Depuis la Grande récession de la fin des années 2000, on assiste à une montée du protectionnisme et du nationalisme économique en Occident et ailleurs dans le monde. (Photo : Michaël Drapeau)
ANALYSE ÉCONOMIQUE. Des États-Unis à l’Europe, les gouvernements multiplient les initiatives qui misent sur le protectionnisme ou le nationalisme économique. Malgré tout, notre secteur manufacturier peut limiter les impacts négatifs, voire en profiter, si le Québec accroît son autonomie industrielle et diversifie davantage ses exportations.
Voilà le principal message qui ressort d’une étude que vient de publier la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) qui s’intitule Comment se protéger du protectionnisme: considérations stratégiques pour le secteur manufacturier québécois.
Depuis la Grande récession de la fin des années 2000, on assiste à une montée du protectionnisme et du nationalisme économique en Occident et ailleurs dans le monde.
Aux États-Unis, ce mouvement a pris son envol sous l’administration de Barack Obama, pour s’accentuer sous celle de Donald Trump. Le président Joe Biden n’a pas changé de politique, car le protectionnisme et le nationalisme économique sont devenus des enjeux bipartisans chez nos voisins américains.
Résultat, plusieurs initiatives sont apparues qui affectent directement les entreprises du Québec, notamment celles qui sont actives dans la filière des minéraux critiques et stratégiques (MCS) ainsi que dans les énergies et les technologies vertes.
L’équipe de la FCCQ en analyse cinq et leur impact potentiel sur le secteur manufacturier québécois.
• le Buy American Act et les dispositions Buy America (y compris l’Infrastructure Investment and Jobs Act et le Build America, Buy America Act);
• le CHIPS and Science Act;
• l’Inflation Reduction Act (et le Minerals Security Partnership);
• la Stratégie industrielle pour l’Europe;
• le Plan industriel du Pacte vert (en plus du Plan REPowerEU et du Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières).
Pour s’adapter à ces politiques, la FCCQ propose que le Québec déploie dix stratégies.
1.(Diversification) – Offrir aux manufacturiers québécois tous les outils disponibles et envisageables pour renverser la tendance à la concentration croissante des exportations internationales du Québec vers les États-Unis, et ce, pour miser davantage sur l’Asie-Pacifique et l’Europe.
2.(Dépendance) – Ralentir significativement, voire renverser, la tendance à l’accroissement des importations de semi-conducteurs et de matériel microélectronique en provenance de la Chine et de Taïwan, et ce, afin de favoriser des approvisionnements qui originent de la Corée du Sud, du Vietnam, du Japon, des Pays-Bas, des États-Unis, sans parler de la fabrication locale.
3.(Importation) – Ralentir significativement, voire renverser, la tendance à l’accroissement des importations de batteries, de cellules photovoltaïques et de matériel électrique en provenance de Chine et de Taïwan. Si possible, le Québec devrait viser des approvisionnements qui oruginent de la Corée du Sud, du Vietnam, du Japon, de la Malaisie, de l’Inde, de la France, des États-Unis, sans parler de la fabrication locale.
4.(Réglementation) – Accélérer l’approbation des projets d’exploration et d’exploitation minière dans le créneau des MCS, puis encourager les projets de 2e et de 3e transformation au-delà de la filière batterie (par exemple, l’éolien, l’aérospatiale, la microélectronique, le matériel électrique, les alliages avancés, etc.). Il faudrait aussi envisager d’ajouter le fer de haute pureté (de 62 % à 70 %) et l’acier décarboné à la liste des MCS au Québec.
5.(Diversification) – Accélérer significativement la diversification des sources d’approvisionnement québécoises dans le créneau des MCS, et ce, afin de limiter au maximum les importations en provenance de la Chine, en particulier pour le magnésium et les terres rares.
6.(Réseautage) – Intensifier significativement la présence et le travail du réseau international du ministère des Relations Internationales et de la Francophonie ainsi que d’Investissement Québec International en Europe, et ce, afin d’accroître et de diversifier les exportations manufacturières québécoises vers les marchés de l’Union européenne.
7.(Substitution) – Profiter au maximum du développement de nouveaux créneaux industriels européens de pointe afin de diversifier nos sources d’approvisionnement en substituant à nos importations en provenance de la Chine l’importation d’intrants et de produits européens dans les secteurs des MCS (terres rares, magnésium, etc.), des semi-conducteurs et des panneaux solaires.
8.(Décarbonation) – Accélérer la décarbonation du secteur manufacturier québécois, et en particulier des différentes filières de première transformation des métaux. Envisager aussi de réintégrer le secteur de l’aluminium aux critères d’admissibilité pour le congé fiscal québécois dédié aux projets industriels majeurs (100 millions de dollars et plus).
9.(Traçabilité) – Investir massivement dans la traçabilité de nos chaînes d’approvisionnement manufacturières, notamment pour sécuriser l’accès de nos exportateurs aux marchés qui adoptent une tarification du carbone aux frontières, des exigences protectionnistes de contenu local ou allié et/ou des dispositions législatives contraignantes sur la traçabilité ESG des chaînes d’approvisionnement.
10.(Accompagnement) – Profiter au maximum des stratégies et des programmes de soutien fédéraux et québécois dédiés aux filières des MCS et des technologies/énergies vertes, ainsi qu’à la décarbonation et à l’autonomie industrielle. Envisager aussi d’inclure à ces stratégies et programmes des volets, voire des critères d’admissibilité, liés à l’approvisionnement local et/ou à la diversification des marchés d’exportation.
Bien entendu, ces 10 stratégies ne sont pas une panacée et ne règleront pas tous les défis auxquels fait face le secteur manufacturier québécois en raison de la montée du protectionnisme et du nationalisme économique.
En revanche, si elles sont déployées, elles contribueront certainement à réduire les impacts négatifs sur nos entreprises, tout en leur permettant de profiter de nouvelles occasions d’affaires.
Les risques politiques et économiques ne sont pas une fatalité.
Une fois compris et analysés, ils peuvent permettre à des organisations de rebondir afin d’être plus résilientes et plus compétitives.