Les bâtiments réalisés en région par la firme Bourgeois/Lechasseur attirent les jeunes architectes. « Notre côté insulaire nous permet de nous démarquer », croit le confodateur Olivier Bourgeois. (Photo: Adrien Williams)
ARCHITECTURE. Malgré la concentration des architectes à Montréal et à Québec, on sent une envie de la relève à revaloriser les régions et le patrimoine, ainsi qu’à mettre en lumière les identités québécoises. Voici comment les jeunes architectes s’attaquent à ce défi de taille.
Originaire des Îles-de-la-Madeleine, l’architecte Olivier Bourgeois est particulièrement sensible au paysage. Sa firme, Bourgeois/Lechasseur architectes, qu’il a cofondée avec Régis Lechasseur, fait sa marque depuis 2011 à Québec et dans sa région natale.
Il constate que les bâtiments que le bureau réalise attirent les jeunes architectes. « Il y a un attrait pour les régions. Pendant plusieurs années, on était partout au Québec, avec des projets autant en montagne qu’au bord de l’eau. Notre côté insulaire nous permet aussi de nous démarquer », croit-il.
En plus d’avoir une adresse à Québec, la firme possède un bureau aux Îles-de-la-Madeleine, où elle peut compter sur une bonne clientèle et un réseau établi. « Il y a une nouvelle sensibilité à l’architecture, estime le concepteur. Les gens sont prêts à voyager pour découvrir et vivre l’architecture. Ils sont à la recherche de petites merveilles construites dans le paysage. C’est bon pour nous et pour les régions. »
Louis Babin-St-Jean, architecte associé à EVOQ Architecture, voit aussi l’intérêt de la relève pour le sujet. « Je travaille beaucoup avec les communautés éloignées, comme les Innus ou les Inuits. On collabore main dans la main avec elles pour faire avancer leurs projets tout en reflétant leur culture. C’est une façon de valoriser le territoire. »
S’ancrer dans un lieu
On ne conçoit évidemment pas une maison à Montréal de la même manière qu’à Kuujjuaq. Chaque territoire a une histoire, selon Olivier Bourgeois. En amorçant un projet, la petite équipe de Bourgeois/Lechasseur consacre donc passablement de temps à faire des recherches. « On fouille dans les images d’archives pour trouver du beau ou des détails qui sont passés un peu inaperçus, que ce soit des parements de bois ou une forme de toiture. »
Sa démarche rejoint celle de la candidate à la profession d’architecte Olivera Neskovic, qui travaille en restauration du patrimoine à EVOQ Architecture. « On se concentre sur la préservation des vieux bâtiments, mais aussi de l’histoire du Québec. C’est important de voir les bâtiments historiques. Ça nous lie à notre passé », souligne-t-elle.
L’équipe du patrimoine fait également des recherches pour comprendre l’histoire de la construction et des anciens propriétaires. Elle observe les photos d’archives pour saisir la programmation du lieu et pour voir comment il s’intègre dans son contexte.
Pour Olivier Bourgeois, un projet réussi, « c’est un projet qui semble avoir toujours été là ». Aucun bâtiment ne pourrait être pris dans une région et enraciné dans une autre. « Ce sont des réalisations sur mesure, propres au lieu et au client. »
Plusieurs contraintes
Les contraintes de travailler loin des grands centres sont nombreuses. « La réglementation couvre à la fois le respect du paysage bâti et du paysage naturel. Elle est parfois plus sévère qu’ailleurs. Essayer d’innover et d’apporter une touche de contemporanéité dans un milieu conservateur peut aussi faire l’objet d’un long débat », illustre Olivier Bourgeois, qui ajoute qu’il faut s’ouvrir à la critique.
Dans le nord de la province, d’autres défis s’ajoutent. La logistique est notamment un casse-tête. « Tous les matériaux doivent être apportés par bateau, illustre Louis Babin-St-Jean. Rien ne se fait sur place. La conception est également affectée par la météo. Mais ça donne aussi l’opportunité de créer des liens. »
Essentielle collaboration
Louis Babin-St-Jean et ses collègues organisent des ateliers de cocréation sur place. « On choisit un thème et on le travaille de différentes façons. Il y a un réel échange qui se fait. J’ai déjà vu des gens dessiner carrément sur nos plans. »
En collaborant avec les communautés locales, l’architecte estime revaloriser leur patrimoine. « Dans plusieurs projets, on a intégré des œuvres d’art et remis au jour des symboles qui font partie de leurs contes et légendes. Une signature architecturale qui rappelle leur culture permet de créer un sentiment d’appartenance envers les bâtiments. »
Pour rallier la population locale à sa vision, Olivier Bourgeois s’inspire de son côté des détails de construction de l’époque, des matériaux ou de la forme des bâtiments existants. « On peut partir d’un patrimoine historique avec lequel les gens sont familiers, par exemple. On le réinterprète, mais en conservant certains repères. »
Celui-ci mise aussi sur une architecture discrète afin de ne pas faire ombrage au voisinage. « Il faut impliquer les gens vraiment tôt dans le processus. Il faut les tenir au courant de notre démarche, leur présenter les premières esquisses et les idées derrière. Et s’ajuster en fonction des commentaires. »