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Les incendies exercent une pression sur les prix du bois

François Normand|Publié le 09 juin 2023

Les incendies exercent une pression sur les prix du bois

En Alberta, le risque d’extension des sinistres est aggravé par des températures anormalement élevées pour la saison, qui dépassent actuellement 25°C. (Photo: Getty Images)

ANALYSE ÉCONOMIQUE. Les feux de forêt qui ravagent le nord du Québec exercent une pression à la hausse sur les prix du bois en Amérique du Nord, affirme le Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ).

«Si les travailleurs forestiers ne vont plus en forêt, les scieries n’ont pas de bois à couper. Comme elles ont épuisé leurs réserves de bois rond de l’hiver, cela fait diminuer la production de planches et de copeaux, un intrant vital pour les usines de carton, de pâtes et papiers et de panneaux», dit le PDG du CIFQ, Jean-François Samray.

Ce vendredi 9 juin à midi, 127 incendies étaient en activité au Québec, selon la Société de protection des forêts (SOPFEU). Pas moins de 687 360,3 hectares étaient affectés par les feux — la moyenne de 10 ans est de 1 346 hectares à la même date.

Selon le CIFQ, chaque semaine d’absence des travailleurs forestiers en forêt en raison des incendies représente une diminution de l’offre de près de 500 000 mètres cubes de bois ronds au Québec.

Comme le Québec représente à lui seul 10% de la production de bois d’œuvre en Amérique du Nord, les perturbations provoquées par ces incendies ont nécessairement un impact sur le continent.

Un chiffre est d’ailleurs éloquent, fait valoir le CIFQ.

Après deux semaines d’absence en forêt, l’industrie québécoise sera en déficit de près de 1 million de mètres cubes de bois, ce qui représente grosso modo 0,5% de la consommation annuelle de bois aux États-Unis.

Jean-François Samray fait remarquer qu’on voit déjà l’impact des feux de forêt sur les prix du bois au Québec.

 

Un incendie près de Chapais, en Jamésie. (Photo: Ville de Chapais/Facebook)

Les prix sont déjà à la hausse

Par exemple, le Pribec — un indice composé qui communique de l’information sur les prix du bois (résineux et feuillus) au Québec — a augmenté de 10$ en une semaine, selon le plus récent rapport hebdomadaire.

Ce jeudi 8 juin, l’indice s’établissait à 567,11$ par 1 000 pmp (pied mesure planche) livrés aux grossistes de produits du bois, incluant les taxes.

L’indice est toutefois loin de son pic historique de 1 856$ enregistré le 1er mai 2021, alors que le Québec était en pleine pandémie. Il avait dégringolé à 592$ le 1er août 2021, pour ensuite remonter à 1 601$, le 1er mars 2022.

Avant le déclenchement des feux de forêt, l’indice était à nouveau en fort déclin depuis plus d’un an.

Les prix des contrats à terme — ces produits fixent la valeur d’un actif à une date future — sur le bois d’œuvre sont aussi à la hausse au Chicago Mercantile Exchange, la Bourse de référence des denrées et des ressources naturelles en Amérique du Nord.

Le mercredi 31 mai, les contrats à terme (CME Lumber Futures) s’échangeaient à 478,50$ US (637,35$ CA). Ce vendredi 9 juin en milieu de matinée, les prix avaient grimpé à 518,50$ US (690,65$ CA).

Depuis un an, la valeur des contrats à terme est toutefois à la baisse de 25,1%. En revanche, depuis le début de l’année, elle est en hausse de 8,5%.

 

Lire aussi: Feux de forêts: des pertes économiques pour des minières

Trois facteurs qui réduisent l’offre

«Tout concourt pour faire baisser l’offre de bois d’œuvre en Amérique du Nord depuis quelque temps», fait remarquer Michel Vincent, directeur économie et machés au CIFQ.

Premièrement, la décision de grandes forestières, comme celle de la société vancouvéroise Canfor (annoncée en janvier), de fermer définitivement des usines en Colombie-Britannique.

En avril, Canfor a fermé ses usines à Chetwynd et à Houston. Celle de Chetwynd de manière définitive, tandis que celle de Houston a fermé temporairement «pour une période prolongée», et ce, le temps de construire une nouvelle usine plus moderne et plus compétitive.

Deuxièmement, la décision de forestières de fermer pour une période indéterminée certaines des usines en raison de mauvaises conditions de marché (prix du bois rond trop élevé et/ou prix de marché trop bas).

Par exemple, le 5 mai, au Québec, le Groupe Rémabec a annoncé qu’il procédait à une fermeture temporaire à son usine Arbec de L’Ascension-de-Notre-Seigneur, au Lac-Saint-Jean. L’usine devait rouvrir à deux jours par semaine le 29 mai, mais elle est encore fermée.

Troisièmement, les feux de forêt au Québec, mais aussi ceux dans d’autres provinces canadiennes, comme l’Alberta, qui produisent également du bois d’œuvre, insiste Jean-François Samray.

En 2020, la Colombie-Britannique, le Québec et l’Alberta étaient responsables de 81% de la production canadienne de bois d’œuvre résineux, selon Statistique Canada.

Si les nombreuses pressions à la baisse sur l’offre de bois sont connues en Amérique du Nord, il reste toutefois une incertitude à propos de la demande qui, elle, pourrait repartir à la hausse, estime le CIFQ.

D’une part, parce que les maisons qui auront été détruites par les feux de forêt au Canada devront être reconstruites. Et c’est sans parler de la construction de résidences et de logements sur une base régulière.

D’autre part, parce qu’une fois que les taux d’intérêt se seront stabilisés au Canada et aux États-Unis, la construction résidentielle pourrait s’accélérer, puisque l’incertitude sera moins grande pour les acheteurs de maison.

Donc, à moins d’une surprise de taille, les pressions à la hausse sur les prix du bois devraient demeurer importantes dans un avenir prévisible.

Et la durée des incendies qui ravagent le nord du Québec et d’autres régions au Canada pèsera aussi beaucoup dans la balance.