Mercredi le 13 avril, le métal blanc s’échangeait à 3 238 $ US la tonne, soit plus de deux fois sa valeur comparativement au creux de mars 2020 (sur une base hebdomadaire), alors que la pandémie de COVID-19 se répandait dans le monde. (Photo: 123RF)
Le symbole est fort: les trois producteurs d’aluminium au Québec — Alcoa, Rio Tinto et Aluminerie Alouette — et l’Association de l’aluminium du Canada ont affirmé ce mercredi midi à l’unisson qu’ils ont besoin de prix de l’électricité compétitifs afin de continuer à investir au Québec.
«Le prix de l’électricité est un différentiel compétitif super important, c’est ce qui fait en sorte qu’un investissement puisse être rentable ou non (…) On se bat contre des alumineries partout dans le monde, et il faut s’assurer qu’on puisse continuer à investir dans nos alumineries qui sont ici», a déclaré Louis Langlois, premier vice-président et trésorier chez Alcoa Canada, lors d’un panel sur la géopolitique de l’aluminium organisé par le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM).
Louis Langlois a fait cette déclaration à une question de l’animatrice qui demandait aux dirigeants des trois alumineries comment ils intégraient la hausse prévisible des prix de l’électricité au Québec dans leur planification stratégique à long terme.
Les alumineries ont des contrats dits «à risques partagés» avec le gouvernement du Québec, dont plusieurs seront renouvelés dans les prochaines années — en 2029, dans le cas d’Alcoa, qui a trois usines au Québec, soit à Baie-Comeau, à Bécancour et à Deschambault.
Depuis 2015, les alumineries ont payé un tarif moyen de 3,87 cents le kilowattheure, selon les données d’Hydro-Québec, dont rapportait La Presse en décembre.
Aluminerie Alouette (qui compte cinq partenaires, dont Rio Tinto et Investissement Québec) a une seule usine au Québec, à Sept-Îles, tandis que Rio Tinto exploite quatre usines dans la province, soit à Alma, à Arvida, à Grande Baie et à Laterrière.
Louis Langlois était accompagné sur scène de Sébastien Ross, directeur exécutif, opérations Atlantique, aluminium, chez Rio Tinto, de Claude Gosselin, président et chef de la direction d’Aluminerie Alouette, ainsi que de Jean Simard, président et chef de la direction de l’Association de l’aluminium du Canada, dont les membres sont essentiellement situés au Québec.
Sans surprise, les autres panélistes ont martelé essentiellement le même message, tout en rappelant que les activités de l’industrie de l’aluminium dans la province engendrent d’importantes retombées économiques (emplois, investissements), sans parler de la fourniture de contrats de nombreux fournisseurs.
Un climat d’incertitude dans l’industrie au Québec
Cette sortie des producteurs d’aluminium survient alors qu’il règne un climat d’incertitude au Québec dans l’ensemble de l’industrie — tous secteurs confondus — à propos de l’imprévisibilité des prix et du manque de prévisibilité pour l’attribution des futurs blocs d’électricité, rapportait en exclusivité en mars Les Affaires (Électricité: quatre industriels dénoncent le climat d’incertitude).
Outre le prix de l’électricité qui doit demeurer compétitif, les trois dirigeants ont aussi souligné l’importance d’avoir accès à de nouveaux blocs d’électricité pour se développer au Québec à long terme, alors que plusieurs autres industries ont aussi besoin d’énergie.
«On a besoin de savoir si on va pouvoir opérer en 2030, en 2035 ou en 2040, si on veut investir aujourd’hui, si on veut avancer, c’est important, a insisté Claude Gosselin. C’est pour ça qu’il y a des discussions aujourd’hui qui sont importantes, pour le Québec et pour notre industrie.»
Sébastien Ross dit avoir le même enjeu d’approvisionnement futur en électricité, même si Rio Tinto exploite six ouvrages hydroélectriques au Saguenay–Lac-Saint-Jean qui permettent actuellement de répondre de 90 à 95% aux besoins énergétiques de ses alumineries.
«Si on va dans un mode de croissance, il va falloir avoir accès à des blocs énergétiques additionnels, et ça va être fort probablement à travers la technologie Élysis. Et là, je pense qu’on atteint des objectifs communs du Québec et de Rio Tinto de décarbonation avec ces blocs additionnels», a-t-il souligné, en rappelant que les projets d’investissement dans le secteur de l’aluminium sont souvent planifiés sur une période de 50 ans.
À terme, la technologie Élysis — développée par Alcoa, Rio Tinto et Apple — permettra de produire de l’aluminium au Québec sans émettre aucune émission de gaz à effet de serre (GES).
Actuellement, malgré leur approvisionnement en hydroélectricité, les alumineries dans la province émettent environ deux tonnes de GES par tonne d’aluminium produite, et ce, en raison de leur procédé industriel.
Le niveau optimal des prix de l’électricité
Interrogé en point de presse sur le niveau de prix de l’électricité à partir duquel les alumineries ne pourraient plus investir au Québec, Louis Langlois a mentionné que les prix ne doivent pas dépasser la médiane des prix facturés à l’ensemble des alumineries dans le monde.
Contrairement à un prix moyen, un prix médian permet de mesurer une tendance, mais sans être influencé par des valeurs extrêmes.
Jean Simard souligne que les alumineries au Québec ne sont pas en compétition avec le prix de l’électricité en vigueur dans les principales villes américaines (comme le présente souvent Hydro-Québec), mais bel et bien avec la compétition qui n’est pas située aux États-Unis.
«Nous, il faut qu’on se compare avec des régions comme le Moyen-Orient et la Norvège, la vraie compétition», a-t-il dit.
Non seulement il faut des prix de l’électricité compétitifs, mais il faut aussi une structure de prix qui s’ajustent aux aléas du marché, a renchéri Jean Simard.
Aussi, quand les conditions sur le marché se détériorent (par exemple, une chute du prix mondial de l’aluminium), le prix de l’électricité facturé aux alumineries du Québec doit baisser. En revanche, quand ces conditions s’améliorent (par exemple, une hausse du prix de l’aluminium), le prix de l’électricité peut alors augmenter.
C’est la structure actuelle de prix que l’industrie souhaite voir perdurer au Québec.