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Le Québec compte 120 «gisements d’opportunités d’investissement»

François Normand|Publié le 16 Décembre 2020

Ces gisements sont maintenant accessibles en raison de la pandémie, selon une étude de Deloitte et de E&B Data.

Alors que le gouvernement Legault souhaite relancer l’économie, le Québec compte 120 «gisements d’opportunités d’investissement» sous-exploitées qui sont maintenant activées ou rendues possibles grâce à la crise sanitaire, selon une étude réalisée conjointement par Deloitte et la firme montréalaise E&B Data.

Le Mouvement Desjardins, la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) et Développement économique Canada (DÉC) ont aussi participé à cette étude qui s’intitule « Repenser nos chaînes industrielles pour une économie forte et résiliente (de la vulnérabilité à la résilience) ».

Depuis le mois de mars, la pandémie de COVID-19 nous a fait prendre conscience de la fragilité des chaînes d’approvisionnement, et de la «valeur collective» d’avoir des capacités de production industrielle au Québec, soulignent les auteurs de l’étude.

«On fonctionnait en juste-à-temps, sans faire vraiment de gestion des risques», souligne Louis J. Duhamel, conseiller stratégique chez Deloitte, qui a piloté cette étude avec Jean Matuszewski, économiste principal chez E&B DATA.

 

Capacités de production visées

Deux types de capacités de production sont en cause.

D’une part, celles pour la production de biens essentiels afin de répondre aux besoins de base des Québecois, et ce, de la santé à l’alimentation. D’autre part, celles pour des produits en demande à l’étranger dont la fabrication stimule l’activité économique et la création d’emplois au Québec.

C’est dans ce contexte que les auteurs de l’étude ont identifié 120 gisements d’opportunités d’investissement dans 10 grandes filières : le matériel de transport, l’énergie, la machinerie et l’instrumentalisation, la construction, l’agroalimentaire, l’industrie biomédicale, l’électronique, la chimie, le textile technique ainsi que les métaux et l’aluminium.

Les auteurs de l’étude documentent ces gisements.

Par exemple, dans la construction, ils mentionnent les produits favorisant la transition durable tels que le bois d’ingénierie (structurel et non structurel) et les matériaux reliés aux infrastructures (géotextiles, acier d’armature, alliages structuraux d’aluminium).

Dans l’énergie, les auteurs soulignent entre autres les batteries électriques (cellules, anodes, cathodes) et la propulsion (réseau intelligent et occasions liées à l’électrification des transports).

Dans l’agroalimentaire, ils mettent l’emphase sur les produits alimentaires finis et intermédiaires, et ce, des produits finis pour l’exportation (des confiseries, par exemple) aux aliments à plus forte valeur ajoutée (intégration d’ingrédients fonctionnels, de nouvelles fibres, d’antioxydants, de probiotiques).

«Ce sont certes des opportunités, mais ce sont des gisements latents, qui ne se sont pas matérialisés, notamment en raison d’obstacles structurels», souligne Jean Matuszewski.

Parmi ces obstacles, on retrouve le manque d’incitatifs et de capacités de financement pour adopter le manufacturier 4.0 ainsi que les connaissances limitées des entreprises afin d’avoir accès aux marchés publics des gouvernements du Québec et du Canada.

L’étude analyse d’ailleurs l’état de la situation des chaînes industrielles au Québec, en leur attribuant un indice de résilience, comme on peut le constater sur ce tableau.

 

 

Les auteurs identifient aussi cinq vulnérabilités structurelles auxquelles ils proposent des solutions :

1.Destruction du secteur privé — Solution : affirmer le leadership de l’État dans les marchés publics, en réformant par exemple des aspects contractuels des appels d’offres pour cesser de tenir compte du plus bas soumissionnaire.

2.Désalignement stratégique des entreprises — Solution : mobiliser les entreprises envers le développement durable, en accélérant par exemple l’adoption de produits et de pratiques durables.

3.Vulnérabilité de la chaîne manufacturière — Solution : réduire le risque les chaînes manufacturières, en développant par exemple une nouvelle discipline d’approvisionnement intelligent.

4.Crise de la ligne de production — Solution : prendre conscience de l’urgence de l’automatisation et du rôle des travailleurs industriels de demain, en repensant par exemple la place de l’humain dans les processus des chaînes industrielles.

5.Retour dans le rouge dans les bilans et nécessité de réinvestissements — Solution : profiter des occasions de consolidation, en attirant par exemple du savoir-faire étranger par le biais d’investissements ou d’accords de technologie.

 

Hausse des coûts d’approvisionnement

Autant d’enjeux qui peuvent expliquer pourquoi le Mouvement Desjardins a participé à cette étude, notamment en ce qui a trait à la transformation de la gestion des approvisionnements, explique Daniel Valois, conseiller expert d’affaires.

«On est passé d’un principe de juste-à-temps à un principe du juste-au-cas où», dit-il, en précisant que cela entraîne des coûts supplémentaires pour les entreprises. Toutefois, à ses yeux, ces coûts plus élevés peuvent être vus comme une prime d’assurance afin de ne pas avoir de ruptures de stock.

Pour sa part, Charles Milliard, PDG de la FCCQ, estime que les entreprises doivent considérer sérieusement de réduire le risque de leur chaîne d’approvisionnement afin de demeurer résilientes. «Cela passe notamment par la production locale», dit-il.

Comme la gestion en juste-au-cas où, la production locale entraîne des coûts supplémentaires pour les entreprises.

Pour autant, dans un monde où les pandémies pourraient devenir plus fréquentes dans les prochaines décennies disent les spécialistes en santé publique, sécuriser sa production et ses approvisionnements est sans doute le prix à payer afin de pouvoir continuer de faire des affaires lors d’une crise sanitaire.

Le manque de capacités de financement est aussi un enjeu important pour l’écosystème d’affaires, malgré la présence de ces 120 gisements d’opportunités d’investissement, estime Stéphane Pronovost, chef de la recherche à DÉC. «On a des PME de petite taille qui ont peu de moyens», dit-il.

Bref, même s’il y a des occasions d’affaires, encore faut-il avoir les moyens d’en profiter.