Depuis l’automne 2022, l'Université Harvard – l’une des universités les plus prestigieuses au monde – offre un cours sur la francophonie en Amérique du Nord. (Photo: 123RF)
ANALYSE ÉCONOMIQUE. Le français est la troisième langue des affaires dans le monde après l’anglais et le mandarin. C’est pourquoi les entreprises ne doivent pas hésiter à brasser davantage des affaires dans la langue de Molière au Québec, mais aussi à l’étranger, à commencer par les États-Unis, quand c’est bien entendu possible.
Voilà grosso modo le message que livrera Charles Milliard, président et chef de la direction de la Fédération des Chambres de commerce du Québec (qui regroupe 123 chambres de commerce et 1100 membres corporatifs), lors d’une conférence qu’il prononcera uniquement en français à l’Université Harvard, le 27 avril.
Cette conférence s’intitulera La francophonie: un moteur de croissance économique pour les Amériques, et elle sera présentée à des étudiants, à des diplomates et à des conseillers en développement économique de la Nouvelle-Angleterre.
Charles Milliard abordera deux grands thèmes: les défis et les actions pour protéger la francophonie en Amérique du Nord ainsi que les opportunités économiques liées à la francophonie des affaires.
En entrevue à Les Affaires, il explique que l’adoption en 2022 de la Loi 96 (Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français) a suscité des inquiétudes dans les milieux d’affaires au Canada et à l’étranger, et qu’il sent le besoin de corriger le tir.
«On parle beaucoup du français dans un contexte défensif actuellement. Nous pensons qu’on devrait davantage en parler comme d’un outil de développement économique», insiste-t-il.
Depuis l’automne 2022, Harvard — l’une des universités les plus prestigieuses au monde — offre un cours sur la francophonie en Amérique du Nord.
Ce cours s’intéresse au Québec, mais aussi aux communautés francophones présentes aux États-Unis, qui pourraient compter jusqu’à 3,5 millions de locuteurs, selon le Centre de la francophonie des Amériques.
C’est sans parler des Américains qui revendiquent des origines canadiennes-françaises, dans la foulée des migrations de francophones en Nouvelle-Angleterre au 19e siècle, dont une partie importante des migrants provenait du Québec.
Les racines francophones de la Nouvelle-Angleterre
Par exemple, au New Hampshire, près d’un habitant sur quatre (23,2%) déclare avoir une identité canadienne-française, acadienne ou française. Plus étonnant encore: 10% de la population du comté de Coös, au sud du Québec, parle encore aujourd’hui français à la maison.
En fait, au Québec (et ailleurs dans l’Amérique du Nord anglo-saxonne), on méconnaît trop souvent l’importance de la langue française dans le monde, et du marché de centaines de millions de consommateurs que représente la Francophonie, selon Charles Milliard.
Dans son rapport 2022, l’Organisation mondiale de la Francophonie estime que la planète abrite 321 millions de francophones, ce qui fait du français la cinquième langue la plus parlée après l’anglais, le mandarin, l’espagnol et l’hindi.
C’est aussi la 4e langue d’internet, sans parler du fait que 51 millions de personnes (l’équivalent de la population de la Corée du Sud) apprennent le français actuellement sur tous les continents.
Bien entendu, les chances sont très minces de convaincre des entrepreneurs américains d’utiliser ou d’apprendre le français pour brasser des affaires au Québec.
Et oubliez toute stratégie d’approcher de futurs clients ou fournisseurs aux États-Unis en français, à moins que vous ayez l’assurance que votre interlocuteur comprend la langue de Molière.
Même si le français est la troisième langue des affaires, la lingua franca dans le monde demeure l’anglais, et encore plus au sud de la frontière!
En revanche, la prise de conscience, aux États-Unis ou ailleurs dans le monde, du poids économique de la langue française représente un atout pour le Québec.
Charles Milliard estime que nos entreprises peuvent être perçues comme des tremplins pour accéder à des marchés internationaux, à commencer par l’Europe et l’Afrique francophones.
Le fait que le Canada ait un accord de libre-échange avec l’Union européenne — les États-Unis et l’UE ont tenté d’en conclure un, mais sans succès — est doublement avantageux pour le Québec.
Non seulement le Québec offre aux entreprises américaines établies ici un accès privilégié au marché européen, mais il peut aussi leur procurer un accès bonifié en ayant le français comme langue commune avec des entreprises belges, françaises et suisses.
Et pourquoi pas dans certaines parties de l’Allemagne, puisque le moteur de l’Union européenne abrite 12,3 millions de francophones, selon l’Observatoire de la langue française (OLF).
Les patronats francophones se regroupent
La francophonie économique est à ce point dynamique que 26 États — comme la France, la Belgique, la Suisse, le Maroc, le Sénégal, le Liban, le Cambodge, le Laos et le Québec — ont lancé en mars 2022 l’Alliance des patronats francophones (APF).
Son siège social est situé à Paris et le Conseil du patronat du Québec (CPQ) occupe l’un des neuf postes de vice-présidence.
Un chiffre était marquant l’an dernier lors du lancement de cette organisation: 20% des échanges commerciaux dans le monde se font entre des pays francophones.
C’est considérable étant donné que les 321 millions de francophones ne pèsent que pour 4% de la population mondiale.
Toutefois, il faut garder par exemple en tête qu’un pays comme le Vietnam (97 millions d’habitants), qui est membre de l’Organisation mondiale de la Francophonie, ne compte en fait que 693 000 francophones.
Aussi, cette situation pondère à la hausse le poids des pays francophones dans le commerce international.
Cela dit, le français figure parmi les langues les plus dynamiques dans le monde.
Il progresse aussi très rapidement.
Selon l’OLF, le français pourrait même être la langue officielle de plus d’un milliard de personnes en 2065.
Dans ce contexte, on peut comprendre que la Fédération des chambres de commerce du Québec soit en opération séduction aux États-Unis.
En français.