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Loop et Suez produiront du plastique à 100% recyclé en Europe

François Normand|Publié le 10 septembre 2020

Loop et Suez produiront du plastique à 100% recyclé en Europe

La technologie de Loop Industries permet d’accélérer la transition mondiale vers un plastique PET et des fibres de polyester durables (sans pétrole), ce qui permet de réduire la dépendance de l’industrie aux combustibles fossiles. (Photo: 123RF)

La start-up québécoise Loop Industries (LOOP, 12,46$US) et la multinationale française Suez (SEV, 15,10 euros) s’allient pour construire en Europe une usine de production de plastique à 100% recyclé et recyclable à l’infini, ce qui permettra de réduire les émissions de CO2 et la consommation de pétrole.

Cette usine —une coentreprise qui sera mise en service en 2023— représente un investissement de 200 millions d’euros (310 millions de dollars canadiens). Loop Industries et Suez injecteront chacune 100 M d’euros dans ce projet, dont l’emplacement en Europe sera déterminé d’ici 6 mois.

«Cette première usine Infinite Loop sera construite en France, en Belgique ou aux Pays, près d’un grand centre urbain», dit au bout du fil Daniel Solomita, fondateur et PDG de la PME de Terrebonne qui emploie 60 personnes, pour la plupart des ingénieurs.

L’entrepreneur explique qu’il reste à identifier le meilleur site urbain pour approvisionner en matière première cette usine qui sera dotée d’une production annuelle de 84 000 tonnes de plastiques recyclés.

Fondée en 2014, Loop Industries a développé une technologie brevetée qui permet de recycler les déchets plastiques avec une faible intensité énergétique, c’est à dire à moins de 100 degrés Celcius.

Concrètement, son procédé permet de recycler plus efficacement le plastique PET (polyéthylène téréphtalate) que l’on retrouve dans une foule de produits (bouteilles d’eau, chemises, tapis, etc) et de créer une nouvelle résine vierge.

La technologie de Loop Industries permet donc d’accélérer la transition mondiale vers un plastique PET et des fibres de polyester durables (sans pétrole), ce qui permet de réduire la dépendance de l’industrie aux combustibles fossiles.

Le géant Suez est pour sa part spécialisé dans la gestion de l’eau, la valorisation des déchets ainsi que la dépollution des sols et le traitement de l’air. Ses solutions permettent aux collectivités et aux industries d’optimiser la gestion de leurs ressources, incluant les déchets en plastique.

 

Des premiers revenus en 2022-2023

Même si elle a une capitalisation boursière de 655 M$CA à la Bourse Nasdaq, Loop Industries, qui exploite une usine pilote à Terrebonne dotée d’une production de 365 tonnes par année, ne réalise pas encore de revenus commerciaux -elle finance actuellement ses activités grâce aux capitaux des investisseurs.

Par contre, cette usine lui a permis de valider sa technologie de recyclage et de signer des ententes d’approvisionnements futurs avec de grandes marques mondiales telles que Cola-Cola, Pepsi, L’Oréal et Danone.

«Les ingénieurs de Danone ont passé 18 mois à Terrebonne pour faire des tests. Ils ont même importé des déchets de la France afin de s’assurer que notre technologie répondait à leur attente en termes de qualité», raconte Daniel Solomita.

La PME réalisera ses premiers revenus en 2022-2023.

En 2022, sa technologie sera opérationnelle dans une usine en Caroline du Sud, propriété d’Indorama Ventures, un important fabricant de plastique PET. Loop Industries a créé une coentreprise avec cette société thaïlandaise afin de produire de la résine PET Loop et des fibres de polyester.

En 2023, l’entreprise québécoise engrangera des revenus avec Suez en Europe.

Daniel Solomita souligne qu’il s’agit d’une «première usine en Europe» et qu’il a bien l’intention d’en construire d’autres sur le vieux continent. «J’aimerais implanter une usine dans chaque pays où il y a une population importante.»

C’est la firme australienne de services d’ingénierie Worley (présente à Toronto) qui construira ses usines en Europe et ailleurs dans le monde, et ce, par souci d’uniformité même s’il peut y avoir de petites particularités locales, souligne Daniel Solomita.

Cette approche «design once, build many» permettra de réaliser des économies d’échelle et de faire des gains d’efficacité. Cela représente un atout pour la PME de Terrebonne qui a l’ambition de construire des usines en Amérique du Nord (incluant au Québec), en Europe et en Asie.

 

Maquette d’une future usine Infinite LoopMC (source: Loop Industries)

 

Des tendances mondiales favorables

Selon Daniel Solomita, la réglementation de plus en plus stricte dans le monde pour réduire l’usage de plastique vierge (contenant du pétrole), à commencer par l’Europe, favorise le procédé développé par Loop Industries.

«En Italie et en Espagne, par exemple, les entreprises doivent payer une taxe de 450 euros pour chaque tonne de PET vierge contenant du pétrole», dit-il, en soulignant que sa technologie permet d’éviter de payer cette taxe, car elle s’inscrit dans un principe de développement durable et d’économie circulaire.

À elle seule, l’usine qui sera construite en partenariat avec Suez permettra de réduire les émissions de CO2 de 180 000 tonnes par année comparativement à la production de PET vierge issu des processus pétrochimiques traditionnels, soit l’équivalent d’environ 418 000 barils de pétrole.

La demande mondiale pour le plastique recyclé est aussi au rendez-vous.

Elle s’établit actuellement à environ 70 millions de tonnes métriques, et elle devrait croître de 4% par année pour atteindre 85 millions de tonnes en 2022, selon le Pet Polymer report, publié en 2018 par la firme IHS Markit.

De gros consommateurs de plastiques se sont aussi fixé des objectifs qui favorisent Loop Industries.

Par exemple, sur son site web, Coca-Cola indique qu’elle vise à rendre tous ses emballages de consommation 100% recyclables d’ici 2025. La multinationale veut aussi que ses emballages soient composés d’au moins 50% de matériaux recyclés d’ici 2030.