Northvolt: les Québécois veulent d’abord un BAPE, dit un sondage
Dominique Talbot|Publié le 28 février 2024Elle n’a pas subi de pressions politiques pour modifier ses rapports, assure le SPGQ, contrairement à ce qu’a laissé entendre l’opposition dans ses attaques contre le gouvernement la semaine dernière. (Photo: La Presse Canadienne)
Ils sont peut-être d’accord avec la construction d’une usine de batteries de Northvolt, mais les Québécois sont surtout d’accord que le projet soit soumis à une enquête du BAPE, indiquent les résultats d’un sondage publié mercredi après-midi.
Dans une proportion de 68%, les 1122 personnes sondées par la firme Pallas dans l’ensemble du Québec se disent d’accord pour que le projet Northvolt passe d’abord par une étude du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE).
Par ailleurs, 53% des répondants se disent favorables au projet de Northvolt, contre 30% qui se disent défavorables ou très défavorables à celui-ci.
Le sondage mené par Pallas a été commandé par la Fondation David Suzuki, le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE), Greenpeace, Nature Québec, Équiterre, SNAP Québec, Eau Secours, et le Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets (FCQGED).
La même proportion, 53%, «rejettent l’approche du gouvernement qui a modifié la réglementation, ce qui a eu pour effet de soustraire le projet de Northvolt à la tenue d’un BAPE obligatoire», indique le document.
«Les gens veulent embarquer dans la transition, mais ils veulent aussi avoir des informations sur la façon dont on la fait et où on s’en va», exprime Marc-André Viau, directeur des relations gouvernementales chez Équiterre.
«On envoie les ministres réprimander, on voit le premier ministre demander de changer d’attitude, alors qu’ils ne fournissent pas les informations de base. C’est mauvais pour les Québécois. Mais c’est mauvais aussi pour les entreprises qui veulent avoir un contexte et un environnement dans lesquels elles pourront œuvrer en toute connaissance de cause et que les règles soient applicables à tout le monde.»
«On semble faire des règles différentes selon qui vient cogner à la porte et ajuster ça en fonction de nos priorités du moment. Alors il n’y a plus de prévisibilité pour personne. Les citoyens ne savent pas à quoi s’en tenir et les entreprises ne savent pas à quoi s’en tenir. Ce n’est pas une bonne façon de gouverner», poursuit-il
Selon les données recueillies, 64% des électeurs de la CAQ sont plutôt en accord avec le fait de soustraire le projet à l’étude du BAPE. À l’opposé, 81% des électeurs de Québec Solidaire et 61% des électeurs du Parti Québécois sont en désaccord. 49% des électeurs du Parti libéral du Québec disent la même chose, ainsi que 65% de ceux du Parti conservateur du Québec.
La construction de l’usine de Northvolt, et le fait qu’elle ne soit pas soumise en totalité à un examen du BAPE, nourrissent de plus en plus la controverse et continue de plomber les efforts du gouvernement pour faire accepter le projet dans la population.
Par exemple, La Presse a rapporté que le 6 février 2023 le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, a eu un déjeuner avec le PDG de Northvolt pour l’Amérique du Nord, Paolo Cerruti. Et cela, bien avant que l’entreprise ne s’inscrive au registre des lobbyistes du Québec.
Deux semaines plus tard, un projet de modification réglementaire était déposé par le gouvernement, évitant à Northvolt d’être soumise à une évaluation du BAPE. Avant cette modification, entrée en vigueur en juillet 2023, soit avant l’annonce de la construction de l’usine, tout projet dépassant une production annuelle de 50 000 tonnes devait passer par le BAPE. Cette limite est maintenant de 60 000 tonnes, alors que Northvolt prévoit une production annuelle de 56 000 tonnes.
Le ministre Fitzgibbon assure sur toutes les tribunes qu’il n’a pas changé les règles pour favoriser Northvolt. À la fin janvier, au micro de Paul Arcand, le ministre s’était dit «absolument» inquiet par «l’élan d’hostilité» envers le projet d’usine de batteries de Northvolt en Montérégie.
«Il faut faire attention. Ma crainte, c’est qu’on touche à la crédibilité du Québec» et «disons que, des gens, clairement, se questionnent» et «ils se demandent “est-ce qu’on est bienvenu au Québec?”», avait-il aussi exprimé.
Rappelons que Québec et Ottawa ont offert 2,75 milliards de dollars (G$) pour financer la construction de l’usine de Northvolt. Au total, le maximum des subventions offertes à l’entreprise par les deux capitales atteint 4,6G$.
«Personne dans nos organisations ne revendique l’abandon de ce projet-là. Ce que nous voulons, c’est que les processus soient respectés, et que la réglementation soit respectée», dit Marc-André Viau, qui demande au gouvernement d’aller de l’avant avec le BAPE pour régler la question.
«C’est ce qui manque et c’est ce que les Québécoises et Québécois réclament. Ça fait deux sondages qui le disent, affirme-t-il. C’est comme ça que nous en arriverons à avoir confiance dans les décisions du gouvernement et dans le fait que l’on prend les meilleures décisions dans l’intérêt collectif et non pas parce qu’un ministre dit: “Moi, c’est ça que je veux”.»
Au moment d’écrire ces lignes, le cabinet de Pierre Fitzgibbon n’a pas donné suite à la demande d’entrevue de Les Affaires.
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