L’incroyable potentiel de l’intelligence artificielle
François Normand|Édition de la mi‑septembre 2023Michel Dubois, directeur du partenariat et de l’activation IA à l’institut Mila (Photo: courtoisie)
MANUFACTURIER. À première vue, l’usine de Waterville TG, un fournisseur de l’industrie automobile, n’a rien de particulier. Les employés se promènent avec leurs bottes de travail et leur gilet de sécurité. Or, si l’on y regarde de plus près, la machinerie est munie de nombreux capteurs qui récoltent des données. Les Affaires fait le point sur les divers avantages que tirent les entreprises manufacturières qui misent sur l’intelligence artificielle (IA).
« L’IA fait en sorte que notre usine a une meilleure efficacité dans l’ensemble de ses activités », crie Benoit Tétreault, président de Waterville TG, essayant de se faire entendre en dépit du bruit tonitruant des machines. Les données recueillies grâce à l’IA permettent de cibler les endroits susceptibles de produire des rebuts dans le processus de production, de prévoir les manques de main-d’œuvre selon les commandes, en plus d’optimiser le déplacement de matière première.
Propriété de la japonaise Toyoda Gosei, l’entreprise fabrique des joints d’étanchéité sur mesure pour les constructeurs automobiles. Ces joints empêchent l’eau, la neige, la poussière et les saletés de s’introduire dans les véhicules, et réduisent aussi les sons et les vibrations lorsqu’on est dans l’habitacle.
Vieux de 70 ans, l’établissement situé dans la municipalité de Waterville, au sud de Sherbrooke, emploie 600 personnes. Il fait partie du complexe de trois autres usines que possède l’entreprise au Canada, soit à Sherbrooke et à Coaticook, au Québec, puis à Petrolia, en Ontario.
Concrètement, les solutions en IA qui y sont déployées — principalement de miniordinateurs collectant des données de production en direct, qui sont ensuite utilisées par les employés — contribuent à diminuer le gaspillage de matières premières, la consommation d’énergie et la production de pièces défectueuses.
Waterville TG peut ainsi réduire ses coûts de production, en plus d’augmenter la productivité des employés. « On a accru nos ventes de 3 % avec le même nombre d’employés, et on devrait pouvoir le faire de 25 % d’ici 2030 », explique Benoit Tétreault.
Des chaînes d’approvisionnement moins coûteuses
Waterville TG est loin d’être la seule entreprise à miser sur l’IA au Québec pour être plus performante, selon Michel Dubois, directeur du partenariat et de l’activation IA à l’institut Mila, une communauté de scientifiques et d’équipes interdisciplinaires cherchant à faire progresser l’IA pour le bien commun.
Il y a entre autres le fabricant de pneus Bridgestone, le fabricant de pièces de haute qualité APN Global, le transformateur de canneberges Fruits d’Or, le producteur de pommes de terre Patates Dolbec ainsi qu’Adfast, un fabricant d’adhésifs, de scellants, de mousses et de membranes isolantes.
Michel Dubois voit notamment beaucoup de potentiel pour optimiser les chaînes d’approvisionnement grâce à l’IA.
Par exemple, le fabricant américain d’éoliennes General Electric (GE) se sert d’une application en intelligence artificielle/apprentissage automatique afin de réduire les coûts logistiques et d’installation de ses machines. Selon GE, cette application a réduit de 10 % ses coûts logistiques, ce qui permettrait à l’ensemble de l’industrie éolienne d’économiser jusqu’à 2,6 milliards de dollars américains (3,4 G$ CA) par année d’ici 2030.
Meilleure prévision de la demande
Les solutions en IA aident aussi les entreprises à mieux prédire l’évolution de leurs ventes et d’adapter leur production en conséquence, affirme de son côté Antoine Grand’Maison, associé et directeur de pratique pour la Division de la transformation numérique chez GCL, un cabinet-conseil et consultant en logistique.
« L’IA s’appuie sur les données historiques pour mieux planifier la production afin de ne pas être en surplus ou en déficit », explique-t-il.
Cette stratégie a donné, par exemple, des résultats concrets chez le producteur français de produits laitiers Danone, selon l’étude « Scaling AI in Manufacturing Operations: A Practitioners’ Perspectives ») du consultant en services technologiques et en transformation numérique Capgemini.
Danone utilise l’apprentissage automatique pour prédire la variabilité de la demande et ainsi améliorer son processus de prévision. Cette nouvelle capacité a en outre conduit à une planification plus efficace entre les différentes équipes de l’entreprise, comme le marketing et les ventes. Cela a entraîné une réduction des erreurs de prévision de 20 % et une réduction des ventes perdues de 30 %.
L’IA aide aussi les organisations à accélérer le développement de produits et la R-D, selon Capgemini. En fait, elle réduit les délais des tests et génère des informations plus concrètes à partir des données et des demandes de clients.
Le fabricant américain de semi-conducteurs Intel utilise des plateformes de mégadonnées et d’IA afin de créer des tests pour les tâches difficiles à valider pour la machine, par exemple. Selon l’entreprise, cette technique a permis d’améliorer grandement la façon de tester les fonctionnalités par rapport aux techniques standards sans IA.
Antoine Grand’Maison souligne que les entreprises manufacturières qui réussissent à accroître leur efficacité grâce à l’IA ont une chose en commun : beaucoup de données historiques de qualité. « Si une entreprise n’a pas de données, elle n’aura pas de résultats satisfaisants avec l’IA », insiste-t-il, en précisant que les analystes de données sont aussi des ressources stratégiques au sein des organisations qui obtiennent de bons résultats.