Intéressée par la technologie, Danone procédera à «une enquête interne ainsi qu’aux vérifications nécessaires».
La start-up québécoise en économie circulaire Loop Industries (LOOP, 7,55$US) «rejette» les allégations d’un rapport négatif d’une firme américaine à propos de sa technologie, qui a fait dégringoler le titre de la PME de Terrebonne depuis lundi.
Le président de Loop Industries, Daniel Solomita, a décliné la demande d’entretien de Les Affaires pour commenter le rapport de Hinderburg Research, qui affirme que «Loop est de la fumée et des miroirs sans technologie viable», peut-on lire noir sur blanc dans ce rapport publié le 13 octobre.
Dans un courriel à Les Affaires, Stéphanie Corrente, la porte-parole de la société québécoise, affirme : «Comme l’indique notre communiqué de presse émis le 13 octobre, Loop Industries rejette les allégations contenues dans le rapport, qui sont inexactes ou fondées sur la première génération de notre technologie, qui n’est plus d’actualité depuis 2017. »
Hinderburg Research n’est pas totalement neutre dans ce bras de fer avec Loop Industries, car il s’agit d’un investisseur activiste.
Selon La Presse, l’entreprise affirme avoir vendu des actions de Loop Industries à découvert, ce qui signifie qu’elle pourrait profiter de la chute du titre qu’elle a provoquée en publiant son rapport dévastateur.
Le titre de Loop Industries a connu une chute importante depuis lundi. (source: Yahoo! finance)
Loop Industries dit ne pas vouloir commenter davantage cette affaire, car elle prépare sa riposte aux allégations de Hinderburg Research.
«Nous travaillons actuellement à une réponse qui contiendra plus d’information à ce sujet. Entre temps, nous n’accordons pas d’entrevue», indique dans un autre courriel Stéphanie Corrente.
En attendant, Gerry Sweeney, un analyste financier de la firme californienne Roth Capital, s’est porté mercredi à la défense de Loop Industries, rapporte le blogue financier Seeking Alpha.
Selon M. Sweeney, le rapport de Hinderburg Research «prend des informations clés et les déforme ou les sort de leur contexte pour créer un niveau de préoccupation qui n’est pas fondé», rapporte Seeking Alpha.
Gerry Sweeney n’a pas répondu à notre demande d’entretien, et il n’a pas été possible d’avoir accès directement à son analyse.
Fondée en 2014, Loop Industries a développé une technologie brevetée qui permet de recycler les déchets plastiques avec une faible intensité énergétique, c’est à dire à moins de 100 degrés Celcius.
Concrètement, son procédé permet de recycler plus efficacement le plastique PET (polyéthylène téréphtalate) que l’on retrouve dans une foule de produits (bouteilles d’eau, chemises, tapis, etc.) et de créer une nouvelle résine vierge.
La technologie de Loop Industries permet donc d’accélérer la transition mondiale vers un plastique PET et des fibres de polyester durables (sans pétrole), ce qui permet de réduire la dépendance de l’industrie aux combustibles fossiles.
Loop a récemment conclu une alliance avec Suez
Au début du mois de septembre, la PME québécoise et la multinationale française Suez ont annoncé une alliance afin de construire en Europe une usine de production de plastique à 100% recyclé et recyclable à l’infini, ce qui permettra de réduire les émissions de CO2 et la consommation de pétrole.
Au moment de mettre cet article en ligne, la multinationale française n’avait répondu à notre demande d’entrevue pour avoir des commentaires à propos des allégations de Hinderburg Research.
Dans un article publié mercredi soir sur son site web, le Wall Street Journal indique avoir communiqué avec un porte-parole de Suez pour lui demander si la multinationale avait mené une vérification raisonnable à propos de la technologie de Loop Industries.
Le porte-parole a référé le quotidien financier au communiqué de la start-up québécoise publié le 13 octobre, mais qui ne fait pas référence à l’alliance conclue en septembre avec Suez.
Cette future usine —une coentreprise qui sera mise en service en 2023— représente un investissement de 200 millions d’euros (310 millions de dollars canadiens). Loop Industries et Suez injecteront chacune 100 M d’euros dans ce projet, dont l’emplacement en Europe sera déterminé d’ici 6 mois, a indiqué à Les Affaires en septembre Daniel Solomita.
Loop Industrie exploite une usine pilote à Terrebonne dotée d’une production de 365 tonnes par année. La PME n’engrange pas encore de revenus commerciaux, ce qui signifie qu’elle finance à l’heure actuelle ses activités grâce aux capitaux des investisseurs.
Des partenaires potentiels prudents
Par contre, la start-up affirme que cette usine lui a permis de valider sa technologie de recyclage et de signer des ententes d’approvisionnements futurs avec de grandes marques mondiales telles que Cola-Cola, Pepsi, L’Oréal et Danone.
Ce mercredi, La Presse a contacté ces quatre multinationales.
Or, seule L’Oréal Canada a répondu à sa demande, en indiquant qu’elle n’avait aucun partenariat avec Loop.
«Il semble qu’ils [Loop] aient une entente avec L’Oréal International et malheureusement, je n’ai pas de détails», a indiqué dans un courriel au quotidien montréalais la porte-parole de L’Oréal Canada, Virginie Hotte-Dupuis.
En entrevue à Les Affaires en septembre, Daniel Solomita avait indiqué que les ingénieurs de Danone «ont passé 18 mois à Terrebonne pour faire des tests» et «qu’ils ont même importé des déchets de la France afin de s’assurer que notre technologie répondait à leurs attentes en termes de qualité».
Il n’a pas été possible de parler directement à un porte-parole de Danone en France.
Par contre, dans une déclaration écrite acheminée à Les Affaires, le groupe affirme qu’il fera ses propres vérifications afin de valider les allégations de Hindenburg Research.
«Afin d’explorer la faisabilité technique de l’utilisation du plastique Loop, nous avons lancé une petite production pilote de bouteilles recyclées avec du plastique fourni par Loop Industries. Nous prenons note des résultats du rapport de Hindenburg Research et nous procéderons à une enquête interne ainsi qu’aux vérifications nécessaires.»
Dans sa déclaration, Danone indique qu’elle a conclu des partenariats avec plusieurs fournisseurs de matériaux recyclés, dont Loop Industries, afin d’explorer des solutions permettant à Danone de réaliser son objectif 2025 sur les emballages recyclés.