Les entreprises exportatrices doivent se préparer aux politiques protection- nistes qui se poursuivront peu importe l’issue des élections américaines.(Photo: 123RF)
MANUFACTURIER. La course à la Maison-Blanche est plus serrée depuis que Kamala Harris affronte Donald Trump. Chose certaine, les États-Unis poursuivront leurs politiques protectionnistes, peu importe qui dirigera le pays en janvier. En revanche, les entreprises peuvent s’y préparer de différentes manières, en fonction de leur budget et de leur tolérance au risque.
Si la vice-présidente actuelle gagne la présidentielle, son administration ne devrait pas imposer de nouveaux tarifs douaniers sur les importations américaines, du moins sur celles en provenance du Canada, si l’on se fie à son plan économique.
En revanche, les analystes estiment que Kamala Harris maintiendra en place ou accentuera les politiques du président sortant Joe Biden, comme l’Inflation Reduction Act ou le Build America, Buy America Act.
Ces deux législations renforcent les exigences de contenu local dans plusieurs secteurs (production d’énergie verte, fabrication de batteries pour véhicules électriques, construction d’infrastructures, etc.), limitant ainsi le potentiel d’exportation de nos entreprises aux États-Unis.
Si Donald Trump est élu, il souhaite imposer de nouveaux tarifs de 10 % sur tous les produits importés aux États-Unis, incluant ceux en provenance du Canada. Cette taxe rendra nos expéditions plus coûteuses, ce qui incitera des acheteurs américains à s’approvisionner localement.
Par conséquent, des exportateurs québécois risquent de pâtir d’une baisse de leurs ventes aux États-Unis, voire de perdre carrément des clients, si leurs produits ne sont pas nichés ou essentiels au sud de la frontière.
De plus, peu importe qui sera en poste à la Maison-Blanche en janvier, il y aura un examen de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), en 2026. Cette mise à jour est prévue depuis l’entrée en vigueur du traité en juillet 2020, qui a remplacé l’Accord de libre-échange nord-
américain (ALÉNA). C’est l’administration Trump qui avait forcé sa renégociation au profit des États-Unis.
En 2026, l’administration en poste à Washington — dirigée par Kamala Harris ou Donald Trump — voudra probablement bonifier à nouveau l’entente à l’avantage des Américains.
C’est pourquoi nos entreprises exportatrices doivent se préparer, et il y a plusieurs stratégies sur la table, selon deux spécialistes en commerce international interviewés par Les Affaires.
Être attentif: préparer un plan, mais attendre avant d’agir
« Ne rien faire pour l’instant est une stratégie », insiste Tom Creary, président de WestbridgeOne Consulting, une firme québécoise qui aide les entreprises canadiennes et américaines à brasser des affaires de part et d’autre de la frontière.
À ses yeux, même si Donald Trump est élu et qu’il impose des tarifs de 10 % sur tous les produits importés aux États-Unis, cette mesure « n’est pas soutenable » à long terme, car elle fera bondir l’inflation et diminuera le pouvoir d’achat des Américains, dont ceux des électeurs républicains.
Cela dit, il suggère néanmoins aux exportateurs de se préparer à l’imposition de tarifs de 10 %, mais sans prendre nécessairement d’actions concrètes pour l’instant.
Être préventif: faire des gains d’efficacité pour réduire ses coûts
Faire des gains d’efficacité pour réduire ses coûts et, ultimement, son prix de vente aux États-Unis afin de limiter l’effet du protectionnisme américain est une bonne stratégie préventive, souligne Yan Cimon, professeur titulaire de stratégie à l’Université Laval.
« Ça réduit le risque que l’importateur américain laisse tomber son client canadien advenant l’imposition de nouveaux tarifs », dit-il.
Selon le professeur, avoir des fournisseurs nord-américains, par exemple au Mexique, peut aussi contribuer à réduire les coûts. Cette approche élimine les tarifs pour importer des composants au Canada, réduit les frais de transport et diminue les coûts de non-conformité.
Être stratégique: produire davantage aux États-Unis
Si une entreprise a déjà une usine aux États-Unis pour approvisionner en partie le marché américain (par exemple, 25 % de ses ventes dans le pays), elle peut y accroître sa production pour faire passer cette proportion à 50 %, parmi les scénarios sur la table.
Selon Tom Creary, cette stratégie permet de réduire l’exposition d’une plus grande partie des ventes de cette entreprise aux États-Unis à de nouveaux tarifs ou au renforcement des exigences de contenu local dans les produits vendus sur le marché américain.
Être visionnaire: implanter une première usine aux États-Unis
Comme le protectionnisme est devenu une politique bipartisane aux États-Unis, une entreprise qui anticipe une croissance importante de ses ventes dans ce pays pourrait envisager d’y implanter une première usine pour desservir ce marché, estime Yan Cimon.
Bien entendu, il s’agit d’un investissement important en capital qui n’est pas nécessairement à la portée de toutes les entreprises exportatrices. C’est sans parler du choix de l’État où cette usine peut être construite ou achetée.
En revanche, cette entreprise élimine l’incidence des tarifs ou des exigences de contenu local sur cette production vendue aux États-Unis.