Même si le concept d’industrie 5.0 est plus développé en Europe, des entreprises québécoises commencent à l’embrasser, comme Métal Bernard. (Photo: courtoisie)
Le secteur manufacturier est en train d’amorcer une nouvelle évolution importante qui transformera la façon de faire des entreprises. Bienvenue à l’ère de l’industrie 5.0, où le développement de l’humain et la protection de l’environnement sont primordiaux.
Ainsi, le secteur serait rendu à sa cinquième évolution depuis le 18e siècle, mais avec une accélération de sa transformation depuis les années 1970, avec l’avènement de l’industrie 3.0 (automatisation), puis de l’industrie 4.0 (numérisation) depuis les années 2010 (voir encadré).
L’industrie 5.0 en est à ses balbutiements, comme on peut le constater ici et là sur Internet. Certains parlent même de buzz word pour décrire le phénomène.
Pour autant, c’est une question importante, à tel point que la Commission européenne a publié en janvier une analyse à ce sujet (Industry 5.0 – What this approach is focused on, how it will be achieved and how it is already being implemented).
« L’approche Industrie 5.0 contribue à trois des priorités de la Commission, soit une économie au service des citoyens, un pacte vert pour l’Europe et une Europe adaptée à l’ère numérique », souligne la CE.
Sans être nécessairement aussi spectaculaire que les révolutions industrielles précédentes, l’industrie 5.0 représente néanmoins une évolution importante, davantage en phase avec notre époque, estiment des spécialistes.
L’industrie 5.0 comble deux lacunes
« L’industrie 4.0 est une œuvre inachevée. On avait oublié deux composantes importantes, soit l’humain et l’environnement », affirme à Les Affaires Louis Duhamel, conseiller stratégique chez Deloitte.
Ce dernier a décortiqué le concept d’industrie 5.0 dans le cadre de la sixième édition de la conférence Transformation numérique — secteur manufacturier, des Événements Les Affaires, alors qu’il présentait la septième édition de Le point sur le Québec manufacturier (2010-2030, de négligé à champion sociétal).
Depuis une décennie, pas une semaine ne passe ou presque sans que l’on entende parler de l’industrie 4.0, soit une fusion entre les actifs physiques et numériques dans les entreprises manufacturières.
Dans une usine 4.0, la chaîne de production est non seulement automatisée, mais les machines interagissent aussi entre elles, notamment grâce à l’intelligence artificielle. C’est la raison pour laquelle on entend d’ailleurs souvent l’expression « manufacturier intelligent ».
L’industrie 5.0 garde tous ces éléments, mais elle fait en plus le point de convergence entre le numérique, la performance environnementale et l’humain.
Par exemple, au chapitre de la durabilité, une usine 5.0 prend plus conscience de la limitation des ressources, de la transition énergétique et de la diminution des gaz à effets de serre (GES), tout en tenant compte du cycle entier des produits et de la production.
« Si les entreprises font leur transformation numérique sans tenir compte de l’environnement, ce ne sera pas un succès », insiste Louis Duhamel.
Sur le plan des humains, l’industrie 5.0 favorise davantage leur bien-être, en plus de mettre davantage l’accent sur leur formation, insiste le conseiller stratégique. « Il faut faire des travailleurs en usine des travailleurs numériques », dit-il.
Des opérateurs aux analystes de machines
Même si le concept d’industrie 5.0 est plus développé en Europe, des entreprises québécoises commencent à l’embrasser, comme Métal Bernard, une PME beauceronne propriété du Groupe Mundial, spécialisée dans la transformation du métal en feuille.
En ce qui concerne les employés, le directeur de la transformation numérique, Gabriel Allard, explique que l’industrie 4.0 est une continuité de l’industrie 5.0, mais avec des humains mieux formés pour manœuvrer les machines.
« On a des gens qui sont davantage des analystes que des opérateurs de machines », précise-t-il.
Métal Bernard se considère comme une entreprise 4.0. En revanche, l’interconnexion entre les technologies numériques, les robots et sa chaîne de production n’est pas toujours optimale, admet Gabriel Allard.
Aussi, à ses yeux, l’évolution vers l’industrie 5.0 chez Métal Bernard permettra aux humains mieux formés de « faire le pont » entre les machines de la PME afin qu’elles communiquent mieux entre elles.
« Le rôle va changer pour l’humain ; il fera davantage de valeur ajoutée, tout en délaissant les tâches répétitives », explique Gabriel Allard.
Selon lui, l’industrie 5.0 permettra à Métal Bernard de continuer à faire des gains d’efficacité, comme la PME en a fait ces cinq dernières années.
Depuis 2017, le nombre d’heures travaillées dans l’usine a diminué en raison de la pénurie de main-d’œuvre — la PME n’est pas arrivée à combler tous les départs, incluant ceux à la retraite. Malgré tout, la production a augmenté de 25 % au cours de cette période.