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Pas de rattrapage de l’Ontario sans choc concurrentiel

François Normand|Publié le 16 mars 2023

Pas de rattrapage de l’Ontario sans choc concurrentiel

Depuis la première élection de son gouvernement en 2018, le premier ministre François Legault a fait du rattrapage du niveau de vie avec nos voisins ontariens l’un de ses principaux chevaux de bataille. (Photo: 123RF)

À moins qu’il n’amorce une réforme en profondeur pour stimuler la concurrence, le Québec ne pourra pas atteindre son objectif de rejoindre le niveau de vie l’Ontario d’ici 2036. Pis encore, son économie «risque de s’enliser dans la même spirale qui afflige l’économie canadienne» depuis des années.

Voici les deux principaux constats qui ressortent de la nouvelle étude annuelle Productivité et prospérité au Québec Bilan 2022, que publie ce jeudi le Centre sur la productivité et la prospérité — Fondation Walter J. Somers (CPP) à HEC Montréal.

Depuis la première élection de son gouvernement en 2018, le premier ministre François Legault a fait du rattrapage du niveau de vie avec nos voisins ontariens l’un de ses principaux chevaux de bataille.

En 2021, le niveau de vie au Québec était en moyenne de 5 960$ inférieur à celui en Ontario, selon l’étude du CPP.

La Coalition avenir Québec (CAQ) compte augmenter notre richesse collective de deux manières: en misant sur une augmentation du bassin de travailleurs et du taux d’emploi de la population active (20% de l’écart à combler avec l’Ontario), mais surtout par une hausse de la productivité (80% de l’écart à combler avec l’Ontario).

 

Québec vise la mauvaise cible

Or, si le Québec a fait des progrès importants pour rattraper l’Ontario ces dernières années, beaucoup de chemin reste à faire, soulignent les trois auteurs de l’étude, Robert Gagné, Jonathan Deslauriers et Jonathan Paré.

À leurs yeux, le problème du Québec réside dans le fait que les gouvernements déploient des mesures de soutien aux entreprises qui misent sur la création d’emplois, alors qu’il faudrait avant tout miser sur la compétitivité et la productivité des entreprises.

En entrevue à Les Affaires, Robert Gagné, professeur d’économie à HEC Montréal et directeur du CPP, affirme que la meilleure stratégie pour y arriver est de les exposer systématiquement à beaucoup plus de concurrence à l’intérieur du marché canadien.

«C’est comme ça que la productivité va augmenter. Les entreprises se sentiront plus menacées», insiste-t-il, en expliquant que cela les incitera davantage à prendre des risques, à innover et à investir dans les nouvelles technologies.

Parmi les secteurs au Canada reconnus pour leur manque de concurrence, l’économiste mentionne ceux du transport aérien, des télécommunications et des banques.

Sur l’enjeu de la concurrence, l’étude que le CPP publie ce jeudi va donc dans le même sens qu’une autre étude que l’organisme a publiée en novembre à ce sujet, Retard de productivité du Canada: Et si la réponse se trouvait du côté de la concurrence?

Selon Robert Gagné, une des façons d’exposer davantage les entreprises québécoises à la concurrence est de réduire l’aide de l’État, qui est toute proportion gardée trois fois plus importante au Québec qu’en Ontario.

 

(Infographie: Productivité et prospérité au Québec Bilan 2022)

L’économiste propose que le gouvernement Legault évalue l’ensemble des crédits d’impôt qui existent afin d’évaluer s’ils sont efficaces et essentiels — un exercice qui n’aurait jamais été fait.

Et les crédits d’impôt qui ne passeraient pas ce test de pertinence devraient être abolis.

«Québec pourrait ainsi prendre les économies réalisées et baisser les impôts des entreprises au lien de les soutenir artificiellement», dit-il.

 

Comparons-nous à l’OCDE, pas à l’Ontario

Par ailleurs, Robert Gagné questionne le choix de se comparer à l’Ontario pour augmenter le niveau de vie des Québécois.

Il fait remarquer que le niveau de vie au Canada est en déclin par rapport à la plupart des pays de l’Organisation de coopération et de développements économiques (OCDE) analysés par l’étude du CPP.

Ainsi, en 1981, le Canada se classait au 6e rang, avec un PIB par habitant de 41 890$ CA (une valeur calculée à parité de pouvoir d’achat), au-dessus de la moyenne de l’OCDE (38 830$ CA).

Or, en 2021, le pays avait glissé au 12e rang, avec un PIB de 65 651$ CA, sous le moyenne de l’OCDE (70 598$ CA).

«Globalement, le Canada est en déclin. Et dans ce Canada en déclin, on se compare à la moyenne des “déclineux”, soit l’Ontario. C’est ambitieux comme projet de société!», laisse tomber avec ironie Robert Gagné.

Et, si la tendance se maintient, le niveau de vie du Canada devrait encore descendre d’ici 2060 au sein des pays de l’OCDE, selon une analyse du ministère des Finances à Ottawa, citée dans le rapport du CPP.

C’est la raison pour laquelle l’économiste à HEC Montréal estime que le Québec devrait plutôt se comparer à la moyenne de l’OCDE pour augmenter son niveau de vie, et non pas à celui de l’Ontario.

Et à celui du Canada.