Former la main-d'œuvre, dont les gestionnaires, est un objectif économique direct et concret, que ce soit pour pallier le manque de main-d’œuvre, accroître la productivité ou même favoriser la performance environnementale. (Photo: 123RF)
EXPERTE INVITÉE. Que ce soit pour atténuer l’impact de la pénurie de main-d’œuvre, mieux répondre aux besoins des clients ou encore se conformer aux nouvelles normes environnementales, nos entreprises doivent s’adapter.
Cette transformation passe souvent par l’adoption de nouvelles technologies. Pensons à la robotisation, l’automatisation ou l’intégration de l’intelligence artificielle.
Pour y arriver, cela prend des investissements, bien entendu. Mais pas uniquement des investissements dans la machine; il faut aussi penser à l’humain.
Il y a des besoins manifestes pour les investissements reliés à la formation. Et non seulement faut-il rehausser la compétence des employés, mais il faut aussi s’attaquer à celle des membres de la direction.
C’est le constat qui se dégage d’une étude menée par l’Institut du Québec, en collaboration avec Manufacturiers et Exportateurs du Québec et Fondaction, sous le thème «Former pour mieux performer: Analyse sur les enjeux du secteur manufacturier».
Urgent besoin de formation continue
À la question «quels sont les obstacles qui empêchent votre entreprise d’investir davantage dans les technologies de pointe?», les réponses ont pointé principalement vers la faible maîtrise des enjeux technologiques par les dirigeants, le manque de compétences pour identifier et implanter les technologies, et les difficultés d’adaptation de la main-d’œuvre.
Plus précisément, les obstacles reliés aux compétences des gestionnaires font état du manque d’information sur les technologies disponibles, du manque de clarté sur la manière de les intégrer ou encore de la difficulté d’intégration dans les processus existants.
Ajoutons à cela la capacité à intégrer le changement et à faire évoluer la culture d’entreprise.
Utilisons une comparaison facile à comprendre: un jeune qui suit ses premiers cours de conduite ne pourra jamais utiliser à plein rendement une Formule Un.
Par conséquent, la première recommandation de l’étude citée précédemment consiste à développer les compétences vertes et technologiques des gestionnaires, et ce, afin de renforcer leur aptitude à évaluer les besoins et d’intégrer de nouvelles technologies.
De façon concrète, on cible notamment les directeurs de fabrication. Il s’agit de la profession la plus commune dans le secteur manufacturier. Plus de 32 000 personnes occupaient ce poste en 2022.
Les directeurs de fabrication doivent voir à la planification des changements en matière de machines et d’équipements, de systèmes de production et de méthodes de travail. Ils jouent un rôle central dans l’adoption de nouvelles technologies et de pratiques durables.
Ce poste clé est souvent confié à des personnes d’expérience dans l’entreprise. Leur formation peut donc parfois remonter à de nombreuses années.
Il ne fait pas de doute qu’investir dans la formation continue de ces gestionnaires entraînerait des répercussions certaines sur l’ensemble du secteur manufacturier.
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L’étude révèle également que le retard technologique amène un cercle vicieux dont il devient difficile de se sortir pour les entreprises.
En effet, les entreprises qui ont le moins investi en machineries et technologies sont également celles qui ont le plus de difficultés à recruter.
Comme ces entreprises ont davantage recours à une main-d’œuvre plus nombreuse, peu qualifiée et plus faiblement rémunérée, elles sont, par conséquent, plus affectées par les pénuries de main-d’œuvre.
Et c’est là que plusieurs risquent de s’enliser.
La faible productivité de leur entreprise ne permet pas de dégager les marges nécessaires pour investir en automatisation ni pour former leur personnel, et ainsi, leur offrir de meilleures conditions de travail, ce qui perpétue leurs difficultés à recruter.
L’impact de gestionnaires formés pour faire face aux enjeux actuels et capables de mener le changement est donc non seulement réel, mais aussi essentiel.
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Le rapport fait état du fait que le niveau d’investissement en machinerie et en technologies au Québec demeure plus faible que dans d’autres provinces.
Cela se répercute par un écart de productivité entre le Québec et l’Ontario de 5,2% pour le secteur manufacturier.
Mais aussi, chiffres moins connus, par un écart de 7,4% d’émissions additionnelles de gaz à effet de serre (GES) pour la même production au Québec.
Former la main-d’œuvre, dont les gestionnaires, est donc un objectif économique direct et concret, que ce soit pour pallier le manque de main-d’œuvre, accroître la productivité ou même favoriser la performance environnementale.
Et, ici, les politiques et les aides gouvernementales ne peuvent pas tout régler.
Chaque entreprise et même chaque individu, travailleur ou gestionnaire, doit aussi faire sa part pour accroître ses compétences.
C’est l’affaire de tous.