Main-d’oeuvre: 60% des manufacturiers perdent de l’argent
François Normand|Publié le 15 Décembre 2023Six entreprises sur 10 ont dû refuser des contrats, réduire le nombre de projets sur lesquels ils soumissionnent ou encore écoper de pénalités dues aux retards de livraison. (courtoisie: Métal Bernard)
Ça commence à faire pas mal d’argent laissé sur la table. Près de 60% des entreprises manufacturières du Québec refusent des contrats, réduisent leurs soumissions ou encaissent des pénalités en raison des retards de livraisons, révèle un nouveau sondage de Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ) publié ce vendredi matin.
«La pénurie de main-d’oeuvre est encore le principal frein pour la croissance du secteur manufacturier. L’impact économique est bien réel, et ce, partout à travers le Québec depuis plusieurs années. Si l’on veut atténuer l’impact de la pénurie de main-d’oeuvre, et par le fait même, augmenter la productivité des manufacturiers, les gouvernements devront mettre de l’avant des mesures plus précises et ayant plus d’impact», affirme dans un communiqué la PDG de MEQ, Véronique Proulx.
L’organisme a mené ce sondage auprès de plus de 168 entreprises qui ont des postes à combler, soit un échantillon relativement petit.
Selon MEQ, la pénurie de main-d’œuvre n’affecte pas les sociétés sondées de la même manière. Par exemple, la majorité des entreprises qui rencontrent la difficulté à pourvoir les postes vacants comptent moins de 100 employés.
En revanche, les organisations de moins de 250 employés sont plus nombreuses à avoir dû refuser des contrats ou réduire leurs soumissions en raison d’un manque de personnel.
Quant aux plus grandes entreprises, elles sont les plus nombreuses à avoir envisagé de déménager leurs opérations à l’extérieur du Québec.
Des impacts concrets sur les entreprises
Cette situation a un impact réel sur la croissance de l’industrie manufacturière, déplore MEQ:
- Six entreprises sur 10 ont dû refuser des contrats, réduire le nombre de projets sur lesquels ils soumissionnent ou encore écoper de pénalités dues aux retards de livraison. Cette proportion bondit à 67 % si l’on considère uniquement les entreprises de moins de 250 employés;
- Quatre entreprises sur 10 ont dû retarder ou annuler des investissements à cause de la pénurie de main-d’œuvre. Encore une fois, les plus petites entreprises sont davantage touchées par cette réalité: 51 % des entreprises de moins de 250 employés, comparativement à 35 % pour les entreprises de plus de 250 employés;
- Deux entreprises sur 10 ont envisagé de déménager une partie de leurs activités à l’étranger ou de donner davantage de contrats à l’étranger en raison de la pénurie de main-d’oeuvre. Cette réalité touche davantage les entreprises de plus de 500 employés (29 %), puisque les PME ont moins de possibilités de recourir à des solutions hors Québec (16 % pour les entreprises de moins de 100 employés).
International, formation, taux d’intérêt
Le sondage de MEQ fait aussi état d’autres problématiques, comme la difficulté de recruter des travailleurs à l’étranger, et ce, en raison des délais, des coûts et de la complexité du processus.
La formation de la main-d’œuvre pour aider à pourvoir de nouveaux postes à l’interne est aussi tout un casse-tête, notamment en raison de l’aide du gouvernement qui est souvent jugée insuffisante.
Selon MEQ, la hausse des taux d’intérêt, jumelée à la pénurie de travailleurs, «forme une tempête parfaite, et freine le développement de certaines entreprises ou encore fragilise leur santé économique à long terme».
Trois entreprises manufacturières sondées pâtissent de l’augmentation du coût du crédit.
Cette situation entraîne une hausse des paiements d’intérêt (56 % des entreprises), le retard ou l’annulation d’investissements (26 % des entreprises) et un manque de liquidités (20 % des entreprises).
Les sociétés qui ont répondu au sondage pointent des pistes de solution, dont la plupart sont des classiques: l’automatisation et la robotisation, la facilitation du recrutement international, l’investissement dans la formation, ainsi que l’attraction des jeunes dans le secteur.
En revanche, MEQ fait remarquer que l’automatisation et la robotisation apportent aussi leur lot de défis de main-d’oeuvre, car «les corps de métier capables de manoeuvrer ces technologies sont particulièrement recherchés».