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L’industrie québécoise s’est peu décarbonée en 30 ans

François Normand|Publié le 13 février 2023

L’industrie québécoise s’est peu décarbonée en 30 ans

Certains sous-secteurs ont réduit de manière significative l’intensité de leurs émissions, à commencer par les pâtes et papiers, avec une baisse de 52% entre 1990 et 2010. (Photo: Marek Piwnicki pour Unsplash)

Malgré la performance de certains sous-secteurs, l’ensemble du secteur industriel au Québec n’a réussi qu’à baisser de 3% l’intensité en émissions de gaz à effet de serre (GES) par unité d’énergie consommée entre 1990 et 2020.

Voilà l’un des constats qui ressort de l’État de l’énergie au Québec 2023, que dévoile lundi la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal.

Concrètement, cette faible diminution de 3% «laisse croire que le secteur industriel en général a peu décarboné ses sources d’approvisionnement en énergie», soulignent les auteurs de l’étude, Johanne Whitmore et Pierre-Olivier Pineau.

Bref, les industriels du Québec consomment encore beaucoup trop d’énergie fossile.

L’enjeu est de taille, car le secteur industriel (incluant l’industrie agricole) était le plus grand consommateur d’énergie au Québec en 2020.

Ainsi, il comptait pour environ 37% de la consommation énergétique totale du Québec et pour environ 15% des émissions de GES liés à la consommation d’énergie de la province.

Cela dit, certains sous-secteurs ont réduit de manière significative leur intensité en émissions de GES, à commencer par celui des pâtes et papiers, avec une baisse de 52% entre 1990 et 2020.

On peut d’ailleurs le constater sur ce graphique (en bas à droite), qui ne reflète toutefois pas les éventuelles diminutions de consommation d’énergie liée à l’efficacité énergétique dans l’ensemble de l’industrie.

 

Source: l’État de l’énergie au Québec 2023

L’aluminium, la fonte et l’affinage ont aussi bien fait à -32%, sans parler du secteur manufacturier qui a réduit son intensité de 33%.

En revanche, d’autres sous-secteurs ont vu l’intensité en émissions de GES augmenter de manière importante sur la même période.

Dans le cas de la fabrication des produits chimiques, on parle d’un bond de 40%.

Selon L’État de l’énergie, il y a aussi des augmentations importantes dans la sidérurgie (+13%), l’agriculture (+12%) et les mines (+12%).

 

Productivité énergétique supérieure en Ontario

L’étude que publie HEC Montréal brosse aussi d’autres constats importants qui concernent les entreprises en général.

Par exemple, le Québec affiche une productivité énergétique — la richesse générée par unité d’énergie consommée – inférieure de 17% à celle de l’Ontario, soit 246$/gigajoules (GJ) comparativement à 298$/GJ chez nos voisins ontariens, les premiers de classe au Canada.

L’Alberta arrive au dernier rang, avec une productivité de 148$/GJ, tandis que la moyenne canadienne s’établit à 234$/GJ.

En entrevue à Les Affaires, Pierre-Olivier Pineau explique que la différence notoire entre l’Ontario et l’Alberta tient en grande partie à leur structure industrielle.

L’économie ontarienne est avant tout axée sur les services (notamment financiers, dans la région de Toronto), tandis que l’économie de l’Alberta repose essentiellement sur l’exploitation des ressources naturelles, un secteur très énergivore.

«Le Québec se retrouve grosso modo au milieu, car son économie est à la fois très développée dans les secteurs des services et des ressources naturelles», souligne Pierre-Olivier Pineau.

Cela dit, des pays font beaucoup mieux que le Canada.

Par exemple, la productivité énergétique des États-Unis s’élève à 314 US $/GJ (420 $CA), tandis que celle du Royaume-Uni est de 569 US $/GJ (762 $CA).

Le cas de la Norvège est intéressant.

Ce pays nordique qui produit du pétrole (avec des caractéristiques similaires à l’Alberta) affiche pour sa part une productivité de 379 US $/GJ.

En dollars canadiens, cela représente une productivité de 506$/GJ, soit le double de la moyenne canadienne.