Pierre Fitzgibbon, architecte de la filière batterie, quitte la politique
Dominique Talbot|Mis à jour le 03 septembre 2024Pierre Fitzgibbon (Photo: Simon Prelle)
Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie et le ministre responsable du Développement économique régional, quitte la politique. L’information a été confirmée mardi par
Les Affaires, après avoir été dévoilée par le journaliste Tommy Chouinard de La Presse.
Homme fort du gouvernement Legault, architecte de la filière batterie, le ministre devrait annoncer mercredi matin les raisons de son départ. Selon les informations obtenues par Les Affaires, le «super-ministre» souhaitait rester en poste jusqu’en décembre pour participer aux consultations publiques en commission parlementaire de son projet de loi sur l’énergie, déposé en juin. Mais afin d’éviter les distractions dans les mois à venir, le premier ministre François Legault aurait tranché et les deux hommes se sont mis d’accord pour que son poids lourd de l’économie démissionne dès maintenant.
Pas plus tard que mardi matin, il entretenait encore le flou sur son avenir politique au micro de l’émission matinale de Patrick Lagacé, sur les ondes du 98,5. En réponse à une question de l’animateur s’il s’agissait de leur dernière entrevue ensemble, Pierre Fitzgibbon a dit: «Non non non. J’ai passé l’été à me promener dans les régions, personne ne m’a demandé quand je partais. Je pense qu’il faut faire attention aussi. Je ne pense pas que les Québécois sont aussi soucieux de ça».
Plus tard dans la matinée, il a également accordé des entrevues à titre de ministre à Patrick Masbourian et Mario Dumont. Dans ses trois entrevues de la journée, il a principalement défendu les investissements de son gouvernement dans le projet Northvolt.
Il quittera ses fonctions alors que les principaux projets de la filière batterie battent de l’aile, et avant le début des consultations publiques de son projet de loi sur l’énergie déposé au mois de juin dernier et qui propose d’importants changements chez Hydro-Québec.
Le 19 avril dernier, en table éditoriale avec Les Affaires, il nous confiait qu’il n’allait pas se présenter aux élections de 2026, ce qui n’avait pas manqué de faire les manchettes.
«En politique, on n’annonce jamais son départ avant le matin du départ. Moi, je crois beaucoup en la relève. Dans ma carrière, j’ai toujours fait ça. J’ai été assez longtemps à un endroit pour avoir une incidence, mais pas trop longtemps pour qu’on dise qu’il est temps que je m’en aille.»
Quand Les Affaires lui avait demandé, «Huit ans en politique, est-ce assez?», il avait répondu: «Oui, oui. Je préfère m’en tenir à deux mandats. Je serais plus jeune que Biden, mais je pense qu’il faut laisser la relève. Je crois en ça.»
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Pas plus tard que la semaine dernière, il n’avait rien fait pour ralentir la machine à rumeurs alors qu’il avait déclaré en point de presse qu’il « préparait la relève. »
«Je suis fier d’avoir participé à l’élaboration du projet de loi qui a été déposé au mois de juin. On va voir pour l’avenir, quand la relève va prendre place. […] On ne rajeunit pas et il faut laisser la place à la relève, à laquelle je crois beaucoup», avait-il dit à propos de son projet de loi sur l’énergie, tout en rappelant qu’à 70 ans, il ne «rajeunissait pas».
Mais, avait-il tempéré, «j’ai beaucoup d’énergie. J’ai passé un très bon temps, je m’amuse dans le travail que je fais. Je suis intellectuellement motivé. On va prendre ça étape par étape». Visiblement, il en était à la dernière étape de son parcours politique qui n’a pas toujours été de tout repos.
Souvent qualifié «d’électron libre», tant par les commentateurs que ses collègues du Parlement, le politicien a été l’objet de six enquêtes de la commissaire à l’éthique de l’Assemblée nationale. Deux fois, en 2020 et en 2021, la commissaire en était arrivée à la conclusion qu’il avait enfreint le Code d’éthique. D’ailleurs en 2021, M. Fitzgibbon avait démissionné temporairement du conseil des ministres en raison de sa participation financière dans deux entreprises.
Plus récemment, Pierre Fitzgibbon a occupé une grande place dans l’actualité politique québécoise avec l’arrivée de différents projets dans ce qui est maintenant convenu d’appeler la filière batterie. Depuis plus de deux ans, son ministère a annoncé pas moins de 17 milliards de dollars (G$) de projets dans l’industrie des batteries pour véhicules électriques. Mais sur les quatre principaux, soit ceux de Northvolt (6G$), Volta (750 millions de dollars M$), Ultimum Cam (610M$ – GM-Posco) et EcoPro Cam (Ford – 1,2G$), deux sont en difficulté.
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D’une part, le projet de Northvolt, qui pourrait être retardé de 12 à 18 mois en raison des difficultés de l’entreprise en Suède, et ensuite celui de Ford alors que la construction de son usine à Bécancour est à l’arrêt pour une deuxième fois en quelques mois. Sans compter Lion électrique, de Saint-Jérôme, dans laquelle Québec a investi près de 200M$ et qui connaît de sérieuses difficultés.
Dans ses dernières entrevues à titre de ministre, Pierre Fitzgibbon s’est dit confiant que ces projets dans lesquels Québec s’est engagé à verser plus de 3G$ allaient tout de même aller de l’avant et que les problèmes actuels étaient plutôt le reflet d’un réalignement dans l’industrie des véhicules électriques.