«Nous avons le devoir de sauver TVA», dit Pierre Karl Péladeau
Dominique Talbot|Publié le 02 novembre 2023Le président et chef de la direction de Québecor, Pierre Karl Péladeau, n’a pas manqué de rappeler que l’auditoire moyen de la télévision a chuté de 23% au Canada entre 2015 et 2022. (Photo: La Presse Canadienne/Christinne Muschi)
Autre journée noire pour le Groupe TVA. Après la suppression de 140 postes en février dernier, cette fois c’est 547 personnes qui perdront leur emploi, a annoncé l’entreprise jeudi en fin d’après-midi. Cela représente 31% de son effectif actuel. Plus tôt dans la journée, la société contrôlée par Pierre Karl Péladeau avait annoncé un déficit de 13 millions de dollars pour le troisième trimestre de l’exercice financier 2023.
«La situation déficitaire à laquelle se trouve le Groupe TVA n’est plus viable», a dit Pierre Karl Péladeau en conférence de presse. L’air grave, ce dernier a ajouté que «le modèle d’affaires de la télévision traditionnelle est indéniablement bouleversé pour toujours.»
«TVA c’est plus qu’une entreprise. C’est plus qu’une marque. C’est un véhicule historique important pour notre culture, son écosystème, notre langue et notre information au Québec. Ici à Montréal et en région. Aujourd’hui, nous avons le devoir de sauver TVA», a-t-il poursuivi.
«Depuis plus de 10 ans, nous réitérons l’urgence d’agir pour obtenir plus de flexibilité et d’allègements réglementaires. […] L’industrie doit également bénéficier de crédits d’impôt reflétant plus adéquatement et équitablement la réalité télévisuelle des diffuseurs et des producteurs.»
La suppression des 547 emplois signifie entre autres que le Groupe TVA met fin à la production de ses émissions de divertissement comme La poule aux œufs d’or, Le tricheur et VLOG. Ces dernières seront dorénavant produites à l’externe. 300 personnes sont touchées par cette mesure.
Seules les émissions Salut Bonjour et Salut Bonjour Week-end continueront d’être produites par TVA à l’interne, ainsi que certaines autres de la chaîne TVA Sports.
De son côté, le service des nouvelles subira de profonds bouleversements. D’abord, une vingtaine de personnes occupant différentes fonctions dans la salle de nouvelles perdront leur travail, à Montréal, mais aussi dans d’autres régions du Québec.
Tous les bulletins régionaux seront bientôt produits à partir des studios de TVA à Québec et seront d’une durée de 18 minutes. Les équipes de journalistes couvrant les différentes régions de la province devraient néanmoins rester.
À Montréal, le secteur de l’information devra dire au revoir aux locaux qu’occupent TVA et LCN depuis des décennies et situés au 1600, boulevard De Maisonneuve. Les employés seront relocalisés dans une salle de nouvelles «à la fine pointe de la technologie» au 4545, rue Frontenac, dans l’ancienne salle de rédaction du Journal de Montréal. La construction de celle-ci est d’ailleurs déjà commencée.
Pierre Karl Péladeau souhaite entamer des discussions avec la Ville de Montréal et le gouvernement provincial afin de trouver un moyen pour convertir le 1600, boulevard Maisonneuve en logements sociaux.
À Québec, les artisans du Journal de Québec devront dire au revoir à leurs locaux de l’avenue Béchard, déjà en vente, pour déménager dans les bureaux de TVA, au Centre Vidéotron.
Concurrence et réglementation
Le président et chef de la direction de Québecor n’a pas manqué de rappeler que l’auditoire moyen de la télévision a chuté de 23% au Canada entre 2015 et 2022. Entre 2018 et 2022, le taux de pénétration de la télévision a chuté de 10%, alors que les revenus publicitaires de la télévision traditionnelle, eux, ont diminué de 25% de 2012 à 2022.
Pendant ce temps, Facebook et Google ont accaparé près de 80% des revenus de la publicité sur Internet. En 2022, ces revenus atteignaient 11,2 milliards de dollars au Canada seulement.
Sans compter, selon Pierre Karl Péladeau, de l’arrivée des grandes plateformes internationale de diffusion comme Netflix, Amazon, Apple TV, qui viennent sans cesse gruger de nouvelles parts de marché, et qui ne sont pas soumises aux mêmes règles que son entreprise, a-t-il martelé.
«Encore tout récemment, la taxe de vente ne s’appliquait pas pour ces plateformes. […] Nous avons toutes les obligations de paiement à l’égard de la réglementation, alors que les plateformes de diffusion internationales n’en ont aucune et ne paient rien.»
Le cas TVA Sports
La situation financière de TVA Sports n’est rien pour améliorer celle du Groupe, alors que la chaîne n’a jamais fait de profits depuis sa création, il y a plus de 10 ans, et cumule des pertes de plusieurs dizaines de millions de dollars — en plus d’avoir perdu les droits de diffusion du CF Montréal au profit d’Apple.
Rappelons surtout que la chaîne a payé près de 700 millions de dollars en 2014 pour la diffusion jusqu’en 2026 des droits nationaux francophones de la Ligue nationale de hockey. Par année, pour le Canadiens de Montréal seulement, cela représente un peu plus de 22 matchs principalement ceux du samedi.
Questionné par Les Affaires à savoir si le Groupe TVA cherchait à se sortir de ce contrat avant son échéance, Pierre Karl Péladeau a répondu par la négative. Il a également répondu qu’une fermeture prochaine de la chaîne n’est pas dans les plans, tout en rappelant que le conflit qui l’oppose à Bell plombe les revenus de la chaîne.
«J’ai toujours pensé que les chaînes spécialisées de TVA avaient droit à une rémunération à leur juste valeur marchande. Comme distributeur, nous avons une bonne idée de ce que nous payons pour les chaînes spécialisées, qu’elles fassent partie du groupe, ou d’autres groupes.»
«Nous savons également ce que les autres distributeurs paient pour nos chaînes spécialisées. Or, il se trouve que l’autre télédistributeur au Québec est le concurrent de notre chaîne sportive. Et depuis des années, nous demandons de manière tout à fait équitable d’avoir une rémunération adéquate. Et depuis des années, le concurrent refuse de la payer. C’est une situation qui est extrêmement difficile pour TVA Sport», a-t-il commenté.
Au moment d’écrire ces lignes, le syndicat des employés de TVA n’avait pas rappelé Les Affaires.