Environ 5000 postes dans la production et l'administratif seront supprimés, tandis que 6000 seront externalisés. (Photo: 123RF)
Le sidérurgiste allemand Thyssenkrupp va supprimer des milliers d’emplois et réduire la production de ses hauts fourneaux, illustrant les déboires de l’acier européen plombé par la concurrence chinoise et embarqué dans une transition écologique complexe et coûteuse.
Le couperet est tombé lundi, une semaine après des résultats annuels alarmants: le premier sidérurgiste allemand va se séparer de 11 000 de ses 27 000 employés d’ici 2030.
Environ 5000 postes dans la production et l’administratif seront supprimés, tandis que 6000 seront externalisés, a indiqué Thyssenkrupp Steel, filiale phare du conglomérat Thyssenkrupp, l’un des plus vieux industriels allemands qui compte 98 000 salariés.
Les coûts salariaux seront aussi réduits d’en moyenne 10%, seule façon de «créer des perspectives à long terme» pour cette division en crise structurelle depuis plusieurs années, selon le directoire.
L’envolée des prix de l’énergie, particulièrement sensible en Allemagne dans le sillage de la guerre en Ukraine, a encore pesé sur les coûts de production.
«Concurrence déloyale»
«De plus en plus, les surcapacités et l’augmentation des importations à bas prix qui en résulte, notamment en provenance d’Asie, pèsent considérablement sur la compétitivité», justifie le sidérurgiste dans un communiqué.
Sur l’exercice 2023/2024, le chiffre d’affaires de la branche acier a fondu de 18%, aggravant la perte annuelle de l’ensemble du groupe (1,5 milliard d’euros).
Thyssenkrupp, comme les autres sidérurgistes implantés en Europe, met aussi en œuvre une complexe et coûteuse transition énergétique, de plus en plus menacée tant les entreprises du secteur peinent à dégager des profits.
Cette crise est inédite depuis celle de 2009, a alerté la fédération européenne de l’acier Eurofer en octobre.
Car la production est tombée au niveau le plus bas, non viable, d’environ 60% de la capacité des hauts fourneaux européens.
Inspiré par le récent rapport Draghi sur la compétitivité de l’Europe, Eurofer exige entre autres de renforcer la «défense commerciale de l’UE» et «l’amélioration du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières».
«Le marché dans lequel nous opérons est difficile, et les nombreuses incertitudes politiques et réglementaires impactent fortement notre industrie», a déclaré lundi Arcelor Mittal, évoquant «une concurrence extraeuropéenne déloyale».
Samedi, le numéro deux mondial de l’acier, dont le bénéfice net a été divisé par trois au troisième trimestre, a décidé de retarder le début de sa production d’acier décarboné à Dunkerque.
ArcelorMittal s’en remet aussi à l’Union européenne, qui a investi plusieurs milliards d’euros dans les projets de décarbonation de l’acier sur le Vieux Continent.
À Duisburg, berceau de Thyssenkrupp, la production d’acier vert doit débuter en 2027 grâce à une infrastructure inédite subventionnée à hauteur de 2 milliards d’euros.
Produit à partir d’hydrogène issu d’énergies renouvelables, l’acier vert est crucial pour atteindre l’objectif de réduction de 40% des émissions de CO2 en Allemagne d’ici 2030.
Pas de retard annoncé pour le moment, mais «l’installation risque d’être plus chère que prévu», a concédé le PDG de Thyssenkrupp Miguel Lopez.
Une «catastrophe»
La restructuration annoncée est une «catastrophe pour les salariés et l’industrie de Rhénanie du Nord-Westphalie», berceau du groupe dans l’ouest de l’Allemagne, a dénoncé le syndicat IG Metall.
Le ministre-président de la région Hendrik Wüst a dit attendre de l’entreprise qu’il n’y ait «pas de licenciements économiques», pour l’instant écartés par Thyssenkrupp Steel.
Selon le plan présenté lundi, les capacités de production d’acier seront ramenées à une fourchette comprise entre 8,7 et 9 millions de tonnes, contre 11,5 millions aujourd’hui.
En outre, le site de Kreuztal-Eichen (ouest de l’Allemagne), qui emploie 1000 personnes selon la presse locale, sera fermé et un haut-fourneau de Duisburg vendu.
En parallèle, le groupe entend toujours se séparer progressivement de Thyssenkrupp Steel, un processus accéléré en mai avec l’acquisition de 20% des parts par le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, via sa holding EPCG.
Des discussions sont en cours sur une participation supplémentaire de 30 % pour EPCG, avec l’objectif de créer une société commune détenue à parts égales.
Plus tôt lundi, le conglomérat s’était engagé à financer sa branche acier pendant les deux prochaines années.
Les suppressions d’emplois de Thyssenkrupp Steel sont un énième revers pour l’économie allemande, confrontée depuis la rentrée à une litanie de plans sociaux en raison d’une compétitivité affaiblie et d’une conjoncture morose.