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Diversifier ses fournisseurs pour préserver la marge de profit

Karl Rettino-Parazelli|Édition de la mi‑septembre 2022

Diversifier ses fournisseurs pour préserver la marge de profit

L'entreprise Cuisi-n-art s’est tournée vers de nouveaux fournisseurs qui sont depuis devenus des partenaires de confiance. (Photo: courtoisie)

SECTEUR MANUFACTURIER ET INFLATION. Pour faire face à la hausse du coût des matières premières, une solution s’impose aux entreprises manufacturières dans presque tous les secteurs d’activité : diversifier leurs fournisseurs. C’est ainsi qu’elles seront en mesure de sécuriser leurs approvisionnements et d’obtenir des prix plus avantageux. 

C’est ce qu’a décidé de faire Moderco, une entreprise spécialisée dans la fabrication de cloisons mobiles établie à Boucherville, sur la rive sud de Montréal. Avant la pandémie, son président, Stephan Julien, ne voyait pas la nécessité de multiplier systématiquement ses fournisseurs, même pour les matières premières sur lesquelles il compte le plus, comme l’acier et l’aluminium. Sa vision a changé lorsque les prix se sont mis à bondir, particulièrement en 2021. 

« Au lieu d’avoir seulement deux fournisseurs, nous sommes allés en chercher un troisième ou un quatrième, selon l’importance de la matière première en question. Ça nous a permis de mettre les fournisseurs en compétition et de réduire la volatilité des prix », explique-t-il. 

Pour l’entreprise Cuisi-n-art, qui conçoit et fabrique des comptoirs et des armoires de cuisine et de salles de bain sur mesure à Gatineau, en Outaouais, cette diversification est devenue indispensable lorsque son unique fournisseur de portes en thermoplastique s’est retrouvé en difficulté. 

« Ça nous a forcés à nous tourner vers d’autres fournisseurs et à créer de nouvelles alliances, affirme Anya Baumberger, copropriétaire et présidente de l’entreprise. Je suis maintenant capable d’avoir deux ou trois fournisseurs par type de produits dont j’ai besoin, ce qui me permet d’avoir de meilleurs prix. » 

Les nouveaux fournisseurs qui se sont ajoutés au cours des dernières années sont depuis devenus des partenaires de confiance. « Ils nous ont aidés une fois. On ne les a pas laissés tomber par la suite », dit Anya Baumberger. 

La réduction des coûts est aussi passée par un régime minceur. Les dirigeants, qui avaient l’habitude de commander plusieurs modèles de pièces de base, comme des pentures ou des coulisses de tiroirs, ont modifié leur approche. 

Leur stratégie a rapidement porté ses fruits. « Au lieu d’avoir dix modèles de coulisses de tiroirs, on essaie d’en avoir trois et d’acheter en vrac avec des fournisseurs directs, sans intermédiaire. Ça nous permet d’économiser, affirme Anya Baumberger. Dix sous d’économie sur une coulisse de tiroir, ça ne paraît pas beaucoup, mais quand tu achètes un conteneur qui vaut 100 000 $, ça fait une grosse différence. »

 

S’approvisionner plutôt qu’acheter

Selon l’associée et leader de la pratique 4.0 chez Raymond Chabot Grant Thornton, Nancy Jalbert, les deux stratégies — la diversification des fournisseurs et la rationalisation des approvisionnements — peuvent se révéler payantes, à condition de bien les appliquer. 

Le plus important, à son avis, est de s’« approvisionner », plutôt que d’« acheter ». Plusieurs entreprises, en particulier des PME, « achètent » leurs intrants, c’est-à-dire qu’elles passent des commandes par habitude avec les mêmes fournisseurs, sans trop se poser de questions sur le prix payé, dit-elle. La plupart des entreprises auraient pourtant avantage à s’« approvisionner », en sélectionnant minutieusement leurs fournisseurs et en effectuant régulièrement des soumissions pour les mettre en compétition les uns avec les autres. 

« Si une entreprise est habituée à faire affaire avec les mêmes fournisseurs clés, avec lesquels elle a bâti une belle relation, pourquoi ne pas s’asseoir avec eux et négocier pour avoir des partenariats plus forts ? » ajoute Nancy Jalbert. 

« Plusieurs entreprises n’ont jamais négocié avec leurs fournisseurs, même si elles achètent en grande quantité. C’est peut-être le moment de le faire », renchérit Sylvain Tessier, président de ST Marketing, une firme du groupe EPSI qui conseille notamment des entreprises manufacturières dans leurs décisions d’affaires. 

Quand vient le temps de trouver de nouveaux fournisseurs ou de choisir lesquels conserver, la proximité peut aussi être un atout, constate par ailleurs la présidente-directrice générale de Manufacturiers et exportateurs du Québec, Véronique Proulx. 

« On voit certaines entreprises qui cherchent à réduire leur chaîne d’approvisionnement, à la rendre plus résiliente. Ça peut vouloir dire de se tourner davantage vers l’Amérique du Nord pour trouver certains fournisseurs », affirme-t-elle. 

Le prix du produit vendu par le fournisseur local est peut-être plus élevé que celui du fournisseur asiatique, mais il est important de calculer l’ensemble des coûts d’approvisionnement, en particulier les coûts de transport, fait remarquer Nancy Jalbert. « Si je calcule seulement le coût de l’intrant, il me manque un morceau. »