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Les alumineries ont besoin de «centaines de mégawatts» d’électricité

François Normand|Mis à jour le 19 août 2024

Les alumineries ont besoin de «centaines de mégawatts» d’électricité

À lui seul, le Québec produit 71% de l’aluminium primaire (produit directement à partir du minerai de bauxite) en Amérique du Nord, alors que le Canada est le 4e producteur d’aluminium au monde (3,2 millions de tonnes) après la Chine (41,5 M), l’Inde (4,1 M) et la Russie (4 M), selon l’AAC.(Photo: 123RF)

Pour répondre à la forte demande en aluminium aux États-Unis, les alumineries du Québec auront besoin de «centaines de mégawatts» d’électricité dans les prochaines années pour se moderniser. Elles auront aussi besoin de cette énergie «à une tarification compétitive et prévisible ainsi qu’à un approvisionnement stable».

Ce lundi, l’Association de l’aluminium du Canada (AAC) a lancé la campagne «Décarboner l’Amérique du Nord, ç’a ben de l’alu». L’objectif est de montrer l’importance de l’industrie au Québec, sans parler de son rôle stratégique pour aider l’Amérique du Nord à atteindre ses objectifs de décarbonation et de transition énergétique.

Cette campagne de l’AAC — qui représente Alcoa, Rio Tinto et Alouette — survient alors que les nouveaux approvisionnements en électricité se font rares au Québec et que la pression est à la hausse sur les tarifs d’électricité.

En entrevue à Les Affaires, Jean Simard, président et chef de la direction de l’AAC, affirme que l’industrie doit revenir sur l’écran radar des gouvernements, d’autant plus qu’elle est incontournable pour décarboner l’économie — on retrouve de l’aluminium dans les véhicules électriques, les panneaux solaires et les câbles de transmission à haute tension.

«On a complètement écarté une industrie qui est pratiquement là depuis 100 ans, et qui est fondamentale pour faire naître cet écosystème décarboné», déplore-t-il, en laissant entendre que la filière batterie au Québec a accaparé un peu trop l’attention des gouvernements ces dernières années.

Les États-Unis : 2 millions de tonnes requises d’ici 2030

Actuellement, le Québec abrite huit alumineries : la seule usine d’Alouette, les trois établissements d’Alcoa ainsi que les quatre installations de Rio Tinto.

À lui seul, le Québec produit 71% de l’aluminium primaire (produit directement à partir du minerai de bauxite) en Amérique du Nord, alors que le Canada est le 4e producteur d’aluminium au monde (3,2 millions de tonnes) après la Chine (41,5 M), l’Inde (4,1 M) et la Russie (4 M), selon l’AAC.

Cela dit, l’empreinte carbone du Québec est beaucoup plus faible que celle des grands pays producteurs comme la Chine et l’Inde, où l’aluminium est fabriqué à partir d’énergies fossiles.

Selon Jean Simard, c’est la raison pour laquelle l’industrie québécoise très bien positionnée pour répondre à la demande croissance aux États-Unis. D’ici 2030, les États-Unis auront besoin de 2 millions de tonnes d’aluminium supplémentaires pour atteindre leurs objectifs de décarbonation.

Questionné à savoir combien de mégawatts d’électricité auraient besoin l’industrie au Québec, le patron de l’AAC a refusé de donner un chiffre en particulier, d’autant plus que la modernisation des alumineries s’étalera jusqu’en 2050.

«On parle néanmoins de centaines de mégawatts», souligne-t-il.

Les prix de l’électricité doivent demeurer compétitifs

L’ACC souhaite aussi que la formule tarifaire pour les alumineries du Québec — quand les prix de l’aluminium sont bas, les tarifs sont faibles, mais quand les prix sont élevés, les tarifs montent — reste inchangée.

«Ça fonctionne bien ; ne changeons pas la formule», insiste-t-il.

Jean Simard estime que les tarifs d’électricité au Québec doivent aussi demeurer compétitifs par rapport aux concurrents des alumineries québécoises, à commencer par le marché américain.

Il explique que l’industrie a besoin de ces nouveaux blocs d’électricité et de «milliards de dollars d’investissements» pour se moderniser, et ce, afin de décarboner davantage son processus de production à l’aide de nouvelles technologies.

«Par exemple, aucune aluminerie ne va ajouter 100 000 tonnes de capacités de production avec les technologies existantes», fait-il remarquer.

Par conséquent, dans les prochaines années, les alumineries du Québec miseront de plus en plus sur de nouveaux procédés très faibles en carbone, comme le procédé Elysis ou la technologie AP60.

Cela dit, grâce à l’hydroélectricité, l’aluminium produit au Québec affiche déjà l’une des plus faibles empreintes carbone au monde, selon l’AAC.

Au Canada, chaque tonne d’aluminium produite émet 2 tonnes de CO2, ce qui est beaucoup moins élevé qu’en Chine (14 tonnes) ou en Inde (16 tonnes). La moyenne mondiale s’établit à 12 tonnes.

Les États-Unis ne sont pas le seul endroit où la demande d’aluminium progressera dans les prochaines années.

Selon les estimations de l’International Aluminium Institute, il faudra produire autant d’aluminium dans les 25 prochaines années que dans les 150 précédentes pour répondre à cette demande croissante.