Dans une perspective de développement durable, la firme ultralocal architectes privilégie les projets de rénovation, de restauration et de réaménagement de bâtiments. (Photo: Paul Dussault)
ARCHITECTURE. Les jeunes architectes du Québec, comme bien d’autres avant eux, ont envie de changer le monde, de faire avancer les choses, de laisser leur marque sur des projets durables. Quelques-uns confient à Les Affaires comment ils s’y prennent.
Alexis Ruelland et Véronique Barras-Fugère ont fondé à moins de 30 ans la firme ultralocal architectes. La mission avouée du petit bureau basé dans le quartier Saint-Sauveur, à Québec, est de proposer « des solutions architecturales durables, de qualité et imprégnées de leur contexte ». Rien de moins.
Comment cette volonté se traduit-elle concrètement ? « Sans avoir de démarche systématique, on essaie toujours de voir quels matériaux locaux on pourrait utiliser, explique l’associé Alexis Ruelland. Peut-on opter pour de la pierre qui se trouve dans un rayon de 100 km plutôt que de la céramique provenant d’Espagne ou d’Italie ? »
Pour la Distillerie du St. Laurent, par exemple, ultralocal a conçu, en collaboration avec l’Atelier Pierre Thibault, des murs de gabion. Les pierres des champs utilisées ont été dénichées dans une carrière désaffectée des environs. « Pour nous, ce genre d’élément est non seulement logique, mais aussi inspirant. »
L’architecte estime que l’architecture durable attire la relève. « Je pense que les jeunes ont une sensibilité à la crise écologique. Ils se questionnent sur ce qui va arriver à notre planète et à ceux qui y vivent. Pour moi, c’est donc important de se reposer sur une architecture qui fait du bien, qui prend soin des humains et de tout ce qui est vivant. »
Cette préoccupation fait un peu partie de la signature de la firme. « On fait attention à nous, aux employés, aux clients, aux usagers. On diffuse une bienveillance dans la gestion de projets et dans les suivis de chantier. On favorise les échanges, on communique, on explique pourquoi on fait les choses. Et on fait des choix écologiques. »
La rénovation d’abord
Dans une perspective de développement durable, la firme privilégie les projets de rénovation, et non la construction neuve. La rénovation, la restauration et le réaménagement de bâtiments existants occupent une grande partie de leurs journées.
« Ça représente aujourd’hui presque 100 % de notre pratique, assure Alexis Ruelland. D’abord, ça coûte moins cher, alors ça nous permet de faire plus avec ce qu’on a. Ça a aussi une valeur d’un point de vue écologique. On ne gaspille pas de ressources. Ça demande évidemment du temps, plus de recherche en amont, mais c’est stimulant. »
La firme ultralocal a récemment transformé le complexe funéraire La Seigneurie, à Beauport. « C’était dans un bâtiment anonyme, qui avait une apparence datée. L’entreprise avait besoin de plus d’espace. On a agrandi les lieux et donné une nouvelle image à l’édifice. »
Même si la majeure partie du salon funéraire a été conservée, l’expérience est tout autre. « On a créé un dialogue avec l’existant, ce qu’on n’aurait pas pu faire avec du neuf », remarque Alexis Ruelland.
La petite firme planche actuellement sur des projets au Nunavik. « Il y a vraiment une culture de la rénovation là-bas, notamment en raison de l’approvisionnement difficile en matériaux. On se préoccupe de l’efficacité énergétique, mais aussi beaucoup de la gestion des déchets pendant la construction et à la fin de la vie du bâtiment. »
Donner une nouvelle vie
La candidate à la profession d’architecte Olivera Neskovic concentre de son côté sa pratique sur la restauration du patrimoine au sein d’EVOQ Architecture. Cette spécialité attire les jeunes, selon elle.
« On travaille avec des matériaux nobles. On les réutilise, on leur redonne une autre vie. Un bâtiment déjà construit amène des contraintes de matérialité, de programmation et d’espace. Je trouve que c’est intéressant d’intervenir dans ce contexte. »
Elle ajoute que le sentiment de satisfaction de voir un bâtiment détérioré briller — parfois littéralement ! — après son passage est immense. « On fait le meilleur travail possible pour assurer la pérennité d’un lieu », explique-t-elle.
Une nécessité
Son collègue Louis Babin-St-Jean, architecte associé à EVOQ, se spécialise pour sa part dans les projets au nord du 49e parallèle. Il estime que construire des projets durables n’est plus seulement un désir de la relève, c’est désormais une nécessité.
« Avec la fonte du pergélisol qui s’accélère, on voit des bâtiments qui commencent un peu à tomber. Les effets du réchauffement climatique se font sentir. Je pense que tous les jeunes architectes sont conscients de l’urgence d’agir pour adapter notre pratique. »
Olivera Neskovic renchérit. « En patrimoine, on comprend vraiment que l’approvisionnement des matériaux n’est plus infini, dit-elle. On le voit concrètement : des carrières sont fermées, des matières ne sont plus disponibles facilement au Canada. Ça nous pousse à trouver des matériaux locaux similaires. C’est une nouvelle réalité de notre métier. »