Tarifs douaniers: Trump pourrait exempter des industries, dont l’aéronautique
François Normand|Publié à 16h45 | Mis à jour à 16h53Un avion Bombardier Challenger 350 (Photo: courtoisie)
ANALYSE GÉOPOLITIQUE. Trois secteurs de l’économie canadienne névralgiques pour les États-Unis pourraient être exemptés d’éventuels tarifs douaniers mis en place par la prochaine administration de Donald Trump, en raison de l’intégration des chaînes de valeur. C’est le cas du secteur québécois de l’aéronautique, un pilier de notre économie.
C’est l’une des hypothèses — et non pas une prévision — qu’émet Randall Bartlett, directeur principal, économie canadienne au Mouvement Desjardins, dans une note qui s’intitule Échanges commerciaux: quelles sont les provinces canadiennes les plus exposées à d’éventuels tarifs américains?
«En raison d’une importante intégration des chaînes d’approvisionnement au Canada et aux États‑Unis dans l’industrie aéronautique, il est aussi possible que celle‑ci soit exemptée d’une éventuelle hausse tarifaire», écrit-il.
Malgré tout, Randall Bartlett rappelle que le secteur québécois de l’aéronautique est «vulnérable» à d’éventuels tarifs, tout comme ceux des biens de consommation et de la foresterie.
Les producteurs canadiens de bois d’œuvre qui exportent aux États-Unis sont d’ailleurs déjà assujettis actuellement à des droits compensateurs de 14,5%. Pourtant, le marché américain manque de bois pour construire des maisons, selon le Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ).
Cette taxe de 14,5% sur le bois canadien importé aux États-Unis est donc un non-sens économique dans ce contexte.
Et on pourrait en rajouter!
Durant sa campagne électorale et aujourd’hui encore, le président élu Donald Trump s’est engagé à imposer des tarifs de 10 à 20% sur tous les produits importés aux États-Unis, incluant ceux en provenance du Canada — malgré le libre-échange continental.
Dans le cas de la Chine, on parle de tarifs de 60%.
Cette question de possibles exemptions de secteurs canadiens stratégiques pour les États-Unis est cruciale pour le Québec.
Le premier poste des exportations du Québec
En 2023, l’industrie aérospatiale était le premier poste des exportations québécoises de marchandises, avec 13,5% du total des expéditions québécoises à l’étranger, souligne une analyse du ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie (MEIE).
L’an dernier, cette industrie — qui a réalisé des ventes de 21 milliards de dollars et employait 41 700 personnes au Québec — était responsable de 90,9% des exportations canadiennes d’aéronefs, de 74,5% des exportations de moteurs d’aéronefs au Canada et de 32,7% des exportations canadiennes de pièces d’aéronefs et autres composants aérospatiaux.
On peut comprendre facilement le poids disproportionné du Québec dans le bilan canadien, quand on s’attarde aux entreprises qui sont implantées dans la grappe de l’aérospatiale de la grande région de Montréal.
On compte de grands joueurs internationaux comme Pratt & Whitney Canada, Bombardier, CAE, Héroux-Devtek, Rolls-Royce, sans parler de Bell Textron Canada, Thales, Airbus, Lockheed Martin ou de Boeing.
On compte plusieurs entreprises américaines actives dans l’industrie québécoise, qui exportent en partie leurs produits aux États-Unis.
La situation ne manquerait pas d’ironie si Washington taxait ses propres entreprises à l’étranger…
Hydrocarbures et automobile
Selon l’économiste de Desjardins, les deux autres secteurs qui pourraient être exemptés de tarifs de 10 à 20% sont l’industrie pétrolière et gazière ainsi que l’industrie automobile, et ce, en raison de l’intégration des chaînes de valeur.
Grande productrice d’hydrocarbures, l’Alberta en bénéficierait au premier chef, mais aussi la Saskatchewan et Terre-Neuve-et-Labrador. Le Nouveau-Brunswick pourrait aussi être épargné, car les produits pétroliers raffinés et le charbon de cette province sont exportés aux États-Unis.
Dans le cas de l’automobile, l’une des industries les plus intégrées en Amérique du Nord, c’est l’Ontario qui profiterait au plus haut point d’une éventuelle exemption sur des tarifs imposés par Washington.
Selon l’Association canadienne des constructeurs de véhicules, «les pièces et les composantes peuvent traverser les frontières américaines, canadiennes et mexicaines jusqu’à huit fois avant d’être installées dans un véhicule dans une usine de montage».
Aussi, dans ce contexte, on comprend mieux que la possibilité d’appliquer des tarifs de 10 à 20% soit potentiellement très dommageable pour l’économie canadienne et américaine.
Reste à voir si la Maison-Blanche fera la même lecture.