IA: réduire les coûts de maintenance et d’approvisionnement
François Normand|Édition de la mi‑septembre 2023Waterville TG, propriété de la japonaise Toyoda Gosei, est une autre entreprise leader au Québec en matière d’IA. (Photo: Jade Trudelle)
MANUFACTURIER. Au cours de leur existence, les entreprises deviennent généralement de plus en plus efficaces pour mieux anticiper la maintenance prédictive et gérer leurs approvisionnements. Or, l’intelligence artificielle (IA) peut leur faire faire des progrès importants, et ce, rapidement.
Deux entreprises manufacturières actives au Québec, Bridgestone Canada et Waterville TG, en sont de bons exemples. La première fabrique des pneus, tandis que la seconde produit des joints d’étanchéité sur mesure pour les constructeurs automobiles.
L’usine de Bridgestone, à Joliette, dans Lanaudière, fabrique des pneus d’automobiles, de VUS et de camions légers qu’elle vend à des constructeurs automobiles, des détaillants de pneus ou des garages. Elle produit quelque 17 000 pneus par jour et 1300 personnes y travaillent.
Construite en 1965, l’usine de Joliette — la seule que la multinationale japonaise exploite au Canada — figure parmi les entreprises leaders au Québec en matière d’implantation de solutions d’IA dans le secteur manufacturier.
Depuis six à sept ans environ, l’usine s’appuie sur l’IA pour être plus efficace afin de planifier la maintenance prédictive dans ses six unités de production installées dans le bâtiment, expliquent le directeur de l’usine, Robert Verreault, et le directeur des TI, Samuel Lupien.
L’IA n’a pas remplacé l’humain dans ce processus. Bien au contraire, elle l’a rendu beaucoup plus efficace en devenant en quelque sorte son assistante, insiste Samuel Lupien.
Des travailleurs plus efficaces
« L’assistant intelligent donne des informations plus précises au travailleur, ce qui lui permet de prendre de meilleures décisions », explique-t-il.
Ainsi, à l’aide de capteurs mesurant entre autres les vibrations, l’IA peut anticiper en temps réel et avec précision à quel moment une machine doit être arrêtée pour sa maintenance.
Avant l’utilisation de l’IA, des employés devaient faire une tournée des équipements pour récolter des données et les stocker dans des fichiers Excel. Toutefois, ces données n’étaient pas vraiment utilisées.
De plus, des employés devaient analyser ces chiffres pour tenter d’y déceler des tendances, et ce, afin de déterminer le meilleur moment pour effectuer la maintenance d’une machine.
Or, ce processus n’était pas optimal. Régulièrement, on arrêtait la machine trop à l’avance ou en retard par rapport à son besoin réel de maintenance, ce qui entraînait des coûts supplémentaires. « L’humain a des capacités limitées pour analyser de grandes quantités de données. Dans ce contexte, c’est très difficile de détecter des tendances », dit Robert Verreault.
Ce dernier souligne que l’IA permet aussi de faire des gains de productivité. Puisque la chaîne de production est interrompue moins fréquemment, les employés produisent donc plus de pneus par heure travaillée.
Même si l’IA est vue comme un autre outil pour aider les travailleurs dans un processus d’amélioration continue, Bridgestone collabore quand même avec des universités au Québec, dont Polytechnique Montréal, afin de valider et de peaufiner sa méthode.
« Nous n’avons pas de mathématiciens dans notre usine, c’est pour ça qu’on se tourne vers les universités », explique Robert Verreault. Il laisse d’ailleurs entendre que l’usine de Joliette pourrait peut-être un jour en embaucher un.
Réduire la consommation de matières premières
Waterville TG, propriété de la japonaise Toyoda Gosei, est une autre entreprise leader au Québec en matière d’IA. Ses solutions lui procurent en particulier des gains sur le plan de ses approvisionnements en matière première, c’est-à-dire en caoutchouc.
Le président de l’entreprise, Benoit Tétreaut, de même que le directeur général des TI, Alain Jeanson, et la scientifique des données, Fatma Kerouh, nous ont expliqué ce processus lorsque nous avons visité l’usine située dans la municipalité de Waterville, près de Sherbrooke.
En fait, l’IA permet de détecter toutes les anomalies dans l’ensemble des procédés de fabrication, et ce, de l’acquisition de matières premières à l’emboîtage des joints d’étanchéité.
L’objectif ultime est d’arriver à effectuer les changements des machines de manière automatique. Ainsi, l’entreprise sera plus efficace en utilisant moins de matière première et en produisant moins de rebuts.
Waterville TG le fait déjà en partie, fait remarquer Benoit Tétreault. « Avant l’implantation de l’IA, 100 tonnes de matière première produisaient huit tonnes de rebuts. Aujourd’hui, nous sommes descendus à six tonnes », dit-il.
Cette réduction des rebuts fait en sorte que l’usine a moins besoin d’acheter de matière première ou qu’elle peut produire davantage de joints d’étanchéité par tranche de 100 tonnes de matière première.
Cette efficacité accrue a aussi un effet sur la gestion des stocks de l’entreprise. Avant l’implantation de l’IA, Waterville TG gardait des stocks pour 45 jours. Aujourd’hui, c’est plutôt de 20 à 25 jours.
« Nous sommes désormais davantage dans un mode de production en juste à temps », souligne Benoit Tétreault.