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Les entreprises manufacturières sont sous pression

François Normand|Édition de la mi‑septembre 2022

Les entreprises manufacturières sont sous pression

L’explosion de l’inflation depuis avril 2021 a contribué à dégrader la marge bénéficiaire des entreprises manufacturières. (Photo: 123RF)

SECTEUR MANUFACTURIER ET INFLATION. Depuis près de deux ans, les prix ont bondi aux quatre coins de la planète. En juillet, au Canada, l’inflation a grimpé de 7,6 % par rapport au même mois l’an dernier. Comment expliquer cette explosion du coût de la vie ? Quelles sont les conséquences sur les entreprises ? Survol d’une crise des prix qui donne bien des maux de tête aux gens d’affaires. 

Le choc est aussi brutal qu’inattendu. Depuis le début de 2021, les prix ont bondi à des niveaux jamais vus depuis une quarantaine d’années au Canada. Non seulement les coûts des entreprises explosent, mais ces pressions inflationnistes ne s’estomperont pas à court terme. En juillet, l’indice des prix à la consommation (IPC) a bondi de 7,6 % par rapport à juin 2021, soit la troisième hausse la plus forte depuis janvier 1983 (8,2 %), selon Statistique Canada. 

La présente poussée de l’inflation au Canada est récente et inhabituelle. En fait, l’IPC a dépassé la fourchette supérieure de la cible d’inflation de la Banque du Canada (de 1 % à 3 %) en avril 2021 seulement, pour atteindre 3,4 %. C’était la première fois qu’elle franchissait cette barre psychologique depuis septembre 2011 (3,2 %). 

En outre, depuis le début du siècle, l’inflation n’a dépassé les 3 % au Canada qu’à une vingtaine de reprises (par mois), soit en 2000, 2002, 2003, 2005, 2008 et 2011. De plus, le niveau maximal atteint depuis 22 ans s’est seulement élevé à 4,7 %, en l’occurrence en février 2003. C’est dire à quel point l’inflation n’était pas un problème depuis une génération. 

Mais que s’est-il donc passé pour que l’ensemble des prix s’envolent ainsi depuis avril 2021 ? 

 

Les facteurs qui stimulent l’inflation 

Les économistes pointent du doigt trois facteurs fondamentaux: 

  • L’explosion des dépenses publiques en 2020-2021 pour contrer la récession et la perte de revenus pour des millions de Canadiens en raison de la pandémie de COVID-19 ;
  • Le déséquilibre entre l’offre et la demande provoqué par la perturbation des chaînes d’approvisionnement mondiales ;
  • L’invasion de l’Ukraine par la Russie en février, qui a fait grimper les cours mondiaux du pétrole et du gaz naturel, sans parler du prix de denrées alimentaires de base. 

Les dépenses gouvernementales ont même eu un effet inattendu, selon Mario Fortin, professeur au Département d’économique à l’Université de Sherbrooke. 

« Le revenu disponible des ménages au Canada a augmenté, alors que le produit intérieur brut baissait », dit-il. Règle générale, le revenu disponible diminue lors d’une récession. 

Une inflation élevée fait bondir la plupart des postes budgétaires dans les entreprises, souligne Pierre-Laurent Boudrias, ingénieur et conseiller manufacturier à Sous-traitance industrielle Québec (STIQ), un important réseau d’entreprises manufacturières. 

En ce qui concerne les coûts variables, il y a bien entendu les coûts d’approvisionnement qui augmentent, mais aussi les coûts de la main-d’œuvre. 

Quant aux coûts fixes, le prix du loyer peut augmenter après un certain temps, selon Pierre-Laurent Boudrias. « Si une entreprise n’est pas propriétaire de ses locaux, le prix du loyer est négociable », dit-il. 

Toujours sur le plan des coûts fixes, le prix de l’électricité peut augmenter plus rapidement que les années précédentes, tout comme les frais d’amortissement (ou les coûts des actifs à long terme) en raison de la hausse des taux d’intérêt.

 

L’inflation a des répercussions sur 85% des PME 

La grande majorité des PME du Québec pâtissent de la poussée de l’inflation depuis le printemps 2021, selon un sondage publié en mars par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI). 

« Au chapitre des PME, 85 % d’entre elles ressentent un impact si l’on tient compte de celles qui disent avoir un impact significatif et modéré », explique François Vincent, vice-président pour le Québec de la FCEI. 

Ainsi, selon ce sondage réalisé au moment où l’inflation atteignait 5,4 % (en février), 60 % des PME québécoises affirmaient que l’inflation avait un effet « significatif » sur elles, tandis que 25 % affirmaient que cet effet était « modéré ». 

Selon la FCEI, les PME ont déployé plusieurs stratégies pour compenser la hausse de leurs coûts. 

Par exemple, 73 % des PME ont augmenté leurs prix de vente, tandis que 52 % des propriétaires d’entreprise ont travaillé un plus grand nombre d’heures par semaine afin de réduire ou de limiter la hausse de leurs coûts de main-d’œuvre. 

Par ailleurs, 38 % des entreprises ont diminué leurs marges bénéficiaires pour demeurer compétitives, 29 % ont mis un frein à leurs investissements, tandis que 23 % se sont endettées davantage. 

Enfin, 19 % des entreprises ont réduit leurs coûts d’approvisionnement (par exemple, en achetant des intrants de qualité moindre) et 12 % ont misé sur l’automatisation. 

Du reste, il n’y a pas 36 solutions pour limiter les effets de l’inflation : il faut réduire les coûts, tout en augmentant les revenus. Toujours avec l’objectif ultime de préserver la marge bénéficiaire, c’est-à-dire l’oxygène pour alimenter la croissance. 

Or, 61 % des entreprises manufacturières du Québec affirment que leur marge bénéficiaire a diminué depuis un an, selon la 13e édition du Baromètre industriel québécois du STIQ, publié en mai. 

Certes, la crise qui touche les chaînes d’approvisionnement est la principale responsable de cette situation, selon le STIQ. En revanche, l’explosion de l’inflation depuis avril 2021 a contribué à dégrader la marge bénéficiaire des entreprises manufacturières. 

Et à miner leur croissance.