas appris à l’université », croit-il.

Son collègue Charles-Antoine Perreault, lui aussi architecte associé, trouve dommage que la formation se concentre sur la conception. « On mise tout sur un aspect qui représente 10 % de notre travail. Ceux qui ne sont pas des concepteurs naturels passent cinq ans très difficiles à l’école », déplore-t-il.

Un architecte rigoureux, qui a un bon sens de l’organisation et qui traite bien l’information, peut devenir indispensable dans un bureau même s’il n’excelle pas en conception, assure-t-il.

Former l’esprit

Le président de l’Ordre des architectes du Québec, Pierre Corriveau, remarque que les écoles d’architecture forment les étudiants à penser et non à pratiquer. « Cette vision fait en sorte qu’elles ont moins besoin de s’adapter aux nouveaux enjeux », lance-t-il. À son avis, la formation s’ajuste, mais « pas dans l’urgence ».

Izabel Amaral, directrice de l’École d’architecture à l’Université de Montréal, est convaincue de la pertinence du programme. « La formation contribue à la pratique professionnelle et à la découverte de solutions, dit-elle. On a un contact avec le milieu du travail, que ce soit avec les professeurs ou les chercheurs. »

Le contenu des cours se bonifie d’une année à l’autre, souligne-t-elle. Le développement durable prend désormais plus de place dans les ateliers de projet ou dans les cours de construction.

Celle qui dirige l’École d’architecture croit que le programme combine théorie et pratique. « Les étudiants ont toujours des cours théoriques et un atelier de projet chaque session. C’est là qu’on applique des connaissances et qu’on les explore. Après, il reste encore le stage. »

Stage obligatoire ?

Pierre Corriveau souhaiterait d’ailleurs qu’on oblige les étudiants à faire un stage en pratique professionnelle pendant leur cursus scolaire. « Ça m’apparaît une évidence. La très grande majorité des gens du milieu, hormis les professeurs, s’entend pour dire que ce serait intéressant d’être mieux formé à la réalité de la pratique avant de sortir de l’université. »

Il comprend toutefois la réticence des écoles d’architecture. « Ça amène une lourdeur et ça allonge le temps d’études, concède-t-il. Maintenant, si c’est bénéfique, on devrait tous y travailler. »

Qu’en pense Izabel Amaral ? « Je ne suis ni pour ni contre, dit-elle. Il y a toutefois des défis liés à cette idée. Dans les années où il y a une pénurie d’emplois, que fera-t-on des gens en formation s’ils ne peuvent pas intégrer de stage ? C’est toute une structure à implanter. Il faut voir notre capacité à la réaliser. »

Vingt fois sur le métier…

L’architecte associé de la firme ultralocal Alexis Ruelland est chargé de cours à l’École d’architecture de l’Université Laval. Il estime pour sa part que le programme évolue toujours, même si ce n’est pas toujours au rythme souhaité. « Il a été revu dans les dernières années précisément pour ajouter des éléments sur l’écologie dans la plupart des cours », illustre-t-il.

Les ateliers de conception, donnés en petits groupes par un architecte, permettent en outre aux étudiants d’être exposés à une vision personnelle de l’architecture.

« Idéalement, on enseignerait tout à l’école, mais il y a tellement à apprendre, ajoute Alexis Ruelland. On ne peut pas tout connaître sur les matériaux, par exemple. Il y en a des centaines de milliers. »